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Guillaume Almeras

Les banques commencent à réaliser que leurs clients sont de moins en moins captifs

Les ménages diversifient de plus en plus leurs fournisseurs de services financiers.

Les ménages diversifient de plus en plus leurs fournisseurs de services financiers. - Pixabay / Pexels

[AVIS D'EXPERT] Les banques se sont davantage consacrées ces dernières années à l'expérience clients qu'aux services proposés. Et leurs clients se tournent vers des solutions fournies par des fintechs. Décryptage avec notre expert Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor.

Depuis dix ans, le paysage bancaire s’est-il beaucoup transformé? Peu, en fait, si l’on considère les bouleversements qui étaient prédits et le grand nombre d’innovations qui auront été lancées – de la part de fintechs mais également des banques – sans vrai succès. En dix ans, offres et services ont été digitalisés, le plus souvent sans transformations décisives. Peu de grands mouvements de rapprochements et d’acquisitions sont intervenus. Et mêmes les fermetures d’agences – pourtant annoncées à grands cris il y a dix ans – sont restées modérées dans un pays comme la France.

En revanche, la vision que les professionnels du secteur ont de l’évolution prochaine de l’industrie bancaire semble avoir beaucoup évoluée, à suivre une intéressante enquête que le site spécialisé américain The Financial Brand vient de mener.

Une nouvelle vision semble s’être développée depuis deux ou trois ans, sous l’impact de la crise sanitaire bien entendu mais pas uniquement. En fait, semblent davantage compter la crainte d’une entrée en force des Big Tech sur le marché bancaire et la récente et forte montée en puissance de quelques licornes américaines et européennes (Chime, Venmo, SoFi, Plaid, Stripe, Klarna, Revolut, …), désormais gorgées de liquidités et mieux valorisées que la plupart des banques classiques.

De nouveaux acteurs en embuscade

Invités à se prononcer sur une quinzaine de pronostics concernant l’évolution de leur métier, 80% ou plus des responsables et professionnels de tous horizons interrogés par The Financial Brand estiment que d’ici 2025 ou 2030 les réseaux d’agences auront rétréci d’au moins 25%, les applications bancaires seront à plus de 75% gérées sur le cloud, tandis que plus de la moitié des transactions de paiement seront réalisées sur des canaux non bancaires. Et les avis sont très largement majoritaires pour penser également que, très vite, on comptera au moins deux acteurs non bancaires – big tech ou fintech – parmi les dix premiers fournisseurs de services financiers. Sauf pour ce qui regarde les agences, ces perceptions sont toutes nouvelles.

Jusqu’ici, en effet, les banques envisageaient leur avenir sous des perspectives essentiellement technologiques. L’analyse des données, traitées à grand renfort de machine learning, allait permettre, estimait-on, d’améliorer considérablement l’expérience client et de relancer les ventes. Aujourd’hui, les banques réalisent que tout cela, d’autres pourraient le faire bien plus rapidement et mieux qu’elles.

Personnaliser la relation client était la réponse à tout. Il semble désormais plus judicieux de ne pas rater les nouveaux usages et de repenser la fidélisation, car les clients – contrairement à ce que l’on pouvait traditionnellement constater – sont de moins en moins captifs. Non qu’ils changent de banque. La problématique est plutôt celle d’un dégroupage des offres. Outils intelligents d’épargne, solutions de placement, recours aux paiements fractionnés: les clients diversifient leurs fournisseurs et multiplient les expériences ; composant eux-mêmes finalement la "super-app" de services financiers que certains établissements ambitionnent toujours, quoique sans doute déjà trop tard, de leur offrir.

Une innovation produits négligée

A suivre l’enquête de The Financial Brand, la concurrence entre banques et les consolidations pouvant en suivre, la responsabilité sociale et environnementale (RSE), la blockchain et les crypto-devises sont pour les décideurs des thématiques importantes mais nettement moins pressantes que d’avoir à travailler sur des réseaux de distribution, ainsi que d’hébergement et de développement non propriétaires. La banque, demain, sera forcément partenaire. Personne n’avait cette vision il y a cinq ans.

Et, dans ce nouveau paysage, que restera-t-il de vraiment propre aux banques? A ce stade, elles restent à peu près les seules à savoir faire des crédits à moyen et long terme à une large échelle. Cela recouvre notamment les crédits aux entreprises et le crédit immobilier et c’est beaucoup, surtout si la relation bancaire consiste à amener ainsi au crédit particuliers et entreprises. Mais c’est à peu près tout! Ces dernières années, misant beaucoup sur l’amélioration de l’expérience client, les banques ont trop négligé l’innovation produits. Pour cette raison, le paysage bancaire n’a pas fondamentalement changé. Mais cette innovation produits, les banques prennent désormais conscience que d’autres risquent de la mener à leur place.

Par Guillaume Alméras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor