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BFM Awards 2023: découvrez la méthode de Ben Smith, lauréat du prix du Manager de l'année

Passionné d'aviation, partisan d'un dialogue social étroit, le directeur d'Air France-KLM a su s'imposer à la tête de la compagnie. Une méthode qui vaut à Ben Smith d'être sacré Manager de l'année aux BFM Awards 2023.

Menacée de disparition pendant la crise du covid avec 10 milliards d'euros de pertes cumulées, Air France est sortie de l'été 2023 plus forte que jamais. Au troisième trimestre, période la plus importante pour les compagnies aériennes, le groupe français a dégagé des revenus de 8,66 milliards d'euros, en hausse de 8,9% et une marge à 15,5%, en hausse de trois points sur un an, un record absolu pour le groupe. De quoi confirmer un retour dans le vert observé depuis 2022.

Bien sûr, la compagnie a profité comme ses concurrentes du redémarrage massif du trafic aérien depuis 2022. Mais le retour en grâce d'Air France-KLM est également le fruit de la "méthode Ben Smith", aux commandes de la compagnie depuis 2018 en tant que directeur général. Une méthode consacrée par le Grand Prix de Manager de l'Année décerné ce mardi, lors de la 19ème cérémonie des BFM Awards organisée ce mardi à la Pyramide du Louvre.

Le débrief : Le renouveau d'Air France - 27/10
Le débrief : Le renouveau d'Air France - 27/10
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Une passion infinie pour les avions et l'aérien

L'homme né en 1971 au Royaume-Uni mais de nationalité canadienne a fait toute sa carrière dans l'aérien en commençant tout en bas de l'échelle en 1992, comme agent au sol chez Air Ontario. Quinze ans plus tard, il est nommé directeur général d'Air Canada. Sa force première est certainement sa passion infinie pour le secteur aérien et sa connaissance très fine de son fonctionnement à tous les étages.

"J'ai connu de nombreux patrons charismatiques chez Air France, mais Ben Smith sait vraiment de quoi il parle", souligne ainsi Robert Milton, président du conseil d'administration de United Airlines et ancien PDG d'Air Canada.

À Air France, il met en place une stratégie à 360 degrés qui s'appuie notamment sur la restructuration du réseau court-courrier et la rationalisation de la flotte d'avions. Ce qui a récemment amené Bernstein à considérer que la société était "métamorphosée", le bureau d'études consacrant Ben Smith comme "le meilleur CEO (directeur général) chez les compagnies aériennes européennes".

Mais c'est aussi et surtout sur le plan social et le management que le patron marque de son empreinte le groupe. Un groupe historiquement secoué par de nombreuses crises sociales, grèves et autres mouvements de fronde de la part des pilotes et des personnels au sol.

Dès son arrivée, Ben Smith a pour objectif l'apaisement social. Il se rend régulièrement sur le terrain, et met en place "One hour with Ben", une réunion en présence du directeur général où les salariés peuvent librement poser des questions. Le rendez-vous attire les foules: des agents de maintenance aux cadres en passant par les pilotes, on se presse pour pouvoir échanger avec le dirigeant sur tous les sujets concernant le transporteur.

Proximité avec les syndicats et les salariés

Les salariés apprécient l'écoute du dirigeant et surtout son style. L'homme répond dans un français devenu parfait, sait manier l'humour, n'hésite pas à tutoyer ses interlocuteurs. Sa transparence est également saluée avec des réponses sur les sujets les plus sensibles.

Mais entre 2020 et 2022, Air France supprime 8.500 emplois soit 17% des effectifs. Là encore, Ben Smith semble trouver les mots justes face à la situation: d'un côté le covid qui provoque la chute totale de l'activité mais de l'autre, le soutien de l'Etat à travers de massives aides publiques et la promesse d'un redressement. Le dg rassure, la saignée se fait sans heurts.

Il faut dire que le dirigeant prend des décisions audacieuses, comme celle de relancer la moitié des capacités aériennes du groupe alors que la pandémie est loin d'être achevée, pariant sur un trafic mondial en forte hausse une fois le covid derrière nous. Un pari gagnant considéré comme le principal fait d'armes du directeur général.

Tout comme le fait, en 2021, de convaincre les actionnaires de lancer un programme massif de renouvellement de flotte (160 appareils) alors que la situation financière est loin d'être redressée. Autant de décisions qui ont permis au groupe de s'inscrire très tôt dans la reprise du trafic et de faire bien mieux que ses concurrents.

Épisode 1 : Comment Air France a raccourci le temps
Épisode 1 : Comment Air France a raccourci le temps
12:35

8.500 emplois supprimés sans heurts

Ben Smith veut la paix sociale à tout prix et joue la carte de la proximité avec les syndicats. En décembre 2022, alors que des techniciens de maintenance menacent de faire grève à Noël, Yves Joulin, secrétaire général de l’Unsa raconte au Figaro: "cela s’est terminé dans le bureau de Ben Smith, qui a accordé la prime".

En 2018 et 2019, il accorde de généreuses augmentations aux pilotes, souvent à l'origine d'importantes grèves à Air France.

Pour autant, la question de l'emploi et des salaires revient régulièrement sur la table, encore plus avec l'inflation galopante subie en France par les salariés.

Sous sa direction, Air France parvient à arracher un accord sur les salaires en septembre 2022 qui concerne les 38.000 salariés du groupe: une hausse de 5% pour tous, assortie d'une prime de 1.000 euros. Cette année-là, Ben Smith voit son mandat être renouvelé jusqu'en 2027.

Pour autant, en 2023, les discussions avec les salariés sont bien plus houleuses et le climat social inquiète à nouveau. Son salaire stratosphérique (jusqu'à 4,5 millions d'euros annuels) provoque régulièrement des remous chez les syndicats. L'annonce de la compagnie de quitter l'aéroport parisien d'Orly n'a pas très bien été accueillie.

De quoi mettre à rude épreuve l'esprit de conciliation de Ben Smith, qui d'ailleurs a des limites. Ainsi, il n'hésite pas à écarter les managers qui remettent en cause sa stratégie.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business