Surveillance, charge de travail… Ce qu'a changé le télétravail pour votre manager

Pour de nombreux managers, le développement du télétravail s'est accompagné de difficultés, notamment pour créer de l'entrain et communiquer avec leurs équipes. Une étude montre que certains surveillent même leurs employés. Une pratique "inefficace", selon la CFE-CGC.

Votre employeur vous espionne-t-il lorsque vous travaillez depuis chez vous? La CFE-CGC, le syndicat des cadres, propose de plonger dans la tête des managers, pour comprendre comment ils gèrent les équipes en télétravail, grâce à une étude qui sera publiée le 24 avril.

Sans surprise, ce qui manque le plus à votre manager, c'est probablement de discuter de vive voix avec vous et vos collègues, afin de préserver un collectif de travail. 40% des managers interrogés soulignent "le manque de liant social" dans le cadre du travail à distance, selon l'enquête* de la CFE-CGC.

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Mais la question centrale posée par l'avènement du télétravail depuis la crise du Covid est celle de la confiance. Selon l'enquête, il existe plusieurs catégories de managers. Ceux "qui faisaient déjà confiance" à leurs équipes ont continué dans cette voie, malgré les défis d'organisation et de communication.

En revanche, pour d'autres, la relation managériale avec les salariés est beaucoup moins saine. En télétravail, "une recherche accrue de contrôle des tâches et de mesure des résultats est clairement observée", écrit l'étude.

Teams, "un moyen de surveillance"

Si votre entreprise utilise le logiciel "Teams", il se peut que votre manageur épie la couleur de votre voyant. Vert, orange ou rouge, il permet de signaler si l'employé est disponible ou non. Le statut passe automatiquement à "inactif" lorsque la souris n'a pas été bougée pendant quelques minutes.

"Les managers utilisent le voyant Teams comme un indicateur pour confirmer la présence de leurs collaborateurs. Cet outil devient implicitement un moyen de surveillance et un moyen de délester le manager d’une charge mentale", note l'étude.

La surveillance via les outils numériques fait alors peser une pression et un stress sur les salariés en premier lieu, qui peuvent à peine quitter leur bureau, mais aussi sur le manager. Parfois sans même qu'il ne s'en rende compte.

Un des managers interrogé dans l'enquête explique ainsi: "Si je leur parle sur le fil de conversation et qu’ils ne me répondent pas tout de suite, je peux me poser des questions... mais ça n’arrive pas. Les gens prennent leur pause comme quand ils sont au travail. Dans notre équipe, en tout cas, oui il y a de la confiance."

Un sur-contrôle qui vient d'en haut

Si votre manager vous surveille de la sorte, c'est probablement qu'il subit lui-même un sur-contrôle de sa propre hiérarchie, explique le secrétaire national CFE-CGC et auteur de l'étude, Maxime Legrand. "Bien souvent, ce manque de confiance vient d'abord d'en haut. Les managers intermédiaires doivent faire de plus en plus de reporting (des rapports d'activité à leurs supérieurs) et répercutent ce besoin de contrôle sur leurs équipes", regrette-t-il.

Maxime Legrand s'inquiète du développement de ces technologies. "Demain, avec l'intelligence artificielle, il y aura de plus en plus d’outils pour contrôler le nombre de mails envoyés, etc."

En plus d'être "stressantes à tous les niveaux", ces pratiques sont complètement "inefficaces", selon lui. "Les salariés trouvent des subterfuges pour les contourner, ils vont par exemple utiliser des logiciels pour activer l'écran ou la souris."

"Les seules pratiques efficaces économiquement sont celles basées sur la confiance", assure Maxime Legrand.

Selon lui, le développement du télétravail a surtout permis de mettre en avant des méthodes qui avaient déjà cours. "Avant le manager pouvait surveiller que le salarié était à son bureau, mais ce n'est pas pour ça qu'il travaillait ou qu'il était efficient, ça nous réinterroge sur ce qu'on faisait avant."

Des managers en mal de formation

Si votre patron vous flique, c'est peut-être qu'il n'a jamais appris à diriger des équipes, encore moins en télétravail. 63% des managers interrogés estiment qu'ils n'ont pas été suffisamment formés pour animer leur équipe dans le contexte du travail à distance.

L'avènement du télétravail a aussi développé une surcharge de travail pour les managers, responsables de fluidifier la communication, de susciter de la motivation et de la cohésion. "Parfois, il faut même expliquer aux collaborateurs entre eux que l’un travaille autant que l’autre", illustre Maxime Legrand.

Détecter les signaux faibles

Si vous êtes parfois surchargé de travail, ou à l'inverse que vous n'avez rien à faire, c'est sûrement que votre manager a du mal à "se rendre compte de la charge de travail subjective de ses collaborateurs lorsqu’ils sont à distance". En effet, difficile, en télétravail, de détecter les signaux faibles. D'autant que "l’atteinte d’un objectif quantitatif et/ou qualitatif ne rend pas compte de l’état d’esprit du collaborateur", détaille l'étude.

De la même façon, déceler des problèmes subtils, comme des difficultés professionnelles ou personnelles, des tensions, etc. est plus compliqué. La raison souvent invoquée est la moins bonne qualité voire l’absence du langage corporel. Les managers ont aussi plus de mal à se faire comprendre à distance.

"Quand vous appelez par Teams, ça peut être enregistré, par écrit ça laisse une trace, tout le monde fait un peu plus attention à ce qu'il dit. On s’autorise moins les blagues car on ne sait pas comment ça va être interprété", explique Maxime Legrand.

Globalement, il salue les accords conclus dans les entreprises qui permettent notamment de définir plus précisément le rôle et le pouvoir du manager dans la gestion
Individuelle et collective du télétravail.

*Méthodologie :
Cette étude a été réalisée à partir d’une enquête en ligne et d’entretiens individuels plus poussés. L’enquête en ligne s’est déroulée du 19 avril au 14 mai 2023 auprès de 4.693 répondants, dont 32% de managers. Les entretiens individuels (41 au total) se sont déroulés du 26 juin au 13 juillet 2023 auprès d'un panel sélectionné au sein des managers ayant répondu à l’enquête en ligne.

Marine Cardot