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Réforme de l'assurance chômage: le moment de vérité approche

En cas d'échec des négociations, le gouvernement reprendrait la main et pourrait imposer ses vues par décret.

En cas d'échec des négociations, le gouvernement reprendrait la main et pourrait imposer ses vues par décret. - Dominique Faget- AFP

Les négociations reprennent ce jeudi les syndicats et les organisations patronales. Au centre des discussions : mettre fin au recours excessif des contrats courts et les conditions d'indemnisation des chômeurs.

Après deux semaines de suspension, les difficiles négociations sur la réforme de l'assurance chômage reprennent jeudi autour d'un projet d'accord global mis sur la table par le patronat. Ce texte, envoyé mercredi soir aux syndicats et dont l'AFP a obtenu une copie, aborde les deux points durs: d'une part la diminution des contrats précaires (CDD de moins d'un mois), dont le nombre a explosé depuis 20 ans; de l'autre les conditions d'indemnisation des chômeurs pour inciter au retour à l'emploi et réaliser les économies demandées par le gouvernement (entre 3 et 3,9 milliards d'euros sur trois ans).

Sur le premier point, le patronat propose ainsi de revoir les règles des "CDD d'usage", des CDD très flexibles sans limitation de renouvellement et sans versement de l'indemnité de fin de contrat. Ils sont largement utilisés notamment dans l'hôtellerie-restauration, le spectacle, les services à la personne l'événementiel, etc. Le patronat propose "que l'employeur verse au salarié une prime de CDD d'usage égale à ...% de la rémunération totale brute versée, dès lors que ce dernier a bénéficié d'au moins 4 CDD d'usage au cours des 6 derniers mois". Le montant de cette prime reste ouvert à la négociation.

Parmi les autres pistes mises sur la table, le patronat répond notamment à une demande de la CFDT sur l'accès pour les CDD de moins de trois mois à la couverture complémentaire santé mise en place dans leur entreprise. Il souhaite également renforcer l'abondement de leur compte personnel formation.

Le patronat opposé au bonus-malus

Avec ces propositions, le patronat espère convaincre les syndicats de renoncer à l'idée d'appliquer un "bonus-malus" sur les cotisations chômage des employeurs en fonction de leur recours aux contrats précaires.

Le Medef, la CPME (petites et moyennes entreprises) et l'U2P (artisans et commerçants) avaient été en effet fortement irrités par des déclarations fin janvier d'Emmanuel Macron, qui avait répété sa "détermination" à mettre en place le "bonus-malus", une promesse de campagne.

Les trois organisations s'étaient brièvement retirées de la table des négociations avant d'être rassurées par des déclarations d'Edouard Philippe sur sa "confiance" dans les partenaires sociaux pour trouver un accord, sans prononcer les deux mots qui fâchent.

"Nous, on a une solution. Si les partenaires sociaux en trouvent une meilleure qui a le même effet c'est très bien, mais sinon on la fera", a résumé dimanche la ministre du Travail Muriel Pénicaud à propos du "bonus-malus".

En cas d'échec des négociations, le gouvernement reprendra la main

A l'heure où "un tiers" des CDD ne durent qu'une journée, il "faut régler cette question de la précarité excessive", a insisté Muriel Pénicaud en visant les employeurs qui "remettent toujours les même personnes au chômage et donc grèvent le coût de l'assurance chômage", de deux milliards par an selon l'Unédic.

Reste à savoir si cela suffira aux syndicats, notamment les "réformistes" (CFDT, CFE-CGC et CFTC). Sans "propositions tangibles sur la taxation des contrats courts, il n'y aura pas de discussion possible", a prévenu Laurent Berger (CFDT). De son côté, FO a fait du "bonus-malus" une "condition" à la signature d'un accord.

D'autant que sur l'autre sujet conflictuel, les économies demandées par le gouvernement pour réduire l'endettement de l'Unédic (environ 35 milliards d'euros), les propositions patronales risquent de faire tiquer les syndicats.

Comme l'exécutif, le patronat veut éviter que "le fractionnement des relations de travail ne soit plus intéressant, tant pour le salarié que l'employeur, que l'allongement des durées d'emploi".

Tout en gardant le principe du "un jour travaillé = un jour indemnisé", il propose de durcir les conditions d'accès à l'indemnisation (4 mois travaillés sur les 24 derniers mois au lieu de 28), le calcul de l'allocation journalière et de l'indemnité mensuelle, le durcissement "du rechargement des droits", etc.

"La CFDT ne signera pas un accord qui pénalisera les demandeurs d'emploi", avait martelé Laurent Berger.

Leur intérêt pourrait cependant être de trouver un compromis pour préserver la gestion paritaire de l'assurance chômage, à laquelle est très attachée Force ouvrière, notamment. En cas d'échec, le gouvernement reprendrait en effet la main et pourrait imposer ses vues par décret.

Coralie Cathelinais avec AFP