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Profs, aides, conducteurs de cars... des pénuries à tous les étages menacent la rentrée 2022

Crise des vocations, conditions de travail difficiles, rémunérations jugées trop faibles: le monde scolaire peine à attirer malgré les efforts du gouvernement.

Les grandes vacances approchent et il s'agira vraiment d'en profiter car si vous êtes parent, la rentrée scolaire prochaine s'annonce très compliquée. Les pénuries de personnels sont plus importantes que jamais: dans les classes, les réfectoires ou encore les cars de ramassage scolaire. A tous les étages, la situation est très tendue et rien ne dit qu'elle s'arrangera avant septembre. Panorama.

Des milliers de profs manquent à l'appel

C'est un peu la panique du côté de l'Education nationale avec un manque inquiétant d'enseignants, qu'il s'agisse de professeurs des écoles (primaire) ou de professeurs en collèges et lycées.

Or, les premiers résultats des concours officiels ne laissent présager rien de bon.

"Les taux de présence aux premières épreuves écrites du CRPE - concours de recrutement des professeurs des écoles - atteignent l'un des plus bas niveaux de l'histoire", s'alarmait le 10 mai le SNUipp-FSU, premier représentant des instituteurs.

Du côté du Capes (professeurs des collèges et lycées), selon les chiffres de l'Education nationale, en Mathématiques, sur 1035 postes, seuls 816 candidats ont passé la barre de l'écrit et sont donc admissibles. En Allemand, 215 postes sont vacants mais seulement 83 candidats sont admissibles.

Une crise des vocations qui oblige l'Etat à contourner les dispositifs classiques de recrutement par concours en organisant des "jobs datings" afin d'attirer des professionnels de tous bords qui souhaitent changer de vie et enseigner.

Rien qu'à l'Académie de Versailles et de Créteil, qui organise ces rendez-vous du 30 mai au 3 juin, 2035 postes de contractuels de la fonction publique sont à pourvoir. Le processus est simplifié au maximum avec des entretiens de 30 minutes réalisés avec des représentants des rectorats. Les candidats retenus sont alors convoqués pour un second entretien et pourront commencer à enseigner dès la rentrée prochaine de septembre.

Boucher les trous aussi vite que possible en recrutant des contractuels est-elle une solution viable? Professeurs titulaires et proviseurs s'inquiètent de voir ces futurs professeurs peu ou mal formés débarquer dans les collèges et les lycées.

"Ce Job dating n’est qu’un cataplasme collé sur une jambe de bois! Au lieu de s’attaquer aux réelles causes de la crise du recrutement, le gouvernement préfère recruter en masse des personnels contractuels qui seront précaires et non formés! Dans l’académie de Versailles, les contractuels représentent déjà 20% des effectifs. L’an prochain, ce sont encore plus de nouveaux personnels qui seront placés devant les élèves sans avoir appris à enseigner. Cette situation dégrade la qualité de l’enseignement dispensé et met en souffrance les personnels recrutés", s'inquiète le Snes, syndicat des enseignants du secondaire.

Pour autant, ce sont des biens des centaines de candidats en quête de reconversion qui se sont présentés ce lundi à ce job dating.

Cantines: des pénuries depuis janvier

De nombreuses cantines scolaires ont été perturbées voire fermées dans les premiers mois de l'année, essentiellement à cause de flambées de cas de covid. Les parents ont alors dû se débrouiller. Mais alors que la situation sanitaire s'est améliorée, le manque de personnels est encore patent.

Les infirmiers scolaires désertent

La profession souffrait déjà avant la crise sanitaire d'un manque d'attractivité et de mauvaises conditions de travail. En 2018, on dénombrait un infirmier pour 1300 élèves. Désormais, ce chiffre peut se hisser à 1 pour 1800 élèves dans un département comme la Seine-Saint-Denis.

Outre des conditions de travail difficiles, la profession dénonce une rémunération largement inférieure à celle proposée par les établissements de santé. Conséquence: 66% des infirmiers scolaires envisagent de changer de métier.

Face à cette pénurie, le gouvernement tente de rendre la profession plus attractive. Lors du Grenelle de l'éducation en 2021, une revalorisation de 400 euros annuels a été décidée. 

Pour autant, les revalorisations des salaires dans les établissements de Santé (à travers le Ségur de la Santé, soit 183 euros net par mois en plus) a provoqué d'importantes fuites car cette augmentation ne concernait pas les professionnels exerçant en milieu scolaire. En février dernier, un décret a permis de rétablir l'équité puisque ces professionnels oubliés du Ségur percevront bien cette augmentation.

Reste la question des créations de postes qui pour le moment n'est pas réglée.

Ramassage scolaire: il manque 15.000 conducteurs

De nombreux services de ramassages scolaires risquent en effet de ne pas fonctionner à la rentrée prochaine. En cause, le manque chronique de conducteurs de cars scolaires.

Selon la FNTV, la Fédération nationale des transports de voyageurs, il manque pas moins de 15.000 conducteurs dans la France entière (sur un effectif global de 100.000) contre 10.000 l'an passé. Toutes les régions sont concernées.

Les conditions de travail constituent le principal frein. La filière se démène pour faire bouger les lignes. Le gouvernement a abaissé l’âge d’accès au permis D à 18 ans au lieu de 20. Le secteur est également en train de revoir en profondeur la formation en créant de toutes pièces une filière d'apprentissage composé d'un nouveau CAP d’agent d’accueil et de conduite routière incluant le passage du permis D ainsi que l'installation de CFA.

Les salaires ont été revus à la hausse mais ça ne suffit pas. Près de 9 entreprises sur 10 du secteur éprouvent toujours des difficultés à recruter.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business