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Le salarié licencié parce qu'il n'était pas assez "fun" obtient sa réintégration et des indemnités

La justice avait annulé son licenciement suite au "comportement critique du salarié et son refus d'accepter la politique de l'entreprise basée sur l'incitation à divers excès". Il obtient près de 500.000 euros d'indemnités.

L'affaire que nous révélions en novembre 2022 avait fait le tour du monde. Un salarié d'une entreprise avait obtenu l'annulation partielle de son licenciement pour des causes assez originales.

Son employeur lui reprochait de ne pas adhérer aux valeurs "fun & pro" de l'entreprise en ne participant pas à tous les apéros organisés en interne ou en critiquant l'alcoolisation excessive des équipes lors de ces "moments de convivialité". Après avoir obtenu gain de cause auprès de la Cour de cassation, le salarié s'était alors tourné vers la Cour de renvoi pour obtenir sa réintégration et des indemnités.

Selon nos informations, cette demande a été entendue puisque la Cour d'appel a confirmé ce mardi la nullité du licenciement. Elle a aussi ordonné la réintégration du salarié et a prononcé pas moins de 496.200 euros d'indemnités au titre de la nullité.

"En cas de nullité d’un licenciement le salarié peut soit demander des dommages et intérêts soit demander sa réintégration. Nous avions formulé une demande de réintégration à la requête du salaire considérant que seule une réintégration était de nature à réparer l’atteinte aux droits fondamentaux du salarié, vie privée et liberté d’expression", explique à BFM Business, Olivier Bongrand, l'avocat du salarié.

Désormais, "l'employeur peut en théorie former un nouveau pourvoi mais la solution de la Cour de cassation s’impose", poursuit le conseil.

"L'incitation à divers excès"

Rappel des faits. Le salarié en question a été engagé en 2011 par la société Cubik Partners, en qualité de consultant senior, puis promu directeur en 2014. Il est donc licencié un an plus tard pour "insuffisance professionnelle" et notamment son refus d'adhérer à la valeur ""fun & pro" de l'entreprise".

Après une décision aux Prud'hommes, l'affaire est renvoyée en cour d'appel et son verdict donne lieu à un pourvoi en cassation de la part des deux parties.

Le salarié considère en l'espèce avoir été licencié suite à un "comportement critique et son refus d'accepter la politique de l'entreprise basée sur l'incitation à divers excès" peut-on lire dans l'arrêt.

Dans cet arrêt de novembre 2022, les magistrats ont en effet considéré "que le licenciement (est) intervenu en raison de l'exercice par le salarié de sa liberté d'expression; que la cour d'appel a constaté qu'il ne pouvait être reproché à Mr T. son absence d'intégration de la valeur "fun & pro" de l'entreprise".

Cette valeur, se traduisait selon la Cour "par la nécessaire participation aux séminaires et aux pots de fin de semaine générant fréquemment une alcoolisation excessive encouragée par les associés qui mettaient à disposition de très grandes quantités d'alcool, et par des pratiques prônées par les associés liant promiscuité, brimades et incitation à divers excès et dérapages".

BFM Business avec vous : Combien de temps a-t-on pour saisir les Prud'hommes après avoir été licensié ? - 20/02
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"Alcoolisation excessive, brimades, dérapages, pratiques humiliantes"

"Le reproche adressé au salarié dans la lettre de licenciement de refuser d'accepter la politique de l'entreprise et le partage des valeurs "fun & pro" ne pouvait être considéré comme une violation de sa liberté d'expression, quand le refus de Mr T. d'adhérer à ces "valeurs" participait de sa liberté d'opinion et d'expression", peut-on lire.

Par ailleurs, le licenciement intervenu "en violation du droit fondamental du salarié à la dignité et au respect de sa vie privée (...) la culture "fun & pro" en vigueur dans l'entreprise était caractérisée par des pratiques humiliantes et intrusives dans la vie privée telles que des simulacres d'actes sexuels, l'obligation de partager son lit avec un autre collaborateur lors des séminaires, l'usage de sobriquets pour désigner les personnes et l'affichage dans les bureaux de photos déformées et maquillées".

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business