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Un salarié ne peut pas être licencié parce qu'il n'est pas assez "fun"

Ne pas adhérer aux moments de convivialité de l'entreprise ne peut donner lieu à un licenciement.

Ne pas adhérer aux moments de convivialité de l'entreprise ne peut donner lieu à un licenciement. - -

La Cour de cassation vient d'annuler en partie un licenciement suite au "comportement critique du salarié et son refus d'accepter la politique de l'entreprise basée sur l'incitation à divers excès" comme une alcoolisation excessive lors des pots de fin de semaine.

Un salarié qui ne participe pas à tous les apéros organisés par son employeur ou qui critique l'alcoolisation excessive des équipes lors de ces "moments de convivialité", ne peut être licencié pour cela.

C'est en effet ce qu'a considéré la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 9 novembre dernier.

Petit rappel des faits. Le salarié en question a été engagé en 2011 par la société Cubik Partners, en qualité de consultant senior, puis promu directeur en 2014. Il est licencié un an plus tard pour "insuffisance professionnelle" et notamment son refus d'adhérer à la valeur ""fun & pro" de l'entreprise".

Après une décision aux Prud'hommes, l'affaire est renvoyée en cour d'appel et son verdict donne lieu à un pourvoi en cassation de la part des deux parties.

Excès

Le salarié considère en l'espèce avoir été licencié suite à un "comportement critique et son refus d'accepter la politique de l'entreprise basée sur l'incitation à divers excès" peut-on lire dans l'arrêt.

Dans cet arrêt, les magistrats ont en effet considéré "que le licenciement (est) intervenu en raison de l'exercice par le salarié de sa liberté d'expression ; que la cour d'appel a constaté qu'il ne pouvait être reproché à Mr T. son absence d'intégration de la valeur "fun & pro" de l'entreprise".

Cette valeur, se traduisait selon la Cour "par la nécessaire participation aux séminaires et aux pots de fin de semaine générant fréquemment une alcoolisation excessive encouragée par les associés qui mettaient à disposition de très grandes quantités d'alcool, et par des pratiques prônées par les associés liant promiscuité, brimades et incitation à divers excès et dérapages".

"Alcoolisation excessive, brimades, dérapages, pratiques humiliantes"

"Le reproche adressé au salarié dans la lettre de licenciement de refuser d'accepter la politique de l'entreprise et le partage des valeurs "fun & pro" ne pouvait être considéré comme une violation de sa liberté d'expression, quand le refus de Mr T d'adhérer à ces "valeurs" participait de sa liberté d'opinion et d'expression" peut-on lire.

Par ailleurs, le licenciement intervenu "en violation du droit fondamental du salarié à la dignité et au respect de sa vie privée (...) la culture "fun & pro" en vigueur dans l'entreprise était caractérisée par des pratiques humiliantes et intrusives dans la vie privée telles que des simulacres d'actes sexuels, l'obligation de partager son lit avec un autre collaborateur lors des séminaires, l'usage de sobriquets pour désigner les personnes et l'affichage dans les bureaux de photos déformées et maquillées".

La Cour de cassation a donc annulé une partie du jugement de la cour d'appel et a condamné l'employeur à verser au salarié la somme de 3000 euros.

Les autres points et notamment le montant du dédommagement à payer par l'entreprise (le salarié réclame 461.406 euros) seront à nouveau examinés par la cour d'appel de Paris.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business