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Emploi: quels sont les métiers qui peineront à recruter dans votre région d'ici à 2030?

La direction de l'Animation de la recherche, des Études et des Statistiques a publié une étude dense sur les difficultés de recrutement par métier et par région jusqu'en 2030. Il en ressort notamment que de nombreux postes de conducteurs de véhicules, de cadres, d'employés de maison et d'aides à domicile ne seront pas pourvus durant cette décennie.

C'est le genre d'études dont les résultats peuvent inspirer ou modifier des plans de carrière et donc de vie. La direction de l'Animation de la recherche, des Études et des Statistiques (Dares) a rendu public son enquête baptisée "Les métiers en 2030" qui projette les perspectives de recrutement à cet horizon. Le rapport propose une analyse à l'échelle nationale, mais la décline également par région. Globalement, la façade atlantique et le bassin méditerranéen seront davantage exposés à des difficultés de recrutement dans les années à venir, contrairement au nord-est du pays.

C'est un problème démographique qui est à l'origine de ces tensions accrues: un nombre important de babyboomers vont partir à la retraite et ne sera que partiellement compensé par des jeunes débutants sur le marché du travail. "Cela se traduira dans la décennie à venir par un déséquilibre particulièrement marqué dans les métiers où la part des seniors est élevée (conducteurs de véhicules) ou pour ceux qui sont très dynamiques en termes d’emploi (cadres commerciaux et technico-commerciaux)", explique la Dares.

"Au niveau national, 5% des besoins de recrutement ne seraient pas spontanément pourvus par les jeunes débutant sur le marché du travail à l’horizon de 2030", souligne l'étude.

Cependant, certaines régions, côtières notamment, vont bénéficier de leur attractivité pour enregistrer l'arrivée de travailleurs sur leur territoire tandis que des travailleurs issus d'un autre métier, des chômeurs, des inactifs ou des immigrants vont pourvoir certains postes. Au total, la Dares chiffre la baisse du taux de chômage d'ici 2030 à environ 450.000 personnes retrouvant un emploi.

Des déséquilibres potentiels dans toutes les régions

Si les taux de départs en fin de carrière devraient osciller entre 26% et 31% d'ici 2030 en pourcentage de l'emploi régional 2019, la proportion des postes potentiellement non pourvus varie beaucoup plus significativement d'une région à l'autre.

Dans les régions de l'Ouest et du Sud, les déficits potentiels de main d'oeuvre sont élevés car elles ont une faible part de jeunes qui y débutent leur carrière active malgré leur attractivité et leur bonne dynamique d'emploi.

Ces déséquilibres sont moindres dans les régions intérieures, le Grand Est et les Hauts de France où les créations d'emplois sont relativement faibles. Enfin, l'Île-de-France est une région marquée par sa forte attractivité auprès des jeunes travailleurs et un phénomène accentué de départs d'actifs vers les régions côtières. En mettant en balance d'un côté les départs en fin de carrière et les créations d'emplois et de l'autre l'arrivée des jeunes débutants et les mobilités inter-régionales, la Dares estime que toutes les régions seraient en déséquilibre potentiel à l'horizon 2030: elles auraient toutes plus de besoins de recrutement que de ressources en main d'oeuvre (voire carte ci-dessous).

Le "U de la croissance"...

En y regardant de plus près, l'entité rattachée au ministère du Travail constate un lien de corrélation entre dynamisme de l'emploi et exposition aux déficits potentiels de main d'oeuvre. Ces derniers sont ainsi plus élevés de la façade atlantique à la vallée du Rhône en passant par le bassin méditerranéen, un espace également surnommé "U de la croissance" car il concentre les territoires où l'emploi a le plus augmenté au cours des quatre dernières décennies.

Et les perspectives sont plutôt bonnes à l'image de l'Auvergne-Rhône-Alpes et de l'Occitanie qui "concentrent davantage de métiers de cadres de conception et de recherche (personnels d’études et de recherche, ingénieurs et cadres de l’industrie, cadres du BTP) dont le scénario de référence anticipe une croissance de l’emploi, en raison de l’importance de l’industrie de pointe dans ces territoires et de l’implantation d’usines européennes."

Parmi les atouts de cette zone, les grandes métropoles, le climat et la présence de littoraux séduisent les travailleurs, notamment qualifiés et venant d'autres régions, qui permettent de combler une partie des postes créés ou laissés vacants par les seniors. Mais seulement en partie et le nombre de jeunes débutants reste insuffisant pour compléter le rattrapage.

"Le Sud-Ouest bénéficie, en effet, d’un afflux de retraités ou de ménages sans enfants et peut souffrir dans certains territoires d’un départ des jeunes qui vont étudier ou chercher un premier emploi ailleurs."

... face à la "diagonale des faibles densités"

Dans le Centre-ouest et le Nord-est, les déficits potentiels de main d'oeuvre sont moindres pour des raisons parfaitement opposées. Des Ardennes au Massif central en passant par la façade de la Manche et le Centre-Ouest, la "diagonale des faibles densités" s'est caractérisée par une faible croissance démographique et de l'emploi à laquelle s'ajoute une attractivité réduite. De plus, les secteurs primaires et secondaires, peu porteurs en matière de création d'emplois, y restent davantage présents que dans le "U de la croissance" par exemple.

Des disparités existent toutefois au sein de cette zone géographique. D'un côté, les régions du Centre-Val de Loire, Bourgogne-Franche-Comté et Normandie témoignent d'une population âgée et donc de nombreux départs en fin de carrière à prévoir. Mais dans le même temps, la présence des jeunes débutants est réduite en raison d'établissements de formation plus rares qu'ailleurs et les nouveaux travailleurs, venus essentiellement de l'Île-de-France limitrophe, ne parviennent pas à contrebalancer ce manque. De l'autre côté, le Grand-Est et les Hauts-de-France devraient voir leur proportion de jeunes débutants augmenter jusqu'en 2030 car le premier réussit à conserver ses étudiants tandis que le second jouit d'une population assez jeune. Seul bémol, ces régions attirent moins de travailleurs venus d'autres territoires.

"Les régions du Nord-Est vont donc globalement être moins dynamiques en termes de démographie et d’emploi et la part des seniors qui vont partir en fin de carrière y sera supérieure à la moyenne nationale."

La particularité francilienne

Une fois n'est pas coutume, l'Île-de-France se démarque des autres régions françaises. Bien qu'elle reste la première région en matière d'actifs en emploi, sa part dans l'emploi national diminue mais la région parisienne concentre des activités et professions de niveau cadre propices aux créations d'emplois comme l'informatique, l'information-communication, la gestion des entreprises, le soin aux personnes ou encore la R&D.

"En raison d’une grande offre d’enseignement supérieur, la région francilienne est le lieu d’études de nombreux jeunes qui y débutent aussi leur carrière professionnelle", précise l'étude.

Alors que sa part de seniors partant à la retraite y est plus faible qu'ailleurs, l'Île-de-France est aussi la région la plus touchée par le départ d'actifs en emploi vers d'autres régions en proportion.

Les agents d'entretien, employés de maison et aides à domicile vont manquer un peu partout

Trois métiers affichent un déficit potentiel de main d'oeuvre élevé sur l'ensemble du territoire: les agents d'entretien, les employés de maison et les aides à domicile. En cause, de nombreux départs en fin de carrière et une faible attractivité pour les jeunes débutants. Ce à quoi s'ajoutent de nombreuses créations d'emplois, notamment dans les régions les plus peuplées, ce qui n'est pas sans lien avec le vieillissement démographie national.

Mais les régions ne sont pas logées à la même enseigne pour plusieurs autres métiers. C'est le cas pour les ingénieurs (en informatique), les cadres techniques de l'industrie ou les personnels d'études et de recherche qui devraient particulièrement manquer sur la façade atlantique et dans le sud-ouest malgré l'attractivité de ces territoires.

Sans surprise, ce sont dans les principales régions agricoles (Nouvelle-Aquitaine et Bretagne) et viticoles (Bourgogne-Franche-Comté et Grand Est) que le déficit potentiel de maraîchers, jardiniers et viticulteurs sera le plus élevé. L'explication est sensiblement la même en ce qui concerne les techniciens de maintenance pour lesquels les déficits seront marqués en Bretagne, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et sur l'Île de Beauté "en raison de la prépondérance du commerce pour la Corse et du dynamisme de l’industrie pour les trois autres régions". A titre de comparaison sur ce métier spécifique, les écarts entre besoins et viviers de recrutement seraient inférieurs à 9% voire même inexistants dans les régions les plus peuples d'ici 2030.

Les difficultés de recrutement accentuées au sud et à l'ouest du pays

Il sera de plus en plus difficile de trouver des conducteurs de véhicules, des employés de maison et aides à domiciles et des cadres commerciaux ou des services administratifs et financiers et ce, à travers tout l'Hexagone. Mais comme le montre la carte ci-contre, cette difficulté sera accrue dans les Pays de la Loire, en Nouvelle-Aquitaine et en Bretagne où le marché du travail est déjà très tendu.

"Ces trois régions sont à la fois agricoles et industrielles et les départs en fin de carrière devraient être très nombreux dans ces domaines professionnels, où les actifs en emploi sont plus âgés que la moyenne des métiers et les jeunes débutants moins présents", souligne la Dares.

La situation est tout autre en Île-de-France où la part d'emploi exercé dans des métiers pour lesquels les difficultés de recrutement risquent de croître est faible "en raison d’une démographie plus jeune sur le marché du travail (plus de débutants et moins de seniors)."

"Enfin, les régions du Nord-Est seraient également moins affectées par l’aggravation des difficultés de recrutement, essentiellement en raison d’un plus faible dynamisme de l’emploi. Symétriquement, c’est dans ces territoires que les difficultés actuelles de recrutement pourraient se réduire le plus fortement."

Timothée Talbi