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Emploi

Droit à la paresse, "quiet quitting"... ces Français qui prennent leur distance par rapport au travail

Désormais, une majorité de Français considère que le travail est avant tout une contrainte plutôt qu’une source d’épanouissement

Jamais la perception au travail n'aura évolué aussi vite dans notre société. L'accumulation de crises ces dernières années, du covid à l'Ukraine, en passant par l'inflation et les pénuries, a profondément transformé les attentes et les actes des travailleurs français.

L'engouement pour le télétravail, l'aspiration à une vie plus équilibrée, la quête de sens... sont déjà devenus des marqueurs forts, notamment chez les plus jeunes salariés. En résumé, le travail perd sa position centrale dans la vie de nos concitoyens, un constat qui se confirme encore une fois dans une nouvelle étude* menée par l'Ifop/LesMakers.fr.

Une étude qui "pointe une réelle prise de distance, et des actifs qui sont de plus en plus nombreux à dire qu’ils vont travailler principalement pour l’argent tout en faisant "juste ce qu’il faut" dans le cadre professionnel".

Un salarié sur deux entend travailler "juste ce qu'il faut"

Ainsi, 37% des Français se disent concernés par le "quiet quitting" en restant stricto sensu dans le cadre de leur contrat de travail, refusant les heures supplémentaires, d'être sollicité en dehors des heures de travail et les éventuelles tâches qui ne relèveraient pas de leur mission.

Et 45% déclarent travailler "juste ce qu’il faut". Une "pratique" particulièrement forte chez les plus jeunes: 61% des 18-24 ans et 71% des 25-34 ans. Mais cette approche ne suscite pas vraiment de désapprobation puisque seulement 22% des interrogés l'assimilent à de la fainéantise.

Avoir des revenus, tel est l'objectif principal désormais des salariés français. Près de la moitié (45%) des personnes interrogées, dont 14% tout à fait d’accord, ne se rendent au travail que pour le salaire qu’elles en retirent. Un chiffre en nette augmentation puisqu’en 1993, ils n’étaient qu’un tiers (33%) à placer l’argent en tête de leur motivation.

De plus en plus sévères avec les chômeurs

Il faut dire que 54% des Français considèrent que le travail est avant tout une contrainte plutôt qu’une source d’épanouissement (46%). Et 48% se disent "perdants" au regard de leur investissement professionnel. Une part qui a quasiment doublé en trois décennies, souligne l'Ifop.

Signe que la valeur accordée au travail a clairement évolué ces dernières années, 58% des Français indiquent aujourd’hui qu’ils arrêteraient leur activité professionnelle s’ils percevaient sans devoir travailler un revenu égal à celui qu’ils touchent aujourd’hui. En 2003, moins de la moitié (46%) des personnes interrogées par CSA étaient dans ce cas.

Dans le même temps, les Français de plus en plus sévères avec les chômeurs. 66%, particulièrement de droite, mais également de gauche, estiment que les chômeurs pourraient trouver du travail s’ils le voulaient vraiment. En 2010, à peine plus de la moitié des répondants (53%) pensaient la même chose

Travail, réussite, oisiveté: des valeurs de droite ou de gauche
Le débat a été lancé par la députée écologiste Sandrine Rousseau qui affirme sans ciller que le travail est "quand même" une valeur de droite. Si les Français sont moins affirmatifs (62% refusent de trancher), l'étude montre que l’effort, le mérite et la réussite sont perçus comme des valeurs de droite (57, 61 et 73%) tandis que l’assistanat, la paresse et l’oisiveté sont associés majoritairement à la gauche (74, 70 et 65%).

Le droit à la paresse justement recueille très largement l’assentiment des citoyens proches de la gauche, mais est également approuvée dans des proportions non négligeables par les sympathisants de droite, pour un total de 69%.

Et quand le chef de file des communistes, Fabien Roussel, estime que la gauche doit défendre le travail et non pas l'assistanat, il trouve un écho favorable chez 75% des interrogés.

*: Enquête menée du 11 au 13 octobre par l’IFOP pour LesMakers.fr par questionnaire auto-administré auprès de 2015 personnes âgées de 18 ans et plus représentatives de la population française.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business