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Union européenne

Budget 2019: pourquoi la France va prendre un carton jaune par l'UE

Le Commissaire européens aux Affaires économiques Pierre Moscovici et le ministre de l'Économie Bruno Le Maire.

Le Commissaire européens aux Affaires économiques Pierre Moscovici et le ministre de l'Économie Bruno Le Maire. - Emmanuel Dunand - AFP

Une fois de plus, le budget bâti par le gouvernement prévoit un déficit sous la barre des 3%. Mais cet objectif n'est pas la seule obligation européenne que doit remplir la France.

Respecter les règles budgétaires européennes. Emmanuel Macron en a l'objectif numéro pour "restaurer la crédibilité" de la France devant ses partenaires européens. Pour l'heure, à en croire Bruno Le Maire, la promesse est tenue. "Depuis notre arrivée au pouvoir, nous respectons nos engagements européens", a insisté ce lundi le ministre de l'Économie.

Dans son projet de budget pour 2019, le gouvernement prévoit pour l'an prochain un déficit public de 2,8% du PIB. Certes, il va se creuser par rapport à cette année (2,6%), mais c'est lié au remplacement du CICE par une baisse de charge. L'an prochain, les deux mesures se juxtaposeront. Sans cette bascule, par définition exceptionnelle, le déficit s'élèverait à 1,9%.

Quoi qu'il en soit, le déficit restera, pour la troisième année consécutive, sous la barre des 3%. C'est "le meilleur résultat depuis 2001", a souligné le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin. La France va donc rester hors de la procédure pour déficit excessif, le "bras correctif" de la Commission qu'elle a quitté en mai dernier. Mais, désormais sous le "bras préventif", la France a d'autres obligations qu'elle ne respecte pas.

Paris ne respecte pas la "règle d'or"

Depuis la signature du traité budgétaire européen (TSCG) en 2012, les États membres doivent respecter un certain rythme de réduction de leur déficit dit "structurel" -comprendre hors effets conjoncturels. C'est ce qu'on appelle la fameuse "règle d'or".

Pour y parvenir, la règle générale est de réduire chaque année d'au moins 0,5 point le déficit structurel. La Commission européenne recommande à la France de viser au minimum 0,6 en 2018 et en 2019, compte tenu de l'état de ses finances publiques. Problème, Paris prévoit de réaliser un effort de seulement 0,1 point cette année et 0,3 point la suivante. Même en tenant compte de la marge de tolérance de Bruxelles, la France n'est pas dans les clous.

Cela n'a pas échappé au Haut Conseil des Finances publiques (HCFP), qui avait déjà mis en garde le gouvernement l'année passée. Dans son avis rendu sur le projet de budget 2019 ce lundi, l'instance souligne "que les ajustements structurels prévus pour 2018 (0,1 point) et 2019 (0,3 point), qui seront soumis à l’appréciation de la Commission, ne sont pas conformes aux règles du 'bras préventif' du Pacte de stabilité". L'HCFP met également en doute le chiffre de 0,3 pour 2019.

Le désendettement toujours pas amorcé

Par ailleurs, le traité budgétaire européen prévoit également des objectifs de réduction de l'endettement pour les pays dont la dette est supérieur à 60% du PIB. Avec l'intégration de celle de SNCF Réseau, la dette de la France a été révisée de 96,9% à 98,7% en 2018. Elle devrait très légèrement baisser l'année prochaine (-0,1 point), ce qui reste anecdotique par rapport "aux engagements européens".

"La France n’aurait pas encore amorcé, à l’horizon de 2019, le mouvement de réduction de son ratio de dette publique au PIB, à la différence de la quasi-totalité des pays européens", pointe l'HCFP.

Une copie "passable"

Entre le passage du déficit sous les 3% et les réformes structurelles engagées, la France avait retrouvé du crédit à Bruxelles l'année dernière. Mais l'indulgence de la Commission pourrait ne pas durer éternellement. "Les réformes structurelles ne dispensent pas de la réduction des déficits, elles colorent positivement l’image de la France auprès de la Commission", a souligné la semaine dernière Pierre Moscovici, Commissaire européen aux Affaires économiques. "La France doit être conforme aux engagements communs."

Paris va-t-il se faire taper sur les doigts? "On peut avoir un petit carton jaune", estime Éric Heyer, directeur du département Analyse et Prévision de l'OFCE. "La copie n’est pas parfaite, mais passable", estime l'économiste. "On a un léger dépassement de règles mais en parallèle, des pays comme l’Espagne ou l’Italie font moins d’efforts."

Or, si Bruxelles monte le ton avec Paris, il devra être d'autant plus ferme avec Rome. Compte tenu des écarts que souhaite faire le gouvernement italien sur les règles européennes, le cas français ne devrait pas susciter de vives remontrances.

Jean-Christophe Catalon