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Union européenne

Bruxelles rejette le budget italien

La Commission européenne a rejeté le budget de Rome pour 2019, qui prévoit un déficit de 2,4% du PIB. C'est la première fois dans l'histoire que Bruxelles ne valide pas le budget d'un État membre.

Il n'est pas passé. Le projet de budget 2019 du gouvernement italien a été rejeté par la Commission européenne ce mardi, selon l'AFP qui cite des sources européennes. Une première dans l'histoire de l'Union européenne (UE).

La coalition au pouvoir, composée de la Ligue (extrême droite) et du Mouvement 5 étoiles (anti-système), a bâti un budget prévoyant un déficit de 2,4% pour 2019, alors que ses prédécesseurs s'étaient engagés sur 0,8%.

Le gouvernement italien "va ouvertement, consciemment à l'encontre des engagements pris", a déclaré mardi à Luxembourg le vice-président de la Commission européenne Valdis Dombrovskis, en annonçant le rejet du budget de l'Italie. "Nous ne sommes pas face à un cas 'borderline' mais face à une déviation claire, nette, assumée et par certains, revendiquée", a renchéri le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, en conférence de presse à Strasbourg.

3 semaines pour présenter un nouveau budget

Pierre Moscovici a demandé à l'Italie "de réviser son budget". Selon les règles européennes, l'Italie dispose maintenant de trois semaines pour présenter un nouveau projet. Peu avant cette décision, le Premier ministre italien Giuseppe Conte avait déclaré à Bloomberg qu'aucun plan B n'était prévu.

Si l'Italie ne se plie pas à cette demande, elle se heurte à l'ouverture d'une "procédure pour déficit excessif", susceptible d'aboutir à des sanctions financières correspondant, en théorie, à 0,2% de son PIB (soit 3,4 milliards d'euros en prenant les chiffres de 2017).

La marge de manœuvre de la Commission est étroite, entre recherche de fermeté, afin d'assurer sa crédibilité, et volonté de dédramatiser, pour éviter un choc frontal avec Rome qui affolerait les marchés.

"Cela ne change rien"

"Cela ne change rien, que ces messieurs de la spéculation se rassurent, on ne retourne pas en arrière", a réagi Matteo Salvini, patron de la Ligue et vice-Premier ministre. "Ils ne sont pas en train de s'attaquer à un gouvernement mais à un peuple. Ce sont des choses qui mettent les Italiens encore plus en colère et après on se plaint que la popularité de l'Union européenne soit au plus bas."

L'autre homme fort du gouvernement, le leader de 5 étoiles et également vice-Premier ministre, Luigi Di Maio, a réagi sur Facebook sans faire directement référence à l'annonce de la Commission: "Nous savons que nous sommes sur la bonne voie, c'est pourquoi nous ne nous arrêterons pas. Nous savons que nous sommes le dernier rempart des droits sociaux des Italiens. C'est pourquoi nous ne vous décevrons pas. Nous savons que si nous devions céder, on ferait rapidement revenir les 'experts' pro-banques et pro-austérité. C'est pourquoi nous ne cèderons pas."

"Aucune chance" que l'Italie sorte de l'UE

Bruxelles avait déjà pointé du doigt dans un courrier à Rome la semaine passée le dérapage budgétaire "sans précédent" de l'Italie depuis les nouvelles règles mises en place en 2013 et le risque de "non-conformité grave" de son budget avec les règles européennes.

Mais en dépit de ces critiques, le gouvernement italien avait maintenu lundi ses prévisions. Alors que le précédent gouvernement de centre gauche avait promis un déficit public de 0,8% du PIB en 2019, Rome prévoit désormais d'atteindre 2,4% l'an prochain, puis 2,1% en 2020 et 1,8% en 2021. Quant à la dette publique, actuellement à quelque 131% du PIB, soit le ratio le plus élevé de la zone euro après la Grèce, Rome a promis de la ramener à 126,5% en 2021.

En gage de sa bonne volonté, le gouvernement italien a dit qu'il respecterait à la lettre ces objectifs, sans creuser davantage le déficit ou la dette. Il a aussi réaffirmé lundi son attachement à l'UE et à la zone euro, assurant qu'il n'y avait "aucune chance" que l'Italie en sorte.

"Pas la prochaine Grèce"

Les échanges entre Rome et la Commission sont observés de près par les autres pays de la zone euro, soumis aux mêmes règles budgétaires que l'Italie.

"Personne ne peut s'affranchir de ces règles, qui sont les mêmes pour tous", a rappelé, avant la décision de Bruxelles, le ministre français des Finances Bruno Le Maire, bien que la France ne les respecte pas à la lettre. "C'est aussi dans l'intérêt des Italiens d'avoir des règles solides, une monnaie stable, une zone euro qui se renforce", a-t-il ajouté lors d'un déplacement à Strasbourg.

Klaus Regling, le patron du Mécanisme européen de stabilité (MES), une organisation de l'UE chargée de venir en aide aux pays de la zone euro en difficulté, a lui assuré mardi que l'Italie n'était "pas la prochaine Grèce". "Il ne faut pas paniquer [...] Le risque de contagion à d'autres pays est très limité."

J.-C.C. avec AFP