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Réforme des retraites: quels changements et pour qui à partir du 1er septembre?

Annoncée en janvier dernier et au cœur d'un mouvement social de plusieurs mois, la réforme des retraites rentre officiellement en rigueur ce vendredi. Rappel des principales mesures du texte après la publication de la plupart des décrets d'application.

Report de l'âge légal, durée de cotisation, mères de famille, emploi des seniors, carrières longues, pénibilité, régimes spéciaux... Voici les principaux points de la réforme des retraites, qui entre en vigueur vendredi.

L'âge légal de départ commence à être reporté de trois mois par an

Emmanuel Macron envisageait à l'origine un nouvel âge pivot à 65 ans. En guise de concession aux oppositions politiques et syndicales, le chef de l'Etat a finalement décidé que l'âge légal de départ en retraite serait relevé progressivement de 62 à 64 ans, en fonction de l'année de naissance. A partir de ce vendredi, le report se fera ainsi au rythme de 3 mois par année à partir de la génération née en 1961. Il est ainsi porté à 62 ans et trois mois pour les personnes nées à partir du 1er septembre 1961, 63 ans pour celles nées en 1964 ou encore 64 ans pour les personnes nées en 1968.

Néanmoins, les travailleurs en situation de handicap pourront partir en retraite à partir de 55 ans, et ceux victimes d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle à 60 ans, au lieu de 62 ans dans le projet initialement présenté en janvier dernier.

La durée de cotisation allongée d'un trimestre par an

Pour obtenir une pension "à taux plein" (sans décote), la durée de cotisation requise passera de 42 ans (168 trimestres) actuellement à 43 ans (172 trimestres) d'ici 2027, au rythme d'un trimestre par an. Cet allongement était prévu par la réforme Touraine de 2014, mais sur un calendrier moins resserré. L'annulation de la décote restera maintenue à 67 ans pour ceux qui n'auront pas tous les trimestres requis.

Seuls les Français nés entre le 1er septembre 1961 et l'année 1972 incluse seront directement touchés par ce tandem de mesures (report de l'âge légal et allongement de la durée de cotisation). Tous ceux nés avant le 1er septembre 1961 pourront encore profiter de la retraite à 62 ans et d'une durée d'assurance requise inférieure à 42 annuités. Pour rappel, les salariés nés en 1965 et 1966 sont les "grands perdants" de cette réforme puisque ce sont les seuls qui devront cotiser trois trimestres supplémentaires pour bénéficier d'une retraite à taux plein.

Les régimes spéciaux expirent pour les nouveaux embauchés

La réforme met fin à la plupart des régimes spéciaux existants, dont ceux de la RATP, des industries électriques et gazières et de la Banque de France, pour tous les agents recrutés à partir de septembre 2023. Les agents recrutés auparavant continuent de bénéficier de ces régimes ("clause du grand-père" déjà en œuvre à la SNCF), mais ils n'échappent pas aux évolutions prévues par la réforme pour tous les salariés.

De leur côté, les fonctionnaires n'échappent pas au report de l'âge légal ni à l'allongement de la durée de cotisation, à l'exception des 20% d'agents en catégories dites "actives" et "super-actives". Pour les premières qui concernent les infirmiers, les aide-soignants ou encore les sapeurs-pompiers, l'âge d'ouverture de droits à la retraite recule de deux années, de 57 à 59 ans. Pour les secondes qui intègrent les fonctionnaires de la police nationale, les surveillants de prison ou les contrôleurs aériens, la possibilité de départ anticipé est aussi décalé de deux ans, de 52 à 54 ans.

Le montant minimum de pension atteint 848 euros brut

La retraite ne peut pas être inférieure à un montant minimum pour une carrière complète. À compter du 1er septembre, ce montant est porté à 848 euros brut pour une carrière complète, les carrières à temps partiel ou hachées étant exclues. Le minimum de pension est ainsi revalorisé à hauteur de 100 euros par mois pour une carrière complète au Smic, un montant "proratisé" pour les carrières incomplètes.

La revalorisation concernera "200.000 retraités chaque année, soit environ un départ sur quatre, et 1,7 million de retraités actuels" selon le ministère. Pour les futurs retraités, seuls 10.000 à 40.000 d'entre eux percevront une revalorisation complète de 100 euros en fonction des générations tandis qu'ils ne seront que 10.000 à 20.000 à passer le seuil des 1200 euros bruts grâce à la réforme.

Du côté des retraités actuels, la revalorisation à hauteur de 100 euros n'en concernera que 125.000 et ils seront deux fois plus à franchir le seuil des 1200 euros bruts. Si environ 700.000 bénéficiant de cette revalorisation recevront un paiement dès cet automne, les autres devront attendre le printemps mais avec un effet rétroactif au 1er septembre 2023. Enfin, les récents décrets parus actent la transition de l'indexation du minimum de pension de l'inflation vers le SMIC.

Le dispositif "carrières longues" introduit deux nouvelles bornes d'âge

C'est le point le plus complexe. Ceux qui ont commencé à travailler tôt pourront toujours partir plus tôt. Avant la réforme, un début de carrière avant 20 ans pouvait permettre un départ anticipé de deux ans, et une entrée dans la vie active avant 16 ans pouvait donner droit à une retraite anticipée de quatre ans. Ce dispositif est "adapté" avec deux nouvelles bornes d'âge: ceux qui ont commencé à travailler entre 20 et 21 ans pourront partir un an plus tôt, à 63 ans ; ceux qui ont débuté avant 20 ans pourront partir deux ans plus tôt, soit 62 ans; ceux qui ont commencé avant 18 ans pourront faire valoir leur droit à la retraite quatre ans plus tôt, soit 60 ans ; et ceux qui ont démarré avant 16 ans, six ans plus tôt soit 58 ans. La durée minimale de cotisations est fixée à 43 ans cotisés pour toutes les carrières longues.

Attention, ces règles ne valent qu'à condition d'avoir validé un certain nombre avant l'âge anticipé: 5 trimestres avant la fin de l'année civile, 4 avant la fin de l'année civile si né au dernier trimestre. Par ailleurs, les assurés nés entre le 1er septembre 1961 et le 31 décembre 1963, ayant validé le nombre de trimestres suffisant l’année des 20 ans, et ayant 168 trimestres cotisés avant le 1er septembre 2023, pourront toujours avoir droit à un départ anticipé.

Des mesures ciblées vers les mères de famille et les orphelins

Une surcote de pension allant jusqu’à 5% sera accordée aux femmes qui, sous l'effet des trimestres validés au titre de la maternité et de l'éducation des enfants, dépasseront les 43 annuités requises pour une pension à taux plein, un an avant l'âge légal de départ. Le nombre de trimestres pour éducation attribués à la mère, dans le partage entre parents, est augmenté. La majoration de pension pour enfants sera étendue aux professionnels libéraux et aux avocats. Les moins de 21 ans ayant perdu leurs deux parents à compter de septembre 2023 pourront bénéficier d'une "pension d'orphelin", sous conditions de ressources.

L'usure professionnelle est davantage prise est compte

Le compte professionnel de prévention (C2P) prenant déjà en compte le travail de nuit et d'autres critères de pénibilité pourra être utilisé pour financer un congé de reconversion professionnelle. Dans le cadre du C2P, les seuils annuels passent de 120 à 100 nuits pour le facteur de risques "travail de nuit" et de 50 à 30 nuits pour le "travail en équipes successives alternantes". De même, le nombre de points acquis par le salarié augmente désormais proportionnellement au nombre de facteurs de risques auxquels celui-ci est exposé.

D'autres critères comme le port de charges lourdes, les postures pénibles et les vibrations mécaniques seront eux pris en compte au moyen d'un nouveau "fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle". Doté d'un milliard d'euros sur cinq ans, il financera des démarches de prévention et de sensibilisation sur ces risques professionnels ergonomiques aussi bien au sein des entreprises que des différentes branches concernées.

Timothée Talbi avec AFP