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Malgré l'avis de la Cour de cassation, un conseil de prud'hommes n'applique pas le barème Macron

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- - Eric Cabanis - AFP

Un juge grenoblois n'a pas appliqué le barème des indemnités prud'homales prévu par les ordonnances loi travail de 2017. Pourtant, la Cour de cassation a récemment confirmé la validité juridique de ce dispositif.

La bataille juridique continue. Dans une décision rendue le 22 juillet, le conseil de prud'hommes de Grenoble a refusé d'appliquer le barème plafonnant les indemnités qui peuvent être accordées à un salarié en cas de licenciement abusif.

Selon le jugement, mis en ligne ce mercredi par le journal Le Monde, le juge a invoqué la convention 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT) pour motiver sa décision. Pourtant, dans un avis rendu le 17 juillet en assemblée plénière, la Cour de cassation a confirmé la compatibilité du barème avec ce traité. Pour le juge grenoblois cet avis "ne constitue pas une décision au fond", d'où sa décision de s'en affranchir. 

Mesure phare des ordonnances loi travail de 2017

Le barème des indemnités prud'homales, aussi appelé "barème Macron", est l'une des mesures phares des ordonnances loi travail de 2017. Auparavant, les juges prud'homaux fixaient en fonction de leur appréciation le montant des indemnités accordées à un salarié lésé en cas de licenciement "sans cause réelle et sérieuse". Emmanuel Macron estimait que les dommages et intérêts étaient de plus en plus disproportionnés, surtout pour les petites entreprises, créant ainsi une "peur" d'embaucher. Le barème doit donc servir d'abord à "rassurer" les patrons.

Désormais, l'indemnité doit être comprise entre un plancher et un plafond qui dépend de l'ancienneté du salarié lésé. Par exemple, une personne ayant travaillé un an pour l'employeur mis en cause, peut prétendre à une indemnité allant d'un à deux mois de salaire brut. Au-delà de 30 ans d'ancienneté, la fourchette varie entre trois et 20 mois de salaire. 

Le juge grenoblois a estimé que "le préjudice subi" par la salariée lésée "est supérieur" au plafond prévu par le barème. Dans ce cas précis, le plafond s'élève à 23.000 euros, le juge a accordé 35.000 euros.

Miser sur le pourvoi en cassation

Ces derniers mois, plus d'une dizaine de conseils de prud'hommes ont refusé d'appliquer le barème. Ils ont motivé leur décision en invoquant le texte de l'OIT ou la Charte sociale européenne, qui stipulent que le juge a le pouvoir d'évaluer le montant "adéquat" pour réparer le préjudice. Aucun de ces jugements rendus en première instance ne sont allés jusqu'en cassation. Pour l'instant, la Cour n'a pas cassé, ni confirmé, l'une de ces décisions. 

Elle a rendu deux avis en assemblée plénière le 17 juillet, comme mentionné plus haut, confirmant la validité du barème. "Il ne s'agit que d'un simple avis de la Cour de cassation qui n'a pas d'autorité de la chose jugée", a alors pointé la secrétaire générale adjointe de la CFDT Marylise Léon. Un avis ne casse pas une décision en première instance. Visiblement, le juge grenoblois partage cette analyse.

Si, dans cette affaire, l'employeur fait appel, il y a néanmoins de grandes chances pour qu'il l'emporte en deuxième instance. Et si ce n'est pas le cas, il pourra se pourvoir en cassation. Dès lors, de l'avis de certains spécialistes du droit, il semble peu probable que la chambre sociale de la Cour prononce une décision à rebours d'un avis rendu par l'assemblée plénière. C'est pourtant bien sur cette très mince fenêtre de tir que misent les opposants au barème Macron pour le faire invalider.

Jean-Christophe Catalon