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Quels biens auront de la valeur? L’économie après la fin du monde dans Le Livre d’Eli

Où sera la valeur après la fin du monde?

Où sera la valeur après la fin du monde? - Linfeng Yu/Pexels

L'économie dans les œuvres populaires (6/7). En cette période de fêtes, BFM Business explore la manière dont l’économie fonctionne dans les œuvres populaires (BD, musique, films). Une série en sept épisodes avec aujourd’hui un film apocalyptique, Le livre d'Eli.

L'horloge de l'apocalypse a sonné. La guerre nucléaire a percé la couche d'ozone. La surface terrestre a été carbonisée ne laissant quelques décennies plus tard qu'une poignée de survivants. Plus rien ne pousse et les animaux sont tous morts à l'exception de quelques chats. Les humains se sont adaptés à ce nouveau monde. Les plus forts, et surtout les plus violents, dominent. Les plus faibles n'ont que deux choix: subir ou périr.

Ce scénario est celui du film Le livre d'Eli, un film postapocalyptique sorti en 2010 et réalisé par Albert et Allen Hughes, avec Denzel Washington dans le rôle-titre. L'histoire se déroule dans une Californie dévastée où le passé de cette ancienne capitale mondiale de la tech a été oublié depuis des lustres.

Petit clin d'œil au monde d'avant: l'iPod du héros. Grâce à lui, celui-ci est sans doute le dernier humain de la planète à écouter de la musique. Mais cette fiction est avant tout une allégorie de deux visions de la société: l'une marxiste, l'autre religieuse ou en tout cas spirituelle.

Une société de consommation survivaliste

Dans ce scénario, la terre est devenue un chaos primitif avec des communautés sous le joug de tyrans qui ne garantissent rien à leur population. Pour manger, il faut chasser. Pour s'habiller, il faut chercher des cadavres oubliés qui ont toujours leurs vêtements. Par contre, comme souvent dans les films américains, il n'y a pas de pénurie pour les armes et les munitions.

L'hygiène n'est pas une priorité. L'eau est rare (donc hors de prix) et pour obtenir du savon, il faut avoir de quoi les troquer dans les rares magasins installés dans des camps de fortune ou dans les ruines des villes de l'ancien monde.

Pour obtenir des biens, il faut soit prêter allégeance à un dictateur local, soit faire don de soi, soit avoir de quoi faire du troc. Les valeurs du passé (or, diamant, devises, objets de luxe...) ne valent plus rien. Même les gangs de pillards ne s'y intéressent pas préférant voler ce que l'on trouvait avant dans les friperies, les déchetteries ou dans les vide-greniers.

Désormais, le moindre objet banal dans le monde d'avant est devenu précieux, comme les lingettes rince-doigts de KFC. Notre héros échange par exemple quelques-unes de ces lingettes et un briquet Zippo pour pouvoir recharger un appareil électronique.

Recréer un pouvoir

L'éducation qui pourrait permettre de recréer un monde vivable avec des règles et une vision d'avenir. Mais pour cela, une instruction minimum est nécessaire et la très grande majorité des survivants n'a jamais connu l'école. Hormis les survivants les plus âgés, plus personne ne sait lire ni écrire.

Pour Carnegie, le méchant du film interprété par Gary Oldman, le livre est une arme. Dictateur farfelu et impitoyable d'une petite ville, il considère les livres comme le dernier élément de pouvoir. Il les cherche et se les approprie pour priver la population de l'accès au savoir.

Il possède des milliers d'ouvrages que lui rapportent des mercenaires analphabètes. Mais un seul lui manque, qui, à ses yeux, a une valeur inestimable, celui avec lequel il pourra imposer sa loi sans contestation: la Bible. Ce livre est pour lui l'opium du peuple. Mais toutes les Bibles ont été brûlées pendant la guerre.

Eli possède le dernier exemplaire de ce livre qu'il protège farouchement. Refusant que quiconque s'en approche ou la touche, Eli est sans pitié pour ceux qui veulent la lui prendre. Si pour Carnegie, la Bible est un outil de soumission, c'est pour Eli le dernier moyen pour redonner au monde des règles humanistes. Mais pour cela, il faut partager son message.

La vraie richesse

Le "méchant" arrivera-t-il à s'approprier cette Bible? Difficile de répondre à cette question sans dévoiler la fin du film. On peut réfléchir sur le rôle du livre. Si ce n'est qu'un objet de papier que l'on stocke sur une étagère, il ne sert à rien. En fait, seul son contenu a de l'importance, comme le présentait l'auteur de science-fiction Ray Bradbury dans le fameux Fahrenheit 451 devenu populaire grâce au film de François Truffaut.

L'auteur décrit un monde où les gouvernants voient les livres comme un danger pour l'humain qui découvre à travers eux la réalité d'un système et l'incitent à rechercher le bonheur. En posséder est formellement interdit. Une unité de pompier est d'ailleurs créée pour brûler tous les ouvrages sans distinction. Pour ne pas tomber sous le coup de la loi et préserver le savoir, des groupes se créent avec la mission d'apprendre par cœur le contenu des livres.

Le livre d'Eli ne vaut finalement rien ou pas grand-chose en tant qu'objet. Mieux vaut apprendre le message qu'il renferme. Comme ne le sait pas Carnegie, la vraie richesse, le vrai pouvoir n'est pas dans la possession de la Bible. La vraie richesse, celle qui fait la valeur du monde, ce sont les humains et, avec eux, ce qu'ils créent ou produisent et non pas ce qu'ils possèdent.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco