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Pourquoi l'Union européenne va-t-elle payer plus cher les vaccins de Pfizer et Moderna?

Critiquée pour avoir cherché à obtenir les tarifs les plus bas quand les problèmes de production ont généré des retards l'impactant davantage que les Britanniques et les Israéliens, la commission a accepté des hausses tarifaires pour ses nouvelles commandes de vaccin adapté aux variants.

L’Union européenne va, à l'avenir, payer plus cher les vaccins à ARN messager. Selon le Financial Times, les négociations engagées avec Pfizer et Moderna prévoient un relèvement du prix payé: +25% pour les futures doses livrées par le laboratoire pharmaceutique américain d’ici à 2023, +13% pour le vaccin de l’entreprise de biotech dirigée par le français Stéphane Bancel.

Si on ignore les détails de ces contrats, on connait en revanche les critères prévalant dans ce type de négociation avec les industriels. Le premier d’entre eux reste l’efficacité. Pfizer comme Moderna ont aujourd'hui beau jeu de faire valoir le niveau de protection que leur vaccin assure et leur capacité à produire rapidement des versions adaptées aux spécificités des variants à venir.

Plus vous en achetez, moins ça coûte, plus vite vous voulez être livrés, plus ça coûte

Un point d’autant plus important que le scénario d’une installation durable du Covid-19 devient de plus en plus probable, obligeant les autorités à envisager, un peu comme pour la grippe, l’injection d’un vaccin réadapté au fur et à mesure que l’efficacité de ses versions antérieures s’amenuisent.

Deuxième critère: le volume. Plus vous commandez de doses, moins le prix à l’unité est élevé. A une nuance près. D’importance. Si vous voulez disposer rapidement des doses commandées, le prix est plus élevé. Donc il y a un arbitrage à faire. Et on peut aisément imaginer que, cette fois, le contrat prévoit des dates de livraisons fermes ainsi que des pénalités si elles ne sont pas respectées.

Pour les premières commandes, la Commission européenne avait fini par être vertement critiquée pour avoir cherché à obtenir le prix le plus bas possible. Confrontés à des problèmes de production, les labos n’avaient en effet pas honoré leurs commandes à la date initialement prévue, privilégiant Britanniques et Israéliens, qui, eux, payaient leurs doses plus cher.

La marge de Pfizer sur le vaccin est inférieure à celle que génère la plupart des autres blockbusters

En obtenant une hausse de 25% du prix des futures doses livrées à l’Union européenne, Pfizer va certes augmenter à terme, le niveau de ses profits. Avant impôts, sa marge, au niveau mondial, oscille pour le moment entre 25 et 30%. Un niveau nettement inférieur à celui qui prévaut pour les médicaments récents qui se vendent à plus d'un milliards d'unités par an. Selon cette note de l'agence allemande de notation de crédit Scope, elle atteint 40%.

Par ailleurs le laboratoire américain partage ses bénéfices avec l’allemand BioNtech qui a mis au point le vaccin. Mais surtout, vacciner la population revient bien moins cher que de la tester pour isoler les personnes contaminées. En 2020, le remboursement des tests PCR et antigéniques a coûté 2,7 milliards d'euros à la sécurité sociale. Cette année, elle devrait y consacrer près de 5 milliards d’euros, selon les estimations du Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'Assurance maladie. Au total, cela représente 133 euros par habitant de plus de douze ans.

Or le triptyque "tester, tracer, isoler" n’a jamais permis d’endiguer la pandémie, ni même de restreindre sensiblement les hospitalisations. Alors que même en intégrant le coût du personnel en charge d’injecter les vaccins, la sécurité sociale va dépenser nettement moins d’argent à la campagne en cours. Toujours selon les estimations du Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'Assurance maladie, elle devrait coûter cette année entre 4,6 et 4,8 milliards d’euros selon que le taux de personnes protégées atteigne 70% ou 80%, soit moins de 100 euros par vacciné.

Pierre Kupferman
https://twitter.com/PierreKupferman Pierre Kupferman Rédacteur en chef BFM Éco