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Guerre commerciale États-Unis-Chine: Pékin dégaine l'arme des terres rares

La Chine assure plus de 90% de la production mondiale de cet ensemble de 17 métaux, indispensables aux technologies de pointe.

La Chine assure plus de 90% de la production mondiale de cet ensemble de 17 métaux, indispensables aux technologies de pointe. - Fred Dufour-AFP

Alors que le géant des télécoms Huawei a annoncé la saisie de la justice américaine contre l'administration, Pékin menace de réduire ses exportations de terres rares, métaux vitaux pour l'industrie high tech de l'oncle Sam.

La guerre commerciale s'est intensifiée depuis que Washington a augmenté début mai 2019 les droits de douane sur des produits chinois. Elle se double désormais d'une guerre technologique: l'administration Trump a interdit aux sociétés américaines de vendre des technologies à Huawei, numéro deux mondial des smartphones, mettant en péril l'approvisionnement crucial du chinois en puces électroniques.

Face aux mesures coercitives de l'administration Trump, médias officiels et responsables politiques chinois agitent désormais la menace d'une réduction des exportations de terres rares vers les États-Unis, ce qui pourrait priver Washington d'une ressource cruciale pour les entreprises américaines de la tech.

Car la Chine assure plus de 90% de la production mondiale de cet ensemble de 17 métaux, indispensables aux technologies de pointe et que l'on retrouve dans les smartphones, les écrans plasma, les véhicules électriques mais aussi dans l'armement.

Pékin a utilisé "l'arme" des terres rares contre le Japon

Contrairement à ce que laisse entendre leur dénomination, les terres rares sont relativement abondantes mais leurs propriétés électromagnétiques -particulièrement recherchées dans l'industrie- en font des "métaux stratégiques".

La Chine dispose ainsi d'un levier de pression, une "arme stratégique", selon Cyclope, un rapport annuel sur les matières premières. Et Pékin n'hésite pas à s'en servir. En 2010, en représailles à un différend territorial, la Chine avait brutalement interrompu ses exportations de terres rares vers le Japon. Les entreprises de haute technologie de l'archipel, très dépendantes du voisin chinois pour leur approvisionnement, avaient été durement touchées.

Xi Jinping a visité un site de retraitement de terres rares

Interrogé pour savoir les terres rares pourraient constituer une arme de rétorsion envers les États-Unis, un responsable de la puissante agence de planification économique (NDRC) a publié hier mardi soir 28 mai un communiqué au ton menaçant. "Si quelqu'un veut utiliser des produits fabriqués à partir de nos exportations de terres rares pour freiner le développement de la Chine, alors je pense que (...) le peuple chinois sera mécontent", a-t-il mis en garde.

Ces déclarations font suite à la visite remarquée du président Xi Jinping dans une usine de traitement de terres rares la semaine dernière - ce qui avait déjà été interprété comme une menace tacite juste après les menaces des Etats-Unis contre Huawei. Xi Jinping avait fait valoir que "les terres rares sont une importante ressource stratégique". "Ce n'est qu'en possession d'une technologie indépendante (que nous) pourrons rester invincibles", avait-il ajouté, semblant faire le lien avec l'affaire Huawei.

Une arme à double tranchant pour la Chine?

Les médias de Pékin enfonçaient le clou ce mercredi. "En lançant une guerre commerciale contre la Chine, les États-Unis courent le risque de perdre un approvisionnement en matériaux vitaux pour leur puissance technologique", relevait l'agence officielle Chine nouvelle. "Si les États-Unis tentent de bloquer le développement de la Chine, tôt ou tard elle se servira des terres rares comme d'une arme", avertissait le quotidien chinois Global Times.

Des analystes estiment cependant que Pékin pourrait hésiter à utiliser le levier des minerais, afin de ne pas accélérer la recherche de solutions alternatives à ces matières premières. "Si la Chine décide de bloquer les exportations de terres rares vers les États-Unis, cela pourrait provoquer des conséquences compliquées, y compris des pertes pour la Chine elle-même", reconnaissait le Global Times, au ton souvent nationaliste. "La Chine sait toutefois très bien que ce sont les États-Unis qui en souffriront le plus".

Frédéric Bergé avec AFP