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JO de Paris 2024: combien coûtera l'événement et qui paiera?

Depuis l'attribution officielle de l'organisation des Jeux de la 33ème olympiade de l'ère moderne à Paris en 2017, le budget consacré aux JO 2024 a déjà augmenté de 2,2 milliards d'euros et pourrait connaître des hausses supplémentaires.

À côté d'un budget d'organisation qui grimpe au gré de l'inflation et des imprévus, beaucoup de coûts de ces Jeux voulus "sobres" restent inconnus, comme celui de la sécurité. Chaque édition olympique connaît un dérapage financier, souvent plusieurs milliards en plus par rapport à l'enveloppe prévue au départ. Dernier cas en date, aggravé par la crise sanitaire du Covid et leur report d'un an: les JO de Tokyo de 2021 ont coûté 12 milliards d'euros selon la Cour des comptes japonaise, soit près de deux fois plus que dans le dossier de candidature.

Un surplus de 2,2 milliards d'euros en à peine 6 ans

A Paris, l'addition affichée est actuellement de 8,8 milliards d'euros, quand en 2017, elle était de 6,6 milliards. D'un côté, le budget du comité d'organisation (Cojo), qui repose sur les recettes de billetterie, celles des sponsors et une contribution du Comité international olympique (CIO). À 96% d'origine privée, il est passé à 4,4 milliards d'euros fin 2022, une hausse de 10% à moitié due à l'inflation. Il a gonflé de 600 millions d'euros depuis 2018. De l'autre côté, la Solideo (Société de livraison des ouvrages olympiques), qui construit le village olympique notamment, a, elle, un budget autour de 4,4 milliards d'euros dont 1,710 milliard d'argent public (Etat et collectivités).

Mais, en réalité cette somme de 8,8 milliards ne comprend pas toute une série de coûts. Et observe la Cour des comptes dans un rapport publié en janvier: "cette présentation, qui mélange des dépenses publiques et des dépenses privées de diverses natures, repose sur des périmètres conventionnels qui ont évolué et ne sont en tout état de cause pas représentatifs de l'ensemble des dépenses réellement engagées".

"Depuis le début, on est très clairs: on ne dépensera que ce qu'on a généré", assure Etienne Thobois, le directeur général du COJO qui se dit confiant sur la capacité à tenir l'objectif de 127 millions d'euros de revenus.

Dans une interview parue ce jour dans Le Parisien, le directeur général du Comité d'organisation des Jeux olympiques (COJO) nie toute perte de contrôle budgétaire: "A dix-huit mois des Jeux, on a tout remis à plat pour passer d'un budget de projection à des choses tout à fait concrètes, en lien avec les dispositifs. Aujourd'hui, dans un contexte inflationniste qui n'est pas simple, on considère qu'on a un budget qui nous permet de livrer les Jeux dans de bonnes conditions."

Au moins un demi-milliard d'euros pour la sécurité?

Le montant de 8,8 milliards d'euros n'intègre pas par exemple les coûts liés à la sécurité. Pour les forces de sécurité publique, un "premier chiffrage" cité dans un pré-rapport de la Cour des comptes à l'été 2022 évoque "419 millions d'euros". Mais ce chiffre pourrait bien grossir car le dispositif n'est pas encore calé. Et de surcroît pour s'assurer des policiers disponibles tout l'été, il va falloir "leur donner une "putain de prime"!", assure un ancien responsable policier.

"Les deux premières vagues d'appel d'offres concernant la sécurité sont passées en commission", indique Etienne Thobois qui précise que la coordination avec l'Etat et la coopération avec les grands acteurs se sont accélérées ces derniers mois dans ce secteur.

À ce stade, l'Etat, dans les documents budgétaires 2023, calcule en cumul 2,166 milliards d'euros de dépenses publiques pour les JO, dont 1,157 milliard d'euros pour l'Etat. L'addition va grimper. En plus des dépenses de sécurité, il y en aura lié aux transports, à la santé, mais aussi à certaines exonérations fiscales. Comme l'exonération fiscale accordée à Oméga, chronométreur officiel des JO, et estimée "à environ 4 millions d'euros", toujours selon le budget 2023.

La facture réelle connue seulement après l'événement

Une estimation néanmoins lâchée par Pierre Moscovici en janvier, président de la Cour des comptes: l'investissement public de l'Etat et collectivités pourrait atteindre "autour de 3 milliards d'euros" au final. Un pronostic car "la Cour n'est pas en mesure, à ce stade, d'établir le coût réel des Jeux et son impact total sur les finances publiques". Et une "partie ne sera d'ailleurs connue qu'après l'événement".

Il sera parfois difficile de faire la part des choses entre ce qui est acheté exclusivement pour les JO ou non: "L'achat des drones ne peut être imputé aux Jeux dans la mesure où il serait intervenu à plus ou moins long terme indépendamment des JO et où ils continueront d'être utilisés après les Jeux", estime l'exécutif. Ainsi, l'Etat a aussi rajouté récemment plusieurs millions pour le nouveau laboratoire antidopage et qui se justifie selon lui par le fait que la France aura après les JO un laboratoire antidopage de standard élevé.

"On a finalisé la plupart des grands accords, affirme Etienne Thobois [...] On a aussi sécurisé les locations des différents sites, ce sera réglé dans quelques jours avec le Stade de France."

La formule "les Jeux financent les Jeux" a déjà été mise à mal quand l'Etat et les collectivités ont décidé d'ajouter 111 millions d'euros fin 2022 au budget du comité d'organisation. "C'est du pragmatisme budgétaire", explique une source proche du monde olympique, interrogée sur le transfert de petites lignes budgétaires, du Cojo à la Solideo, en repassant par l'Etat. La facture réelle sera connue seulement après les Jeux olympiques et paralympiques de Paris.

Timothée Talbi avec AFP