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Hausse des prix: est-ce vraiment la fin de la "crise inflationniste"?

D'après les données de l'Insee, l'inflation a de nouveau ralenti en octobre pour s'établir à 4% sur un an. Cependant, le niveau des prix reste menacé par des facteurs exogènes, liés notamment à la situation géopolitique au Proche-Orient.

Après une mauvaise parenthèse de deux mois, l'inflation reprend sa baisse vers son objectif de 2%. D'après les données de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), l'Indice des prix à la consommation (IPC) témoigne d'un net ralentissement de la hausse des prix, à 4% sur un an en octobre, contre près d'un point de plus le mois dernier (4,9%). Depuis le début de l'année 2023, où elle se situait à un peu plus de 6%, l'inflation a donc perdu deux points.

"Nous sommes en train de sortir de la crise inflationniste", a ainsi assuré le ministre de l'Economie Bruno Le Maire.

Dans le détail, ce sont les prix de l'énergie qui ont largement porté cette évolution avec un ralentissement de leur hausse annuelle de +11,9% en septembre à +5,2% en octobre. De leur côté, les prix alimentaires semblent s'éloigner définitivement d'une inflation à deux chiffres qui les caractérisait depuis plusieurs mois avec une progression annuelle en recul de deux points entre septembre et octobre, de +9,7% à +7,7%.

Mais conformément à l'observation faite depuis le début de cette crise inflationniste, la hausse des prix circule dans l'économie, de poste en poste. Après avoir été successivement poussée par l'énergie puis l'alimentation, l'inflation s'oriente désormais vers les services dont les prix enregistrent une accélération de 0,3 point sur un an entre septembre et octobre. De quoi s'interroger sur le caractère durable de ce repli.

Doze d’économie : Prix alimentaire, ça va mieux, mais... - 27/10
Doze d’économie : Prix alimentaire, ça va mieux, mais... - 27/10
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Et pour cause, longtemps bon élève parmi les pays européens, l'Hexagone est désormais à la traîne par rapport à l'inflation moyenne constatée dans la zone euro laquelle vient d'atteindre un plus-bas depuis plus de deux ans en passant sous la barre des 3% sur un an au mois d'octobre, selon les données d'Eurostat.

"Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une inflation encore forte, notamment sur les produits alimentaires, même si elle ralentit depuis plusieurs semaines", a reconnu la ministre du Commerce Olivia Grégoire au sujet de l'inflation française.

"Nous voulons amplifier ce mouvement en anticipant les négociations commerciales pour avoir, dès le début de l’année 2024, une baisse de prix visible sur un certain nombre de produits" alimentaires, a-t-elle ajouté.

Le prix du baril sous tension

Malgré ces progrès notables dans la lutte contre la hausse des prix, la France reste soumise à une inflation structurelle dont les diverses sources sont exogènes, de la crise énergétique fin 2021 à la guerre en Ukraine en passant par la récente escalade des tensions israélo-palestiniennes. C'est d'ailleurs vers le Proche-Orient que se tournent les regards des analystes en quête d'indices sur les prochaines évolutions de la conjoncture économique. Et force est de constater que le spectre d'un choc pétrolier qui ferait exploser l'inflation comme dans les années 1970 n'est pas loin.

Dans les trois derniers scénarios d'évolution de la situation dans la région qu'a étudiés la Banque mondiale, le prix du baril de pétrole passe inéluctablement le seuil symbolique des 100 dollars contre environ 90 dollars pour le Brent de la mer du Nord et 85 dollars pour le West Texas actuellement. Pire, le prix du du baril pourrait même atteindre les 150 dollars en cas d'intervention de l'Iran.

Si le ministre des Affaires étrangères iranien Hossein Amir-Abdollehian a déclaré jeudi dernier devant les Nations unies que son pays ne souhaitait pas l'extension du conflit, cette hypothèse n'est pas du tout exclue et pourrait, en cas de concrétisation, aboutir à un renforcement des sanctions occidentales contre Téhéran pourrait de son côté riposter en bloquant le détroit d'Ormuz, point de passage stratégique, voire même en attaquant des installations pétrolières de son rival régional: l'Arabie saoudite. En bref, des étapes qui se traduiraient par une réduction drastique de l'offre d'or noir et donc mécaniquement à une forte augmentation de son prix.

Une transition énergétique coûteuse

Même sans prendre en considération la situation aux confins de la mer Méditerranée, l'articulation des politiques monétaire et budgétaires au niveau européen pourrait participer à entretenir cette inflation. Alors que l'exécutif martelle son objectif de plein-emploi à l'horizon 2027, les perspectives relatives au taux de chômage sont orientées à la hausse.

Et si ces tendances venaient à se confirmer au niveau européen, la Banque centrale européenne pourrait décider d'injecter des liquidités afin de relancer l'économie. Or, le recours à ce levier du quantitative easing nourrit inévitablement l'inflation et ce, de manière durable, comme le prouve la situation actuelle qui n'est autre que le fruit de la politique de relance menée pendant la pandémie de Covid-19.

Autre facteur d'alimentation de l'inflation, la transition énergétique promue par le gouvernement français et plus largement par l'Union européenne est un long processus qui, par la hausse des coûts qu'elle va induire, va durablement contribuer à l'inflation.

Timothée Talbi