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Un "recul majeur": la liste des promesses aux agriculteurs s'allonge et fait grimacer les associations environnementales

Les associations de défense de l'environnement ont dénoncé l'impact écologique de certaines mesures promises par le gouvernement aux agriculteurs. Parmi elles: la suspension du plan Ecophyto, la fin des surtransposition ou encore l'abandon de la hausse de la fiscalité sur le gazole non routier. De son côté, la Commission européenne vient d'adopter une dérogation sur l'obligation de jachères.

Un "recul majeur". Les annonces successives de Gabriel Attal pour répondre à la crise agricole n'ont pas manqué de faire réagir les associations environnementales, lesquelles alertent depuis plusieurs jours sur un revirement "inacceptable" de la politique écologique gouvernementale.

Dans la foulée du discours du Premier ministre début février, l'association Générations futures avait dénoncé des "mesures totalement rétrogrades nous ramenant plus de 15 années en arrière". Lundi, la rupture du dialogue entre l'exécutif et les défenseurs de l'environnement semble avoir été actée alors que huit ONG ont claqué la porte d'une réunion sur l'évaluation des pesticides.

Reçus ce mardi à Matignon à dix jours du Salon de l'agriculture, les principaux syndicats agricoles maintiennent quant à eux la pression sur le gouvernement et lui demandent d'"accélérer le tempo" sur la mise en œuvre concrète des annonces, en dépit de la colère des associations environnementales qui s'opposent à plusieurs d'entre elles. Tour d'horizon.

• La hausse de la fiscalité sur le GNR supprimée

Parmi les premières annonces de Gabriel Attal en faveur des agriculteurs figure l'annulation pure et simple de la de la hausse de la taxe sur le gazole non routier (GNR).

Jusqu'à la fin de l'année dernière, les agriculteurs bénéficiaient d'une fiscalité allégée pour l'achat de ce carburant, destiné uniquement aux tracteurs agricoles, forestiers, bulldozers et autres pelleteuses. Mais le projet de loi de finances 2023 était venu remettre en cause cet acquis en prévoyant de réduire progressivement cet avantage fiscal jusqu'à sa disparition totale en 2030.

Les agriculteurs vont également pouvoir demander dès ce mois de février, au lieu de juin, une avance de 50% sur le remboursement partiel de l'accise sur les produits énergétiques (ex-TICPE) dont le GNR. A compter de juillet, ils n'auront plus à avancer les frais puisque la remise de TICPE sera directement appliquée sur la facture.

Le renoncement du gouvernement sur la fiscalité du GNR a été critiqué par les ONG environnementales qui réclament la suppression totale des subventions aux énergies fossiles.

• Le plan Ecophyto mis en pause

C'est sans doute l'annonce qui hérisse le plus les défenseurs de l'environnement. Face à la colère des agriculteurs, le gouvernement a promis de mettre en pause le plan Ecophyto qui visait une réduction de moitié de l'utilisation des pesticides d'ici à 2030 (par rapport à 2015-2017), "le temps de mettre en place un nouvel indicateur" qui remplacerait le Nodu, principal outil de mesure français.

La réunion du Comité d'orientation stratégique et de suivi du plan Ecophyto qui a été désertée lundi par huit ONG environnementales devait poser les bases de la nouvelle méthode de suivi de l'utilisation des pesticides. Mais l'invitation à cette réunion "ne contenait ni ordre du jour ni documents de travail transmis en préparation de cette réunion", ont reproché les ONG dont Générations Futures, le WWF France, la Fondation pour la Nature et l'Homme et la LPO. "Les conditions de travail n'étaient pas réunies pour entamer le dialogue" sur l'avenir du plan Ecophyto, a également déclaré à l'AFP Sandrine Bélier, directrice d'Humanité et Biodiversité.

Alors que la colère des agriculteurs s'est exprimée dans plusieurs pays européens, la Commission européenne a elle aussi décidé de revoir ses ambitions à la baisse en proposant de retirer un projet législatif visant à réduire de moitié l'usage des pesticides au sein de l'UE d'ici 2030. Elle envisage désormais une future nouvelle version du texte "beaucoup plus mûre, avec participation des parties prenantes".

Agriculteurs : pourquoi ça coince toujours ? - 13/02
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• Dérogation aux obligations de jachères

Répondant favorablement à l'une des revendications des agriculteurs, le gouvernement a décidé d'étendre en 2024 une dérogation permettant de mettre en culture les terres en jachères, alors que les agriculteurs doivent normalement laisser 4% des terres arables en jachères pour toucher les aides de la nouvelle PAC entrée en vigueur en 2023.

A l'échelle de l'UE, la Commission européenne a elle aussi assoupli les règles en matière d'obligations de jachères en accordant une exemption partielle. Désormais et pour cette année uniquement, les agriculteurs pourront toucher les aides s'ils atteignent les 4% en additionnant non seulement les éventuelles jachères et surfaces non productives mais aussi les cultures intermédiaires ou fixatrices d'azote (lentilles, pois...) sans usage de produits phytosanitaires. Cet assouplissement fait suite à une exemption complète à l'obligation de jachères décidée en 2023.

• Pas de surtransposition

Le gouvernement a promis d'en finir avec la surtransposition dans le droit français des règles européennes, notamment en matières environnementales. Il promet par ailleurs d'appliquer le principe "pas d'interdiction sans solution".

Conformément à ces annonces, l'exécutif souhaite réaligner le calendrier de l'Anses (Agence nationale de sécurité alimentaire) et de l'autorité européenne de sûreté des aliments (Efsa) sur l'autorisation des produits phytosanitaires. "Nous serons vigilants à ce que l'Anses continue d'intégrer les dernières connaissances scientifiques et techniques dans les conditions d'utilisation des produits", a expliqué le gouvernement.

De la même manière, il a assuré qu'il n'y aura pas de surtransposition des règles inscrites dans les textes européens sur les zones humides et les tourbières et que la mise en œuvre de celles-ci donnera lieu à un temps de concertation. Les éleveurs bénéficieront enfin d'une harmonisation des seuils d'évaluation environnementale avec les seuils européens pour éviter les surtranspositions.

• Réduction des délais de recours contre certains projets

Il sera désormais plus difficile de contester certains projets agricoles. Le gouvernement a annoncé mettre fin au régime d'exception sur les délais de recours en les alignant sur le droit commun. Ces délais passeront ainsi de 4 à 2 mois, notamment en ce qui concerne les prélèvements en eau pour les projets agricoles.

Les délais de contentieux des projets liés à la gestion de l'eau (stockage) seront également réduits via la suppression d'un niveau de juridiction et "par l'application de la 'présomption d'urgence' qui permet de réduire les délais à 10 mois", indique le gouvernement. A noter que le gouvernement a aussi fait savoir qu'il fera appel de décisions de justice récentes concernant plusieurs "zones de non-traitement" qui sont des espaces situés en bordures de champs censés protéger les riverains de la pulvérisation de produits phytosanitaires. Le tribunal administratif d’Orléans a en effet annulé début janvier des arrêtés préfectoraux de cinq départements approuvant des chartes départementales fixant des conditions plus souples à l'usage de produits phytosanitaires.

Sur son site internet, Greenpeace a dit dénoncer "fermement les annonces concernant une série de mesures visant à limiter ou entraver les recours juridiques pouvant être portés par des riverains ou des associations sur des projets tels que les projets de méga-bassines ou les projets d'installation ou d'extension de fermes-usines".

• Simplification

Les agriculteurs ont obtenu plusieurs engagements du gouvernement visant à simplifier les procédures. Parmi eux, le remplacement des 14 réglementations qui concernent actuellement les haies par un seul cadre réglementaire.

Les règles de curage des cours d'eau qui consiste à enlever les sédiments seront elles aussi assouplies. Ce que déplore l'association France Nature Environnement qui rappelle que si "le curage de cours d'eau est interdit au-delà de l'entretien normal", c'est parce que "ce sont des écosystèmes fragiles qui ne supportent pas une intervention mécanisée, et qui n'ont normalement pas besoin de curage dans un fonctionnement hydrologique normal".

• Finalisation du nouveau plan loups

Le ministre de la Transition écologique, Chrisotphe Béchu, a également évoqué la finalisation prochaine du plan loups qui devrait notamment augmenter le nombre de tirs autorisés. Le ministre réunira dans les prochains jours le groupe national Loup pour arrêter le contenu du plan.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis avec AFP Journaliste BFM Eco