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Prud'hommes: les juges peuvent ne pas respecter le barème Macron, selon la cour d'appel de Reims

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La cour d'appel de Reims a estimé ce mercredi que le plafonnement des indemnités pour licenciement abusif était "compatible" avec les textes internationaux. Elle indique toutefois que les juges restent libres de vérifier si ce barème "ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits du salarié concerné".

Le plafonnement des indemnités pour licenciement abusif, une mesure polémique des ordonnances Travail, respecte les conventions internationales, mais cela n'empêche pas de pouvoir le contester sur un cas particulier, selon un arrêt de la cour d'appel de Reims rendu ce mercredi. 

La cour devait se prononcer sur un jugement rendu en décembre par le conseil des prud'hommes de Troyes. Celui-ci avait jugé le barème Macron "en contrariété" avec les réparations prévues en cas de licenciement abusif dans deux textes internationaux, la Charte sociale européenne et la convention 158 de l'Organisation internationale du travail. Le conseil avait en conséquence octroyé à un salarié licencié une indemnisation supérieure à celle prévue par le barème.

Depuis les ordonnances réformant le code du travail fin 2017, ces dommages et intérêts sont plafonnés entre un et vingt mois de salaire brut, en fonction de l'ancienneté et de la taille de l'entreprise. Auparavant les juges n'étaient pas tenus par un plafond.

La barème peut être contesté

Dans son arrêt, la Cour dit que ce plafonnement, contesté par plusieurs conseils de prud'hommes depuis des mois, "n'est pas contraire, en lui même," aux textes internationaux invoqués. Elle va ainsi dans le même sens que l'avis général de la Cour de Cassation en juillet qui avait jugé ce barème "compatible" avec les textes internationaux.

"Nous ne pouvons que nous féliciter de cette décision qui conforte le fait que le système français, un des plus protecteurs des droits des salariés, est bien compatible avec les dispositions européennes et internationales sans se laisser émouvoir par les arguments politiques qui n’ont plus lieu d’être dans les prétoires", a réagi Me.Vanessa Sebban, associée du cabinet GKA & Associés. 

Mais, dans le même temps, la cour d'appel estime que le juge reste libre, dans un cas d'espèce, "in concreto", de vérifier si ce plafonnement "ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits du salarié concerné". Autrement dit, selon Judith Krivine, du Syndicat des Avocats de France, "la sécurité juridique voulue par les entreprises n'est pas du tout acquise".

Dans l'affaire de Reims cependant, la Cour dit que le salarié licencié ne l'a sollicité que sur un contrôle général, "in abstracto", du barème par rapport à sa conformité aux textes internationaux. Le salarié aurait dû la solliciter sur son cas particulier, ce que le juge ne peut faire de "sa seule initiative". Elle infirme donc le jugement du conseil de prud'hommes et applique au salarié une indemnisation comprise dans le barème. Dans une autre affaire devant la cour d'appel de Paris, celle-ci, qui devait rendre sa décision également, a prorogé son délibéré au 30 octobre.

"À la brèche ouverte d’après beaucoup par la Cour d’appel à une analyse au cas par cas, il y a lieu de rappeler que c’est une décision rendue par la chambre sociale qui est sans cesse à la recherche d’un équilibre. Quant à l’analyse in concreto, c’est un concept subtile sur lequel la prudence est de mise et sur laquelle personne n’a vraiment une idée précise", tempère néanmoins Me.Vanessa Sebban. 
P.L avec AFP