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Pesticides: qu'est-ce que l'indicateur de mesure "Nodu" que la France va abandonner?

Le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé ce mercredi que la France allait abandonner son indicateur de mesure de l'usage des pesticides au profit de l'indicateur européen. Une décision saluée par les agriculteurs mais contestée par les associations de défense de l'environnement.

Pour les ONG environnementales, c'était une "ligne rouge". Lors d'une conférence de presse à Matignon ce mercredi, Gabriel Attal a annoncé que la France allait abandonner l'indicateur qu'elle utilisait jusqu'à présent pour mesurer la réduction de l'usage des pesticides dans le cadre du plan Ecophyto, lui-même suspendu.

Cet indicateur, baptisé Nodu pour "NOmbre de Doses Unités", est depuis longtemps contesté par le syndicat agricole majorité FNSEA et l'industrie des pesticides qui lui reprochent de ne pas mesurer convenablement les efforts des agriculteurs pour réduire l'usage de produits phytosanitaires.

Créé en 2008, le Nodu est exprimé en hectares. Il est calculé à partir des données de vente des distributeurs de produits phytosanitaires et correspond "à la surface qui serait traitée annuellement, avec les produits phytopharmaceutiques vendus au cours d'une année, aux doses maximales homologuées", explique le ministère de l'Agriculture.

Cet outil uniquement utilisé en France mesure ainsi "l'intensité d'utilisation des produits phytopharmaceutiques" et "évalue notre dépendance aux pesticides, en évitant les biais liés aux grandes différences de doses homologuées entre molécules", précise l’Institut national de la recherche agronomique (INRAE).

Qu'est-ce que le plan Ecophyto sur les pesticides?
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Un indicateur contesté par les agriculteurs

Ces dernières années, le Nodu est passé de 82 millions d'hectares traités en 2009 à 103,3 en 2016, avant de retomber à 85,7 millions en 2021. Ce qui ne témoigne pas à première vue d'une baisse de réduction de l'usage de pesticides en France.

Mais les agriculteurs affirment que ces résultats sont trompeurs. Ils reprochent en effet au Nodu de ne pas tenir compte de la dangerosité des produits. Par exemple, un agriculteur qui remplacera un produit efficace mais nocif par un produit moins efficace mais moins dangereux sera obligé d'en répandre en plus grande quantité et plus souvent, ce qui aura pour conséquence de faire augmenter le Nodu et donc d'invisibiliser l'effort consenti par l'exploitant.

Dans une tribune publiée dans Ouest-France, le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, déplorait effectivement que le Nodu ne prenne "en compte que les volumes utilisés, sans distinction entre les produits les plus à risques qui s'utilisent en petites quantités et les solutions de substitution à plus faible impact qui s'utilisent en plus grand volume". "Nous ne mesurons pas les progrès réalisés avec un indicateur qui ne reflète que l'augmentation des doses et pas la réduction du risque", regrettait-il.

HRI1, l'indicateur européen

Lors de sa conférence de presse, Gabriel Attal a annoncé que le Nodu sera remplacé par l'indicateur européen baptisé HRI1 (Harmonized Risk Indicator) qui a lui aussi vocation à mesurer l'évolution de l'utilisation de pesticides. Celui-ci est calculé sur la base du nombre de substances actives vendues. Mais à la différence du Nodu, cette quantité est pondérée par un facteur de 1 à 64 censé refléter leur dangerosité pour la santé.

L'indicateur HRI1 permettrait donc de mieux tenir compte des efforts des agriculteurs français qui assurent avoir déjà réduit leur usage de pesticides de 46% en vingt ans. De son côté l'ONG Générations Futures affirme que l'adoption de cet outil ne refléterait qu'une "baisse en trompe-l’œil" car "les coefficients de dangerosité sont trop faibles et ne contrebalancent pas les quantités plus importantes de pesticides moins dangereux utilisés dans les calculs".

Pour l'association, "l’usage de pesticides dangereux homologués à faibles doses peut ainsi donner un indicateur plus faible que l’usage de pesticides à bas risque employés en plus grande quantité homologuée, ce qui est totalement contre-productif dans l’optique d’une transition écologique de notre agriculture car pénalisant par exemple l’agriculture biologique". Elle exige dès lors de conserver le Nodu qui donne "une vision objective de la dépendance de notre agriculture aux pesticides".

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco