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La chronologie de l'affaire Carlos Ghosn

Carlos Ghosn est visé par un mandat d'arrêt international émis par la justice française. Il est réfugié au Liban depuis décembre 2019, un pays qui n'extrade pas ses ressortissants.

Trois ans après son évasion rocambolesque du Japon, Carlos Ghosn est rattrapé par la justice. L'ancien patron de l'alliance Renault Nissan est visé par un mandat d'arrêt international émis par la justice française dans le cadre d'une enquête instruite à Nanterre, notamment pour abus de biens sociaux et blanchiment.

Les juges s'intéressent à près de 15 millions d'euros de paiements considérés comme suspects entre l'alliance Renault-Nissan et le distributeur de Renault à Oman, Suhail Bahwan Automobiles (SBA).

Le dernier épisode de "l'affaire Carlos Ghosn", débutée il y a près de quatre ans et marquée par de très nombreux rebondissements.

• Arrestation en novembre 2018

Le 19 novembre 2018 au matin, Carlos Ghosn est arrêté à Tokyo à la sortie de son jet privé. Le PDG de Renault et président non exécutif de Nissan et de Mitsubishi est soupçonné d'avoir dissimulé de l'argent au fisc japonais.

Le groupe Nissan confirme que le Franco-Libano-Brésilien a, "pendant de nombreuses années, déclaré des revenus inférieurs au montant réel". Le groupe fait en outre savoir que "de nombreuses autres malversations ont été découvertes, telles que l’utilisation de biens de l’entreprise à des fins personnelles".

Selon le journal japonais Asahi Shinbun, Carlos Ghosn est suspecté de ne pas avoir déclaré 30 millions d’euros de revenus entre 2010 et 2015 chez Nissan, d’avoir sous-estimé son salaire pour 25 millions d’euros pendant trois ans et d’avoir signé un accord secret de retraite-chapeau à hauteur de 70 millions d’euros avec Nissan depuis 2010.

• Révoqué par Nissan et Mitsubishi fin 2018

Dans la foulée, le 20 novembre, Carlos Ghosn est remplacé à la direction exécutive de Renault par Thierry Bolloré, alors numéro 2. Il est ensuite révoqué de la présidence du conseil d'administration de Nissan deux jours plus tard.

Le 26 novembre, Mitsubishi Motors limoge le patron sexagénaire et les gouvernements français et japonais réaffirment leur soutien à l'alliance. A cette époque, Renault le maintient au poste de PDG, invoquant la présomption d'innocence.

• De nouvelles révélations en décembre 2018

Fin décembre, coup de théâtre, le millardaire est accusé d'avoir tenté de faire couvrir par Nissan "des pertes sur des investissements personnels" au moment de la crise financière d'octobre 2008. La somme incriminée s'élève à 1,85 milliard de yens (14 millions d'euros).

Pour résoudre ce problème financier, il a obtenu qu'un milliardaire saoudien, Khaled Juffali, se porte garant. Il l'aurait ultérieurement récompensé par des virements provenant de "la réserve du PDG".

• Démission de Renault en janvier 2019

Carlos Ghosn demande sa libération sous caution le 9 janvier, mais elle est refusée. A cette occasion, il affirme publiquement être "faussement accusé et détenu de manière injuste". Le 11 janvier, il est à nouveau mis en examen le 10 janvier pour "abus de confiance aggravé" et pour la minoration de ses revenus entre 2015 et 2018.

Le 24 janvier, Carlos Ghosn démissionne de ses fonctions de PDG de Renault. Dans un entretien accordé à la presse japonaise, il affirme que les dirigeants de Nissan orchestrent un complot contre lui, ce que le constructeur nie en bloc.

• La justice française s'en mêle en février 2019

En février 2019, Renault signale à la justice française que son ancien patron a reçu pour son "bénéfice personnel" un avantage en nature de 50.000 euros dans le cadre d'une convention de mécénat avec le Château de Versailles signée en juin 2016.

Une somme dont il a bénéficié pour l'organisation de son mariage au château de Versailles le 8 octobre 2016. Carlos Ghosn se dit "prêt à rembourser", selon son avocat Jean-Yves Le Borgne, qui affirme qu'il "n'a jamais été conscient qu'il les devait puisqu'il n'a jamais été facturé. Il a cru que c'était gratuit".

• Libération sous caution en avril 2019

Le 5 mars, Carlos Ghosn est libéré sous caution avec interdiction de quitter le Japon. Mais il est de nouveau arrêté début avril, puis inculpé le 22 avril pour abus de confiance aggravé chez Nissan.

Après 21 jours de détention, il est finalement libéré le 25 avril, moyennant le paiement d'une caution de 500 millions de yens, soit environ 4 millions d'euros.

Pour demander sa libération, les avocats de Carlos Ghosn insistent sur l’absence de risque de destruction de preuves et de fuite, ainsi qu’un problème médical, une insuffisance rénale, dont souffrirait l’ex-patron de Renault.

• Fuite rocambolesque au Liban le 30 décembre 2019

Sous le coup de quatre inculpations au Japon pour corruption, Carlos Ghosn réside dans une villa de Tokyo dont l'entrée et la sortie sont surveillées par caméra par la police pour l'empêcher de fuir. Ses trois passeports français, libanais et brésilien sont alors conservés par ses avocats.

Mais, une autorisation exceptionnelle du tribunal lui permet de conserver un deuxième passeport français dans un étui fermé par un code secret, connu de ses seuls avocats.

Le 29 décembre, Carlos Ghosn entame sa fuite du pays, préparée depuis six mois. D'après les images de la vidéosurveillance, Carlos Ghosn quitte sa résidence vers 14h30, coiffé d'un chapeau et portant un masque chirurgical. Il rejoint l'hôtel Grand Hyatt de Tokyo, dans lequel ils rencontrent des "musiciens" qui sont en réalité ses complices.

A la fin du "concert", ils dissimulent le millardaire dans une malle pour instruments de musique percée de 70 trous. Il voyage ensuite en train jusqu'à un aéroport de province puis empreinte un jet en direction de la Turquie vesr 23 heures. Une manière d'éviter les contrôles de sécurité des bagages. Un complice, cadre de la compagnie aérienne privée turque MNG, est alors chargé du transit vers un second jet privé en direction de Beyrouth.

• Suites judiciaires

La justice japonaise émet des mandats d'arrêt relayés par Interpol contre lui, trois complices présumés et son épouse Carole Ghosn. Le 9 janvier 2020, la justice libanaise interdit à Carlos Ghosn de quitter le pays, qui n'extrade pas ses ressortissants.

Carlos Ghosn déclare ne pas avoir "fui la justice", mais s’être "libéré de l'injustice et de la persécution politique", et se félicite de pouvoir enfin communiquer librement avec les médias, ce qu'il fait à plusieurs reprises.

Le 10 février 2020, Carlos Ghosn réclame devant un tribunal néerlandais 15 millions d'euros d'indemnités à Nissan et Mitsubishi Motors pour rupture abusive de son contrat. Un an plus tard, le millardaire est finalement condamné aux Pays-Bas à rembourser 5 millions d'euros à Nissan et Mitsubishi Motors.

Par ailleurs, l'ex-PDG engage aussi en France une procédure aux prud'hommes, réclamant à Renault 250.000 euros d'indemnité provisionnelle de départ à la retraite.

Du 31 mai au 4 juin 2021, il est auditionné à Beyrouth par des juges d'instruction français sur divers dossiers le concernant en France. Mais il ne peut être mis en examen hors du territoire français.

Carlos Ghosn est désormais visé par un mandat d'arrêt international. Une procédure d'extradition qui permet à un Etat, en l'occurrence la France, de demander à un Etat hors de l'Union européenne le rapatriement de la personnes visée. Mais le Liban, dont Carlos Ghosn a la nationalité, n'extrade pas ses ressortissants et aucune convention d'entraide judiciaire ne lie le pays à la France. Tant que Carlos Ghosn ne quitte pas le Liban, il ne risque donc pas grand chose.

https://twitter.com/Pauline_Dum Pauline Dumonteil avec AFP Journaliste BFM Tech