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Finances publiques

Dette: un abaissement de la note de la France serait-il un électrochoc?

Les agences de notation Moody's et Fitch pourraient revoir à la baisse la note souveraine de la France, vendredi. Un scénario qui ne serait pas une catastrophe pour le pays mais qui pourrait accroître la pression sur le gouvernement, déjà contraint d'annoncer de multiples économies budgétaires.

Les mauvaises nouvelles s'accumulent sur le front des dépenses publiques. Le gouvernement a réévalué sa prévision de déficit à 5,1 % du produit intérieur brut (PIB) cette année, contre 4,4 % initialement annoncés. Le déficit public 2023 s'est quant à lui élevé à 5,5% en 2023, selon l'Insee, contre 4,9% auparavant attendus, en raison notamment de mauvaises recettes.

Résultat, l'exécutif multiplie les annonces pour tenter de contenir l'hémorragie. Après avoir annulé dix milliards d'euros de crédits en février, il a annoncé le 10 avril dix milliards d'économies supplémentaires en 2024. Et en 2025, le gouvernement compte encore réaliser non plus 12 mais 20 milliards d'euros d'économies. Le tout avec une croissance de 1% finalement prévue cette année, au lieu de 1,4%.

Ces sombres perspectives pourraient conduire les agences de notation à dégrader la note souveraine de la France. Deux d'entre elles, Moody's et Fitch, doivent se prononcer ce vendredi 26 avril, avant S&P fin mai. Mais qu'est-ce qu'un abaissement changerait?

"Il ne faut pas se leurrer, il y a des gens qui s’amusent à se faire peur. Je ne pense pas un instant que si la note de la France était dégradée, cela changerait quoi que ce soit", estime sur BFM Business Laurent Vronski, secrétaire général du réseau d'entrepreneurs CroissancePlus.
Nicolas Doze face à Jean-Marc Daniel : Agences de notation, dégradez-nous ! - 22/04
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6:13

La France déjà dégradée, sans grand effet

La note de la France a déjà été dégradée par le passé, sans que cela n'entraîne de panique sur les marchés ni ne conduise le pays à emprunter de l'argent à des taux exorbitants auprès de ses créanciers. En janvier 2012, Standard & Poor's a ainsi privé la France de son triple A, la note maximale. Moody's a pareillement abaissé d'un cran la note souveraine du pays en novembre de la même année. Avant que Fitch Ratings ne lui emboîte le pas en juillet 2013.

Le taux d'emprunt à dix ans de la France a alors progressé tout en restant à un niveau très bas, rappelle le JDD. Le pays avait alors profité des injections massives de liquidités par les banques centrales, notamment européenne et américaine. Mais aussi de la position malgré tout favorable de la France, mieux notée que ses grands voisins européens en dehors de l'Allemagne.

L'absence d'alternative fait que les investisseurs étrangers continuent malgré tout d'acheter de la dette française, qui demeure un placement relativement plus sûr que les dettes espagnoles et italiennes, par exemple.

"La France a des mauvais chiffres, 3.100 milliards d'euros de dette, on est en déficit perpétuel et on continue de nous prêter de l’argent", résume Laurent Vronski.

"Pourquoi? Parce que le collatéral et la caution, c’est nous tous", poursuit l'entrepreneur, directeur général de la société Ervor. "Quand vous regardez le taux d'épargne en France, qui est record, si demain il y a un petit problème au niveau du pays pour rembourser la dette, et bien nous faisons confiance au gouvernement français pour aller prendre l’argent là où il est et ponctionner les épargnants", regrette-t-il.

"On essaye de trouver des économies sans fâcher personne"

Laurent Vronski appelle nos dirigeants à des réformes de fond pour éviter d'atteindre de telles extrémités. Et il n'est pas le seul à douter de la stratégie de rétablissement des finances publiques adoptée par le gouvernement. Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyse et prévision de l’OFCE, est de ceux-là.

"Si on a vraiment l'objectif de rétablir les finances publiques et de revenir au-dessous des 3% (de déficit, ndlr), les économies de bouts de chandelles ne seront pas suffisantes", abonde-t-il sur BFM Business.

"On essaye de trouver des économies sans fâcher personne. Or il y aura des choix politiques à faire qui seront durs si on veut vraiment une stratégie forte de redressement des finances publiques", insiste l'économiste.

"Il faut un plan sur plusieurs années. Je ne pense pas qu’il faille écarter certaines pistes sur la fiscalité, notamment les niches fiscales brunes (défavorables à l'environnement, ndlr)."

"Ayons un plan crédible, y compris vis-à-vis des investisseurs", conclut Mathieu Plane.

Les Experts : Note, faut-il souhaiter une dégradation ? - 22/04
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18:51

Bruno le Maire reste "serein"

Au micro de BFM Business, le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, se dit de son côté "serein" face à une éventuelle baisse de la note de la France.

"Il y a un seul plan, c'est le plan de rétablissement des finances publiques, serein et déterminé, qui repose sur ces trois piliers: les réformes de structure, la croissance par l'emploi et la réduction des dépenses qui est indispensable", a-t-il déclaré.

La dette du pays atteint 110,6% du PIB en 2023, selon Bercy. Elle devrait grimper à 112,3% cette année, puis rester autour de 112% en 2027. Bruno Le Maire maintient en outre son ambition de revenir sous 3% de déficit en 2027, comme l'exigent les règles budgétaires européennes.

Pour l'heure, Moody's et Fitch affichent respectivement les notes Aa2 et AA- pour la France, avec perspective "stable". Mais qu'en sera-t-il demain?

Thomas Chenel