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Colère des agriculteurs: pourquoi les enseignes E. Leclerc sont particulièrement ciblées

Ces derniers jours, les agriculteurs manifestent leur mécontentement en menant plusieurs actions aux abords de magasins Leclerc ou d'enseignes liées à l'entreprise de la grande distribution.

Elle figure parmi les cibles de la colère qu'expriment actuellement les agriculteurs: la grande distribution et plus particulièrement Leclerc. Ces derniers mois, le président du comité stratégique des centres E.Leclerc, Michel-Edouard Leclerc s'est positionné comme l'un des porte-étendards des acteurs de la grande distribution en France. Dans un contexte d'inflation alimentaire galopante, il a notamment demandé à de multiples reprises une modification des modalités des négociations commerciales avec les industriels afin de répercuter au plus vite certaines baisses des coûts de matières premières dans les rayons des supermarchés.

Alors que ces mêmes négociations, anticipées de quelques semaines grâce à un projet de loi adopté en septembre, touchent à leur fin, l'un des hommes forts de la grande distribution est aujourd'hui pris à parti par les agriculteurs.

"Pour nous, ce monsieur est le plus grand influenceur en ce qui concerne la grande distribution", insiste au micro de BFMTV Jean-Pierre Allaux, président de la FDSEA dans l'Aude où une centaine de manifestants bloquent la Socamil, une plateforme logistique du groupe de grande distribution à Castelnaudary.

"On veut faire pression sur Michel-Edouard Leclerc qui fait de la fausse communication", soulignait dès mardi Jérôme Barthès, vice-président des JA de l'Aude, également sur place.

Un prix du lait "à 70 centimes le litre, ce qui n'est pas rémunérateur pour nous"

Les agriculteurs reprochent à Michel-Edouard Leclerc de privilégier des produits fabriqués ailleurs en Europe plutôt qu'en France afin de bénéficier de coûts plus avantageux. Si cette stratégie permet au géant de la grande distribution d'afficher des prix en rayons compétitifs par rapport à ses concurrents, elle laisse aussi les producteurs français sur la touche. La marge sur les produits agricoles, "c'est lui qui la prend, c'est pas les agriculteurs", estime auprès de l'AFP Jérôme Barthès, demandant à ce que Michel-Edouard Leclerc, "descende à Castelnaudary pour discuter".

"Nos pays voisins, l'Espagne, l'Italie, peuvent travailler dans des conditions autres que les nôtres, c'est-à-dire qu'ils peuvent utiliser des programmes phytosanitaires qui permettent de travailler la rentabilité, la production et la qualité", déplore Jean-Pierre Allaux.

Cette situation a poussé certains agriculteurs à pénétrer dans des magasins Leclerc afin de vérifier la provenance des produits vendus. C'est le cas à Brissac dans le Maine-et-Loire où Vincent a de nouveau mené cette opération en fin de matinée.

"On a l'impression qu'on est un peu mis à l'écart, s'agace-t-il au micro de BFMTV. On est venu faire un petit tour des lieux en début de semaine et on a remarqué des produits étrangers. On voit qu'au final, on n'est pas trop écouté."

Le jeune agriculteur dénonce "des produits d'étrangers qui viennent d'Irlande et sont vendus à des prix moindres que les nôtres" tel que le lait qui affiche un prix "à 70 centimes le litre, ce qui n'est pas rémunérateur pour nous."

Les distributeurs coupables de céder à une double tentation

Invité de Good Morning Business mardi matin, le président de la Coopération agricole Dominique Chargé observe deux "phénomènes" dans le cadre des négociations commerciales qui témoignent d'une "pression que met la distribution sur nos entreprises". Tout d'abord, "une tentation de renier les engagements pris à travers Egalim et de ne plus vouloir sanctuariser la valeur de la production agricole", un axe sur lequel insiste pourtant régulièrement Michel-Edouard Leclerc dans sa communication. "Cela n'est pas unanime, certaines enseignes ont bien joué le jeu, très tôt dès le mois de décembre et ont signé dans de bonnes conditions avec nos entreprises", reconnaît Dominique Chargé qui se refuse à citer des noms.

"D'autres traînent et seraient bien inspirées de changer leur vision de choses et de reconnaître la valeur de la matière première agricole."

Le président de la Coopération agricole critique également "la tentation pour les marques distributeurs de passer d'une origine France à une origine Europe pour avoir de meilleures conditions d'achat": "Cela n'est pas entendable car la grande majorité des volumes qui concernent nos entreprises sont des volumes qui sont commercialisés en marques de distributeurs."

Timothée Talbi