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Vêtements de mauvaise qualité et difficiles à revendre: Emmaüs s'inquiète de l'explosion de l'ultra-fast fashion

L'association fait face à une recrudescence de dons de vêtements achetés sur des sites comme Shein et Temu qu'elle ne peut pas revendre dans ses boutiques de seconde main.

Écharpes qui boulochent, doublures mitées, pantalons rongés… Dans l'atelier de tri textile parisien de l'association Emmaüs Défi, les vêtements usés jusqu'à la corde s'empilent sur les tables. Et pourtant il ne s'agit pas de vieux habits récupérés par des donateurs dans un vieux grenier familial. Ce sont pour la plupart des pièces de textile de mauvaise qualité achetées à bas prix sur des sites dits d'ultra-fast fashion.

Le problème pour Emmaüs c'est que ce type de vêtements a pris une place prépondérante ces dernières années dans la somme des produits collectés pour être revendus.

"On ne peut pas quantifier les volumes de fast fashion mais, par rapport à il y a une dizaine d'années, on estime qu'on a perdu entre 20 et 30% de ce qu'on pouvait réemployer, assure Léa Genies la directrice communication d'Emmaüs Défi.

"Aujourd'hui on est sur des volumes de 20 à 30% de réemploi quand il y a quelques années on était à 40-50% de réemploi", indique-t-elle à BFMTV.
Marion Bouchut, porte-parole de Shein en France - 29/02
Marion Bouchut, porte-parole de Shein en France - 29/02
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"Pas de travail pour nos salariés"

Autrement dit, alors que près de la moitié des dons d'habits pouvaient être revendus dans les boutiques Emmaüs il y a encore dix ans, ce sont désormais près de huit picèes sur 10 qui partent directement au recyclage. Ce qui représente une menace économique pour l'association qui a fait du réemploi de la seconde main un vecteur d'insertion sociale.

"L'essence de notre travail est de collecter, trier et revendre des objets, rappelle Léa Genies. Quand on a des dons de mauvaise qualité on va les mettre au recyclage mais ça ne donne pas de travail à nos salariés qui sont dans les ateliers de tri."

Surtout quand ils peuvent être revendus, ce sont à des prix modiques qu'Emmaüs Défi doit les proposer à ses clients du fait de leur mauvaise qualité.

"Moins cher dit moins d'entrées d'argent donc moins de financement de notre mission sociale donc ça met vraiment en difficulté le modèle des structures Emmaus", déplore la responsable de l'association.

L'association, qui soutient la proposition de loi "anti-fast fashion" examinée ce jeudi par les députés, souhaite moraliser les pratiques des consommateurs. "Il y a dix ans quand on collectait 100 tonnes de vêtements on pouvait en réemployer 65, aujourd'hui ce n'est plus que 55, évalue Valérie Fayard la directrice générale délégué Emmaüs France. Ça ne représente pas vraiment une perte [financière] parce qu'on collecte de plus en plus et qu'on trie de plus en plus mais ce n'est pas ça qu'on souhaiterait, on voudrait un meilleur taux de réemploi."

Emmaüs vise non seulement les nouveaux sites de vente de type Shein ou Temu mais aussi les enseignes de fast-fashion implantées depuis depuis plusieurs années comme Zara et H&M.

Ces vendeurs ne sont pourtant pas ciblés par la proposition de loi du député Antoine Vermorel-Marques qui souhaite mettre en place un système de bonus-malus pour désavantager les plateformes de vente en ligne de l'ultra-fast fashion qui mettent "plus de 1.000 nouveaux produits par jour". Des amendements pourraient compléter ce texte et inclure les enseignes plus "classiques" de fast-fashion qui ont pignon sur rue.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco