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"Une pollution sonore": les vacances sans enfants gagnent du terrain

Après les restaurants, les hôtels et les avions sans enfants, voici les vacances sans enfants.

Les vacances sans enfant, seule solution pour vraiment se relaxer? Très tendances à l'étranger, les offres "adults only" se multiplient en France, au risque d'en froisser certains.

Le concept séduit des personnes sans enfant, qui veulent pouvoir "s'amuser et être tranquille", aussi bien que des parents qui décident de partir sans leur progéniture pour se reposer "sans avoir à supporter celle des autres", explique Valérie Boned, présidente du syndicat Entreprises du voyages.

"Ce n'est pas une vague déferlante", mais l'offre d'établissements réservés aux adultes s'étend dans l'Hexagone ces dernières années, affirme-t-elle, "à vue de nez on est à 3% de l'offre".

"On en avait marre des enfants pas contrôlés par les parents"

La quiétude et la tranquillité, ce sont les arguments de vente de l'Anglais Stuart Coe, qui gère un camping interdit aux enfants, bien loin de l'ambiance des resorts très populaires en Espagne, Italie ou Grèce. Propriétaire de cette installation quatre étoiles dans le Lot depuis 1993, le septuagénaire s'est lancé dans le "adults only" en 2009. "On en avait marre des enfants pas contrôlés par les parents", justifie-t-il.

"Quand on avait des familles avec enfants, tout tournait autour d'eux. Ça perturbait le caractère calme que je voulais privilégier", confie de son côté Vincent Clerjoux-Rhodes, propriétaire du Domaine des Ormeaux en Dordogne, qui a décidé depuis six ans de limiter l'accès à ses gîtes aux plus de 16 ans.

Un changement de stratégie commerciale apprécié par Sabrina et son conjoint Jonathan, qui ont connu les deux versions de l'établissement. "Par rapport à la piscine, c'est plus calme. Les conversations sont différentes aussi", souligne l'infirmière de 44 ans, sans enfant et qui n'a pas souhaité donner son nom. Si elle assure que ce n'est pas son premier critère, elle a désormais tendance à privilégier cette formule: "ce qu'on cherche aujourd'hui, c'est vraiment le calme".

"Déconnecter, ce n'est pas possible avec des enfants"

Educatrice spécialisée, Amandine, 26 ans, a découvert le concept par hasard. En cherchant un établissement insolite, elle tombe sur Ecrin d'Auvergne, un "écolodge" haut de gamme réservé aux adultes, dans le Cantal.

Elle a confié sa fille d'un an aux grands-parents, pour y passer une nuit avec son mari. "On a pu se retrouver au calme, sans le souci du quotidien et de tout gérer. Ça fait du bien", explique cette jeune mère. "Déconnecter, ce n'est pas possible avec des enfants", abonde Pierre-Éric Chabaud, propriétaire de l'établissement.

"On est dans une société qui se veut de moins en moins perturbée, où tout s'interprète en termes de pollution. Et l'enfant est une pollution sonore dans notre société", analyse Jean-Didier Urbain, anthropologue spécialiste du tourisme et des mobilités.

Alors que certains font la guerre aux coqs et aux cloches des village, les offres sans enfant "sont une réponse à une nouvelle demande de non-nuisance", estime le chercheur.

"Pas bon signe"

Est-ce pour autant légal ? L'article 225-1 du Code pénal interdit en effet toute discrimination. "Ce n'est pas une sélection discriminatoire" assure Me Jonathan Bellaiche, avocat spécialisé en droit du tourisme. Il s'agit de "proposer un service à une clientèle déterminée pour répondre aux besoins de son activité commerciale", estime-t-il, relevant qu'il "n'y a pas de jurisprudence" sur cette question.

Selon lui, "un hôtelier a parfaitement le droit de proposer une vraie atmosphère d'adultes (...). On s'inscrit dans la liberté du commerce, la liberté d'entreprendre." Un avis que la sénatrice PS Laurence Rossignol est loin de partager, elle qui souhaite proscrire les lieux interdits aux enfants.

"Ça se développe, ça se banalise. On s'autorise de plus en plus à manifester de l'intolérance à l'égard des enfants et je trouve que ce n'est pas bon signe", déplore cette ancienne ministre des Familles et de l'Enfance de François Hollande. Elle a déposé fin mars une proposition de loi visant à "reconnaître la minorité comme un facteur de discrimination afin de promouvoir une société ouverte aux enfants".

Il s'agit de "lancer l'alerte", explique Mme Rossignol. "Dans notre société on ne va pas laisser se développer les lieux sans enfants. Ce n'est pas bon pour le moral du pays, pour le rapport à l'avenir", assure-t-elle.

P. B. avec AFP