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Après les restaurants et les hôtels, voici les avions sans enfant

La compagnie aérienne turco-néerlandaise Corendon propose désormais des sièges dans des zones "sans enfant".

La compagnie aérienne turco-néerlandaise Corendon propose désormais des sièges dans des zones "sans enfant". - Robin van Lonkhuijsen / ANP / AFP

La compagnie aérienne turco-néerlandaise Corendon est le premier opérateur européen à proposer ce service déjà présent chez quelques acteurs asiatiques. Une majorité de voyageurs applaudit mais cela reste encore une exception.

"Pourquoi les vols réservés aux adultes n'existent-ils pas? Je paierais tellement d'argent pour ça". Sur TikTok, @moorganic, une touriste américaine relançait il y a pile un an le débat des vols sans enfants après un voyage de trois heures visiblement très éprouvant comme le montre sa vidéo.

Qui n'a pas vécu un trajet en avion émaillé de cris d'enfant ou de nourrisson? Une expérience qui peut vite s'avérer pénible et douloureuse en cas de vol de plusieurs heures pour les passagers, mais aussi les parents souvent impuissants. D'où l'idée qui émerge de réserver dans les avions des espaces strictement réservés aux adultes.

La pratique a été lancée en Asie il y a déjà plusieurs années, notamment chez AirAsia X, Malaysia Airlines ou Scoot (depuis 2013) qui proposent, non pas des vols sans enfant, mais des espaces qui leur sont interdits, parfois sans frais supplémentaires.

Zone "Only Adult"

En Europe, aucune compagnie n'avait osé franchir le cap. Jusqu'à aujourd'hui avec Corendon Airlines, transporteur turco-néerlandais qui fait le buzz en devenant donc le premier opérateur européen à proposer ce service.

Concrètement, la zone dite "Only Adult" sera accessible uniquement aux passagers âgés de plus de 16 ans sur les vols en Airbus A350 entre Amsterdam et l'île de Curaçao, dans les Caraïbes. Cette zone se situera à l'avant et comportera 93 sièges bien séparés (cloison ou rideau) du reste de l'appareil.

La tranquillité aura un prix puisqu'il faudra débourser au minimum un supplément de 45 euros pour l'aller simple (selon le type de siège choisi).

Atilay Uslu, fondateur de la compagnie aérienne souligne que cette zone sans enfant visait à "satisfaire les voyageurs qui recherchent un peu plus de tranquillité pendant leur vol".

Et dans le même temps, permet aux parents angoissés d'échapper aux regards noirs et accusateurs des autres passagers en cas de crise infantile. "Ils peuvent profiter du vol sans s'inquiéter si leurs enfants font un peu de bruit", s'enthousiasme-t-il.

Des parents moins réfractaires

Il faut dire que cette approche choque un peu moins. En 2017 un sondage du site britannique AirFareWatchDog avançait qu'une majorité de répondants était favorable à des espaces sans enfant dans les avions.

Un autre sondage mené pour Jetcost.co.uk auprès de 1666 adultes britanniques révèle que 53% d'entre eux étaient favorables aux vols sans enfant. Et une autre consultation menée par Tripadvisor indique que plus d'un tiers des Britanniques seraient prêts à payer un supplément pour voyager en avion sans la présence d'enfants.

Aux Etats-Unis, une enquête réalisée pour Newsweek par Redfield and Wilton Strategies, montre que près de 60% des adultes sondés estiment qu'une zone réservée aux adultes dans les avions "serait une bonne chose", tandis que 27% étaient opposés à cette idée.

Ce qui a changé, c'est la perception des parents, moins réfractaires à ce type d'approche.

Cathy Winston qui tient le blog MummyTravels (où elle raconte ses voyages accompagnée d'un enfant en bas âge) explique: "Je sais, avant d'avoir ma fille, ce que c'est quand on essaie de dormir et qu'un bébé pleure. Si je savais que tous les gens autour de moi avaient choisi de s'asseoir là, cela enlèverait une partie du stress."

Un risque de discrimination

Pour autant, la plupart des compagnies européennes restent frileuses. Officiellement, aucun autre grand transporteur européen n'envisage pour l'instant de proposer ces zones réservées.

Interrogées par le média hollandais Nu.nl, TUI, KLM et Transavia ont déclaré qu'elles n'avaient pas l'intention de rendre une partie de leurs avions interdite aux enfants.

Elles risquent en effet d'être accusées de discrimination. Comme le souligne Simon Calder, rédacteur en chef du quotidien britannique The Independent, interrogé par la BBC:

"Je pense vraiment que les gens doivent être tolérants. Les gens qui ont un problème avec des enfants à bord des vols doivent s'en remettre. S'ils n'aiment pas ça, j'ai deux mots pour eux: bouchons d'oreilles".

Plus de 1500 hôtels dans le monde interdits aux enfants

Pour autant, le concept du tourisme sans enfant est aujourd'hui un vrai marché. Dans certains hôtels et restaurants, les têtes blondes sont tout simplement interdites pour préserver la tranquillité des adultes.

D'ailleurs comme le géant TUI, Corendon (la maison mère de Corendon Airlines) propose déjà à son catalogue des hôtels ou des clubs interdits aux mineurs.

"Un séjour avec votre partenaire, votre mère, votre petite amie ou un groupe d’amis: tout le monde a besoin parfois de prendre des vacances sans les enfants! Dans nos hôtels Only Adult, vous êtes réellement sûr de passer des vacances dans une ambiance décontractée et exceptionnelle, avec une touche de romantisme" promet le groupe dans ses publicités.

Même chose chez le français FRAM ou l'agence de voyages Fairmoove qui l'assure: "une tranquillité appréciable, puisqu'ici pas de têtes blondes, ni brunes!"  Quant au célèbre Tripadvisor, il propose désormais un classement français des "meilleurs hôtels réservés aux adultes". 

Légal?

La tendance est forte. Selon le site allemand Urlaud ohne Kinder (vacances sans enfant), on compte à ce jour 1544 hôtels "Adults Only" dans le monde contre 682 en 2016. Preuve que la demande est bien là. Avec de fortes disparités géographiques: si ces hôtels sont très nombreux aux Baléares ou en Grèce, on en trouve moins de 10 en France.

Reste la question de la légalité de ces pratiques. Concernant les avions, pas de problème puisque si un espace leur est interdit, ils peuvent tout de même voyager dans le même appareil.

Dans un restaurant, c'est un peu différent. "Légalement, il est interdit de refuser sa prestation de service à un client sauf motif légitime. Celui qui enfreint cette règle commet une infraction pénale et encourt, au maximum, trois ans de prison ou/et 45.000 euros d’amende", explique Murielle Gasnier, juriste à l’UFC-Que Choisir.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business