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TOUT COMPRENDRE - Alimentation: pourquoi les prix des "grandes marques" pourraient bientôt augmenter

Face à la forte hausse des coûts de production, les négociations annuelles entre la grande distribution et les industriels de l'agroalimentaire sont particulièrement difficiles cette année.

Le paquet de pain de mie, les tranches de jambon ou les haricots verts en conserve seront peut-être un peu plus chers dans quelques mois: c'est tout l'enjeu des négociations commerciales annuelles auxquelles se livrent en ce moment l'industrie agroalimentaire et la grande distribution.

• Qu'est-ce que les négociations annuelles ?

Tous les ans, avant d'arriver dans les rayons, les produits alimentaires sont rudement négociés entre fournisseurs et distributeurs. C'est même une obligation légale: chaque industriel doit envoyer avant le 1er décembre ses conditions de vente, c'est-à-dire toutes les informations nécessaires comme les tarifs réclamés ou les délais de paiement. À partir de là, fabricant et distributeur ont jusqu'au 1er mars pour s'entendre.

Concrètement: combien Auchan est-il prêt à payer pour les frites McCain? Carrefour pour le jambon Herta? Intermarché pour les yaourts Yoplait?

Pour l'industriel, l'enjeu est important: la grande distribution est organisée en centrales d'achat - certaines regroupent plusieurs distributeurs - qui achètent les produits en grande quantité pour les revendre à leurs magasins. Lorsqu'on négocie avec Galec (E.Leclerc) ou Auxo (Intermarché et Casino), on négocie avec 22% du marché*. C'est même 34,5% avec Envergure, qui regroupe Carrefour, Système U et Cora. Difficile de passer à côté: ne pas être référencé même dans une seule de ces centrales, c'est perdre directement une part importante de son chiffre d'affaires.

• Que se passe-t-il cette année ?

Ces négociations donnent lieu tous les ans à des discussions longues et difficiles. Mais cette année il faut aussi compter avec la mise en œuvre de la loi Egalim 2, qui a changé les règles: les matières agricoles sont désormais non-négociables, pour protéger le revenu des agriculteurs en bout de chaîne. Or, les décrets d'application de la loi, votée à la mi-octobre, n'ont été publiés qu'un mois avant la date butoir du 1er décembre.

Pour ne pas faciliter les choses, agriculteurs et industriels sont confrontés à une flambée des coûts de production en raison de la crise sanitaire: emballage (carton, verre, métal, etc.), transport, fret maritime, énergie, alimentation animale ou encore engrais ne cessent de grimper. Cette atmosphère d'inflation générale, qui met toute la chaîne sous pression, ajoute un surplus de crispations dans des négociations déjà tendues.

Selon l’Institut de liaison des entreprises de consommation (Ilec), qui représente les fabricants des grandes marques, seuls 10 à 15% des contrats sont aujourd'hui signés, contre 40 à 45% habituellement à cette période de l'année.

• Qu'est-ce qui coince entre industriels et distributeurs ?

Pour couvrir la flambée des coûts de production, les industriels réclament des hausses de tarifs entre 5% et 7% en moyenne, jusqu'à 10% pour certains secteurs, bien plus élevés que les années précédentes. Mais la grande distribution, en face, est peu disposée à accepter de telles hausses - les négociations annuelles, ces huit dernières années, se sont toutes terminées par une baisse des tarifs.

"Il y a un écart abyssal entre les demandes des industriels et les positions des distributeurs", déplore Richard Panquiault, président de l’Institut de liaison des entreprises de consommation (Ilec), qui représente les fabricants des produits de grande marque. D'autant que les industriels "ont déjà pris pour eux une partie de cette hausse", ce qui laisse une "faible marge de négociation".

Les industriels se plaignent d'une conséquence de la loi Egalim 2 qui, en empêchant de négocier les prix des matières premières agricoles, reporte toute la négociation sur la partie transformée du produit. Pour la grande distribution, l'équation est aussi difficile: au regard du consommateur, c'est elle qui est responsable des prix en magasin, tout cela dans un contexte de guerre des prix que se livrent les supermarchés pour attirer les clients.

• Les prix vont-ils augmenter dans les supermarchés ?

Cela dépendra de l'issue des négociations. Si la grande distribution consent à accepter des hausses de prix, la question sera de savoir si elle répercute tout ou partie de cette hausse sur le prix final du produit en magasin. "Les conversations sont encore tendues, mais les distributeurs ne refusent plus l'inflation, même si ce n'est pas encore au niveau des besoins des industriels", souligne Alexis Jacquand, directeur général de Petit Navire.

Selon l'interprofession des entreprises du sirop, si la grande distribution répercute au consommateur l'intégralité des hausses de tarifs demandées, cela représenterait 1 euro supplémentaire pour 3 à 4 bouteilles de sirop. Du côté des industriels de l'œuf, on avance 2 centimes d'euro de plus par œuf (soit 12 centimes pour une boîte de 6 oeufs), et 4 centimes en bio. Le président de Sodiaal (Candia, Yoplait) évoque, lui, cinq centimes de plus sur une bouteille de lait, rapporte l'AFP.

Selon le cabinet spécialisé IRI, cité par l'AFP, les prix des produits de grande consommation pourraient augmenter de 3% au deuxième trimestre de l'année.

Jérémy Bruno Journaliste BFMTV