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Pourquoi certains magasins de "première nécessité" sont aussi soumis au pass sanitaire

La loi prévoit normalement de garantir "l'accès aux biens de première nécessité" à ceux qui n'ont pas de pass sanitaire. Dans les faits, les préfets exigent pourtant que certains supermarchés des centres commerciaux soient aussi concernés par cette obligation.

L'idée semblait ingénieuse… A Roques-sur-Garonne, près de Toulouse, le directeur d'un hypermarché Leclerc pensait avoir trouvé une parade au pass sanitaire. Puisque son établissement, d'une superficie inférieure à 20.000 m², est intégré au centre commercial qui en fait plus du double (et qui est donc soumis à la présentation du pass sanitaire), il suffisait de proposer une entrée alternative hors de la galerie commerçante.

En l'occurrence, le directeur a ouvert une porte au niveau du parking, lundi. "Nous devons regarder les consommateurs aller dans les magasins concurrents proches de chez nous pour trouver les produits qu'ils pourraient acheter chez nous", se plaignait-il auprès de l'AFP, critiquant une "distorsion de concurrence".

Mais la préfecture a rapidement remis de l'ordre en annonçant la mise en demeure de l'établissement. Ce mardi, le magasin a donc fait machine arrière pour éviter une fermeture administrative.

Des consignes claires

La décision de la préfecture se heurtait pourtant à la loi sur le pass sanitaire. Si le Conseil constitutionnel a validé son application dans les centres commerciaux, il a pourtant mis des garde-fous. Parmi eux, la garantie de "l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi qu'aux moyens de transport accessibles dans l'enceinte de ces magasins et centres". Une précision reprise dans le décret publié par le gouvernement le 8 août dernier et qui est censée épargner les magasins alimentaires de l'obligation du pass.

Alors peut-on imposer un pass sanitaire dans les supermarchés ou hypermarchés intégrés dans les centres commerciaux? En réalité, la préfecture de Haute-Garonne n'a fait qu'appliquer les consignes gouvernementales.

Tout d'abord en rappelant que le décret précise bien que les centres commerciaux concernés peuvent comporter "un ou plusieurs bâtiments" et qu'il n'est donc pas possible de séparer un bâtiment du reste du centre.

Ensuite, il s'appuie ensuite sur les précisions de l'exécutif envoyées aux préfectures concernant les biens de première nécessité. Ils doivent ainsi veiller à "l’accès aux biens de première nécessité par l’existence de solutions alternatives au sein du bassin de vie." En clair, le pass sanitaire se justifie dès lors que les clients peuvent accéder facilement à d'autres magasins dans le bassin de vie.

Concurrence

Or, il existe une dizaine de supermarchés dans un périmètre de 10 kilomètres autour du Leclerc de Roques-sur-Garonne, justifiant d'imposer le pass sanitaire. Si la décision pourrait être attaquée devant le tribunal administratif, le contexte local semble justifier la décision de la préfecture.

En revanche, la question concurrentielle est réelle. Mais là encore, le Conseil constitutionnel s'est montré clair en rejetant toute entrave au principe d'égalité. En effet, le "nombre important de personnes en un même lieu et pour une durée prolongée" entraîne "un risque important de propagation du virus" et justifie donc le pass, d'autant qu'il est toujours possible de réaliser un test pour y entrer.

Dans les faits, c'est forcément un coup dur pour les magasins concernés qui craignent légitimement une baisse de leur fréquentation, comme c'est déjà le cas pour les parcs d'attractions ou les cinémas. Pour le moment, Bercy ne dégaine pas encore d'aides supplémentaires mais promet un point d'étape à la fin de mois.

Thomas Leroy Journaliste BFM Business