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Payer ses courses alimentaires avec des titres restaurant: stop ou encore?

Depuis un an et demi, le paiement avec des titres-restaurant de produits alimentaires non directement consommables est autorisé. Cette dérogation sera-t-elle maintenue en 2025? Pour trancher, Olivia Grégoire va devoir peser le pour et le contre.

Olivia Grégoire, la ministre en charge des Entreprises, du tourisme et de la consommation a prévu de présenter d’ici la fin avril sa réforme des titres restaurant, qui doit entrer en vigueur en 2025. Parmi les questions qu’elle doit trancher figure, en haut de la pile, le maintien ou non de l’autorisation accordée aux salariés de régler une bonne partie de leurs courses alimentaires avec ce moyen de paiement.

Gageons qu’avant de prendre sa décision, Olivia Grégoire aura regardé avec attention les résultats du sondage commandé à Viavoice par la Commission nationale des titres-restaurant (CNTR) qui réunit les employeurs, les salariés, les restaurateurs et les émetteurs de ces moyens de paiement. 96% des salariés ayant répondu à cette enquête d’opinion souhaitent qu’on puisse continuer à payer ses courses avec des titres restaurant.

Six salariés sur dix apportent leur gamelle au travail

En soit, ce pourcentage n’est pas étonnant. Qui peut bien souhaiter perdre le droit de faire quelque chose? En revanche un autre résultat de ce sondage ne devrait pas laisser la ministre indifférente: six salariés sur dix affirment aujourd’hui apporter une gamelle au travail.

Donc pour ceux qui bénéficient de titres restaurant, ne plus pouvoir les utiliser pour préparer leur gamelle serait une très mauvaise nouvelle. Et ils sont nombreux: 5,4 millions de salariés et agents de la fonction publique, selon les dernières données de la CNTR. Valeur moyenne du titre restaurant qu’ils perçoivent: 8,70 euros par jour de travail dont une partie (pas plus de la moitié) est retirée de leur salaire.

L’enjeu financier pour les entreprises où ce moyen de paiement est accepté est donc important. D’autant plus que cette manne grossit de plus en plus. Elle est passée de sept milliards d’euros en 2020 à neuf milliards d’euros l’an passé.

Près de 30% des titres restaurant sont dépensés dans les grandes surfaces alimentaires

Sur ce montant, combien servent à faire des courses alimentaires? La réponse nous est donnée par la CNTR: 29,5% en décembre 2023. Mais, surtout, ce pourcentage a nettement augmenté depuis le 16 août 2022, date à laquelle l’utilisation des titres restaurant pour payer des achats de produits alimentaires non directement consommables a été provisoirement autorisée.

Avant l’instauration de ce régime dérogatoire, les seuls achats autorisés dans les grandes surfaces alimentaires (produits consommables sans qu'il soit nécessaire de les cuisiner) représentaient 22,4% des dépenses payées avec des titres-restaurant.

Cette montée en puissance a principalement affecté les restaurateurs qui, évidemment, militent pour que ces titres de paiement ne soient plus utilisables dans les grandes surfaces alimentaires, autrement que pour acheter des produits prêts à être consommés.

Un mode de paiement qui pèse bien plus dans le chiffre d'affaires des restaurants que des supermarchés

Aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, cette question n’est pas vraiment cruciale pour la grande distribution. L’ensemble des courses payées avec des titres-restaurant représente 2,7 milliards d’euros sur 134 milliards d’euros dépensées au total dans les grands surfaces alimentaires. Cela représente autour de 2% de leur chiffre d’affaires, sachant qu’un retour à la situation antérieure ne leur en ferait perdre qu’une partie.

Il n’en va pas de même pour les restaurateurs, pour qui ce moyen de paiement pèse pour près 10% dans leur chiffre d’affaires. Satisfaire à la demande des Français tout en prenant en compte l’impact économique pour un secteur -la restauration- touché par une baisse de fréquentation, tel et le pour et le contre qu’Olivia Grégoire va devoir peser avant de trancher.

Pierre Kupferman
https://twitter.com/PierreKupferman Pierre Kupferman Rédacteur en chef BFM Éco