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Liligo, Skyscanner, Kayak: peut-on se fier aux prix affichés sur les comparateurs de vols ?

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Ryanair, mais aussi les autorités européennes de la consommation, accusent régulièrement les comparateurs de vols et agences de voyages en ligne de manquer de fiabilité sur les prix qu’ils affichent. Ces reproches sont-ils justifiés?

Depuis des années, Ryanair fait la guerre aux comparateurs de vols et aux agences de voyage en ligne. La low cost irlandaise a lancé plusieurs procès en Europe contre Skyscanner, Google Flight, eDreams, etc. Elle les accuse notamment d’afficher pour ses vols des tarifs erronés.

Fin janvier, la justice allemande lui a donné raison en condamnant Skyscanner. Faut-il en déduire que les tarifs des vols qu’affichent ces sites ne sont pas fiables ?

Pour commencer, nous avons fait le test de chercher un même vol, avec les mêmes critères, sur différents comparateurs. Sur Liligo, Skyscanner, GoogleFlight, Kayak et le petit nouveau Ulysse, nous avons recherché des billets Paris-New-York, puis Paris-Barcelone, pour le mercredi 26 février, en aller simple et vol direct uniquement.

Puisque toutes ces plateformes se targuent d’afficher les meilleurs tarifs, nous nous attendions à trouver à peu près les mêmes résultats sur chacune. Or pour Paris New-York, les premiers résultats variaient parfois du simple au triple. Par exemple, le billet le moins cher de Google Flight était à 1605 euros sur La Compagnie, contre un vol sur Brussels Airlines à 456 euros sur Ulysse.

Même topo pour les Paris-Barcelone, mais avec des variations de prix bien moindres, de quelques euros de différences sur des vols dont les tarifs évoluent entre 32 et 42 euros selon les comparateurs.

Un marché très obscur

Alors d’où viennent ces différences ? "C’est un marché très obscur. Même en travaillant dans le secteur du tourisme et de l’aérien depuis des années, on n’arrive pas à obtenir des réponses sur comment certains parviennent à trouver les prix qu’ils affichent", raconte Axel Guidicelli, le fondateur du dernier né des comparateurs de vols, Ulysse.

Mais il a quelques hypothèses. Par exemple, le fait que ces comparateurs ne vont pas tous chercher les tarifs au même endroit. Ulysse, qui prône la transparence des prix plutôt que le tarif le plus bas, dit s’informer directement auprès des compagnies aériennes. "Les acteurs les plus fiables", selon Axel Guidicelli.

D’autres comparateurs, eux, obtiennent leurs tarifs auprès d’une agence de voyages en ligne comme Opodo, GoVoyages, Expedia, la Bourse des vols, etc. Ces sites vendent directement les billets dont ils font la promotion, à la différence des comparateurs de vols qui redirigent les acheteurs vers les compagnies ou les agences. Or déjà d'une agence à l'autre, le prix d'un même billet, sur un même vol, peut varier de quelques euros. Ces sommes correspondent "à la commission de l'agence sur la vente du billet, aux assurances qu'elles incluent ou non, et surtout à des accords particuliers entre la compagnie aérienne et l’agence de voyage pour avoir des prix plus intéressants", détaille Axel Guidicelli.

Comme un pot de moutarde chez Carrefour ou Leclerc 

"C’est le même principe que Carrefour ou Leclerc qui vont vendre le même pot de moutarde à un prix différent, en fonction des négociations que chacun aura menées avec le fournisseur", renchérit John-Lee Saez, directeur général de Kayak pour l’Europe. Un site classé deuxième meilleur comparateur de vols par 60 Millions de consommateurs en 2016.

Autre cause de ces variations de tarifs entre comparateurs: le fait que les compagnies aériennes pratiquent la tarification dynamique, et donc changent leurs prix d’une minute sur l’autre. Pour obtenir les tarifs les plus actuels, les comparateurs doivent s’abonner à un système informatique qui compile toutes ces données en temps réel, et qui coûte très cher. Seuls les plus gros auraient les moyens d’assumer ces coûts.

Dernière surprise lors de nos tests: sur Skyscanner et Liligo, en cliquant sur le billet le moins cher, nous étions redirigées vers le site de la compagnie aérienne concernée, Vueling, où le prix du billet avait renchéri de presque 20%.

Le comparateur n'a aucun intérêt à mentir

"C’est parce que certaines compagnies aériennes paient ces comparateurs pour apparaître plus haut dans leur classement", affirme un directeur d’agence de voyages en ligne. Une accusation que réfute formellement le directeur de Kayak.

"Si le consommateur voit que le billet est plus cher en arrivant sur le site de Vueling que sur Skyscanner, il va considérer les deux comme des arnaqueurs. Et il ira acheter son billet ailleurs. Personne n’a d’intérêt à faire ça", illustre John-Lee Saez. D'autant que "les comparateurs se rémunèrent principalement quand l'internaute convertit son clic en achat du billet". En outre, "nos partenaires passent quotidiennement sur nos sites. Si une compagnie était indûment avantagée, les autres ne laisseraient pas faire", argue encore le directeur de Kayak.

Quand le prix du billet change entre la page du comparateur et celle de la compagnie ou de l’agence de voyages, pour le directeur de Kayak, c'est plutôt de ces dernières que vient le problème. "Elles ne sont pas transparentes, et obligent les comparateurs à se battre pour trouver les bonnes informations". 

Nos interlocuteurs expliquent en effet que des compagnies, notamment low cost comme Easyjet et Ryanair, n'ont pas vraiment envie de travailler avec les comparateurs de vol, et même les agences en ligne. Contacté pour ce sujet, Ryanair a tenu à "inviter tous les clients à réserver directement sur le site Ryanair.com pour les tarifs les plus bas et le meilleur service client".

Marjane Fleury Larose et Nina Godart