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Les sacs à dos Basic Fit sont partout et ça en dit long sur la stratégie gagnante de la chaîne de fitness

Arrivée en France en 2014, la chaîne de fitness néerlandaise qui vient d'inaugurer sa 800ème salle a inondé le marché des salles des sports grâce à un marketing malin et de très gros moyens pour investir.

On le voit partout. Dans la rue en sortant du travail, le samedi en faisant ses courses dans le métro en sortant de sa rame, au McDo à toute heure, en vacances dans des pays sans Basic Fit, sur le dos d'hommes en costume, sur celui de touristes en goguette... Sur Instagram, des comptes lui sont dédiés et sur X il fait l'objet de moqueries récurrentes.

En deux ans à peine, le sac à dos de la chaîne de salles de sport Basic Fit est devenu un petit phénomène de mode. A tel point qu'il est régulièrement en rupture de stock sur le site du groupe (il y a est vendu pour 45 euros) ou même en salle où il est offert aux nouveaux clients. Pas difficile cependant d'en dénicher un parmi les centaines d'annonces de vente sur Vinted ou Leboncoin.

Des centaines de sacs Basic Fit revendus sur Leboncoin.
Des centaines de sacs Basic Fit revendus sur Leboncoin. © Vinted

Un engouement qui peut surprendre tant le sac est d'une grande banalité. Pas particulièrement beau dans sa robe grise soulignée de lignes orange aux couleurs de la marque, il est bardé de grandes poches que les utilisateurs trouvent cela dit assez pratiques.

"Je le prends pour aller à la salle parce qu'on me l'a donné et que j'ai la flemme d'en prendre un autre", explique Clément, un client parisien qui fréquente Basic Fit depuis septembre dernier. "J'y ai toujours mes Nike et une serviette dedans, je n'ai qu'à le prendre au moment de partir."

Le sac ne serait donc qu'une commodité? Certains clients en doutent et prêtent des intentions à ceux qui arborent les couleurs de la salle de sport.

"Je le montre aux autres"

"Pour moi c'est évident qu'ils veulent faire passer un message", estime Martin, étudiant à Marseille qui s'est laissé tenter par les prix attractifs de Basic Fit.

"C'est de la bonne conscience psychologique", résume-t-il. "Je porte le sac Basic Fit = je prends soin de moi + je le montre aux autres."

Et au passage, je participe à la promotion de la marque. Pour Basic Fit qui n'avait pas du tout anticipé l'engouement, c'est du pain bénit.

"Le sac est apparu en 2018 mais de manière ponctuelle, on en offrait pour l'ouverture d'une salle, explique Fabien Rouget, le responsable du développement de Basic Fit en France. Mais vu le succès, la direction a décidé en juillet 2021 de l'offrir pour chaque nouvelle adhésion d'un an. Il a changé de couleur depuis mais il reste très identifiable."

La marque estime qu'au moins 1,5 million de sacs seraient en circulation en France, ce qui correspond au nombre d'adhérents dans le pays.

C'est d'ailleurs chez nous que la chaîne a le plus de succès en Europe. Arrivée dans l'Hexagone en 2014 seulement, Basic Fit a inauguré il y a quelques semaines son 800ème club, à Paris sur les Champs-Elysées. Un rythme affolant de sept ouvertures de salles par mois en moyenne depuis 10 ans. Les adhérents français représentent à eux seuls 40% des clients du groupe.

Avec Action, Rituals et Zeeman, Basic Fit est un des quatre néerlandais mercenaires du commerce qui ont conquis la France. Des concepts à chaque fois simples, des tarifs discount et un bon marketing facilement assimilable par les clients.

"Basic Fit, c'est l'usine"

Pour Basic Fit, c'est la salle de sport pas chère accessible partout. Une sorte de Netflix de la remise en forme qui propose plusieurs formules: de 19,99 euros par mois pour accéder à un seul club jusqu'à 29,99 euros pour entrer dans tous les Basic Fit d'Europe. Cette dernière offre premium permet même d'aller faire sa musculation avec un copain qui n'est pas adhérent.

"L'idée de Basic Fit c'est de rendre le fitness accessible au plus grand nombre en étant d'abord pas cher et surtout en étant présent partout: près du domicile, du travail ou en vacances", indique Fabien Rouget. "D'ailleurs 50% de nos membres sont des primo-accédants qui n'avaient jamais pratiqué ce type d'activité."

Une idée simple sur le papier mais plus difficile à mettre en œuvre. Il faut d'abord une masse salariale réduite pour tirer les prix d'abonnement vers le bas. Oubliez les coachs personnels quand vous allez chez Basic Fit, certaines salles sont tenues par deux voire une seule personne.

"C'est un peu l'usine", reconnaît l'adhérent marseillais. "Mais c'est tellement pas cher..."

"Ce qui est bien c'est de découvrir les machines, apprendre dans une salle plus haut de gamme", poursuit-il. "Et une fois qu'on connaît le matériel et les exercices on peut aller chez Basic Fit pour faire des économies."

Mais surtout Basic Fit, c'est une puissance de feu financière avec laquelle les concurrents ne peuvent rivaliser. Le groupe a ouvert 135 salles sur la seule année 2023 et est à lui seul responsable de la croissance de 10% de l'ensemble du secteur des salles de sport estimée par l’Union Sport et Cycle (USC). En à peine quelques années, le néerlandais a pris de vitesse et relégué loin derrière les grands réseaux comme Keepcool, Fitness Park et autre L’Orange Bleue qui se partageaient le marché français.

Des centaines de millions d'euros investis

Pour y parvenir, les deux fondateurs René Moos et Éric Wilborts, d'anciens tennismen professionnels néerlandais, ont rapidement compris qu'ils auraient besoin de gros moyens.

"En 2004, Eric et moi avons fusionné les centres de tennis et de fitness que nous avions construits, expliquait René Moos dans la presse néerlandaise lors de l'introduction en Bourse de son groupe. Nous avons fait cela pour concurrencer, entre autres, l'américain FitnessFirst qui implantait ses centres."

Leur groupe baptisé alors HealthCity n'est à la tête que de 11 salles de sport aux Pays-Bas lorsqu'en 2005 un fonds de capital-investissement Waterland va les faire changer de dimension. Des millions d'euros sont injectés pour ouvrir de nouvelles salles. Mais HealthCity fait dans la salle haut de gamme avec sauna et hammam à 60 euros par mois.

Quand les fondateurs repèrent alors une petite marque d'une trentaine de clubs low-cost qui vivote. Son nom: Basic Fit.

"Grâce au trésor de guerre de Waterland, nous avions également acquis une chaîne appelée Basic Fit. Cela n'avait pas grand-chose à voir avec le concept actuel, mais nous avons lancé notre propre ligne à petit budget: HealthCity Basic", raconte René Moos.

Ce qui ne marche pas du tout dans un premier temps. Les clients ne comprennent pas pourquoi certaines salles HealthCity sont à 60 euros quand d'autres coûtent 15 euros. Moos reprend alors le nom originel Basic Fit pour ses salles petit budget. Le succès est enfin au rendez-vous. En trois ans, ce sont quelque 170 salles Basic Fit qui sont lancées aux Pays-Bas, en Belgique et une poignée en Espagne.

Des Français moins sportifs

En 2013, nouveau coup de fouet avec l'arrivée au capital du fonds britannique 3i qui injecte 110 millions d'euros. De quoi financer le développement à marche forcée en France qui débute quelques mois plus tard.

Mais c'est l'introduction en Bourse en 2016 qui marque le vrai tournant. Lors de son IPO, le groupe lève des centaines de millions d'euros pour une valorisation d'un milliard d'euros (Basic Fit est valorisé 1,8 milliard aujourd'hui). Un développement très à l'anglo-saxonne dans un univers très peu doté sur le plan capitalistique.

"Cela est directement lié à notre modèle économique. Si vous souhaitez faire du sport avec nous, vous pouvez le faire pour 15,99 euros par mois, c'est très peu, explique René Moos. C’est l’évolution des marchés: le segment intermédiaire disparaît. [Basic Fit] ce n'est pas une salle de sport avec sauna, piscine et serviettes toujours fraîches. Souvent, les gens veulent juste faire de l'exercice et s'évader un peu."

Simple, efficace et pas cher, c'est ce qui a séduit les Français qui n'étaient pas les plus grands adeptes de salle de sport jusqu'alors. "Seulement 10% des Français fréquentent une salle de sport contre 12% en Allemagne, 17% aux Pays-Bas et même 20% au Royaume-Uni et 22% aux Etats-Unis", indique Fabien Rouget.

"Il y a un retard français qu'on essaie de combler, on veut maintenant s'implanter dans toutes les villes de moins de 30.000 habitants", annonce-t-il.

Il va falloir s'habituer à voir des sacs à dos gris et orange vraiment partout.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco