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"Le champagne des bières": les douanes détruisent 2300 canettes de bière américaine à cause de leur slogan

Le Washington Post révèle que les autorités belges et le comité Champagne ont ordonné la destruction de 2352 canettes de Miller High Life. En cause, le slogan de cette bière américaine qui la présente comme "le champagne des bières".

L'Union européenne veille sur son patrimoine gastronomique. Et elle en a fait la démonstration en début de semaine dernière après l'interception de 2352 canettes de bière américaine à l'entrée du port d'Anvers, au nord de la Belgique. Destinées à être exportées vers l'Allemagne, toutes ont été vidées puis écrasées sur ordre des autorités douanières belges et… du Comité Champagne, comme l'a révélé le Washington Post. L'origine de cette décision étonnante n'est autre que le slogan de la marque de bière, Miller High Life, qui la présente comme "le champagne des bières".

Or, les règles de l'Union européenne sont strictes au sujet de l'appellation d'origine protégée de plusieurs vins ou denrées alimentaires "produits, transformés et préparés dans une aire géographie déterminé à l'aide d'un savoir-faire reconnu". Si des marques imitent un peu trop un produit protégé dans un Etat membre de l'UE, elles sont considérées comme des contrefaçons.

Dans ce cas précis, le problème résidait dans le fait que le nom "champagne" figure sur les canettes de bière Miller High Life, provenant de l'Etat du Milwaukee. Outre le champagne, plusieurs autres produits européens entrent dans cette catégorie d'AOP comme l'huile d'olive Kalamata de Grèce, la mozzarella Buffala de la région italienne de Campanie ou encore le paprika de la région espagnole de Murcie.

Une bière passée de haut de gamme à bas de gamme en l'espace d'un siècle

Un porte-parole de Molson Coors, la société de boissons qui possède la marque Miller High Life, a réagi en déclarant qu'elle n'exportait pas ces bières vers l'Union européenne. Dans un communiqué, la marque a également assuré qu'elle respectait les restrictions locales concernant le mot "champagne". De son côté, le destinataire des canettes n'a pas contesté la décision, d'après un communiqué conjoint du Comité Champagne et des autorités douanières belges.

Créée au tout début du XXème siècle, la Miller High Life a été rapidement présentée comme "le champagne de la bière en bouteille" et donc comme une marque haut de gamme. Vendue dans des bouteilles transparentes au col allongé, elle affichait un prix plus élevé que la plupart de ses concurrentes, comme l'indique le site web de Molson Coors. Aujourd'hui, les temps ont bien changé puisqu'elle est considérée comme une bière bas de gamme, d'après des experts américains interrogés par le New York Times.

Un précédent avec des bouteilles de prosecco étiquettées Moët & Chandon

L'administrateur des douanes belges, Kristian Vanderwaeren, a expliqué que l'agence effectuait des milliers de contrôles sur les appellations d'origine protégée chaque année et que le Comité Champagne avait contribué à former les équipes des douanes à distinguer les produits authentiques des contrefaçons. La responsable du service juridique du Comité Champagne, Marie-Anne Humbert Genand, a déclaré que le comité avait enregistré des cas de produits contrefaits en Belgique, en France et en Inde, lesquels avaient aussi abouti à des destructions de marchandises.

"Lorsqu'une contrefaçon est détectée, comme c'est le cas ici, nous sommes également d'accord sur la décision de détruire ces marchandises", a rappelé Kristian Vanderwaeren dans un communiqué.

Cette affaire n'est pas le premier épisode en la matière. En 2016, la police financière italienne avait saisi des milliers de bouteilles de prosecco portant une fausse étiquette de champagne Moët & Chandon. Charles Goemaere, le directeur général du Comité Champagne, qui protège les producteurs de cette boisson et son industrie, a estimé que la destruction des bières Miller High Life "confirmait l'importance que l'Union européenne attache aux appellations d'origine" et qu'elle récompensait la "détermination" des producteurs de champagne à protéger leur appellation.

Ces appellations d'origines protégées sont régulièrement sources de querelles. En 2021, les viticulteurs de prosecco et les autorités locales italiennes s'étaient indignés après que l'UE ait accepté d'examiner une demande de la Croatie pour reconnaître une méthode d'élaboration d'un vin nommé "Prosek". Le terme "glen" pour désigner le whisky produit en Allemagne a aussi été sujet à interrogations puisqu'il pouvait suggérer qu'il s'agissait d'un produit écossais. Les fromages ne sont pas en reste, entre le gruyère et le parmesan et la question de la limitation de son lieu "légitime" de production pour le premier ou du caractère générique du nom du second.

Timothée Talbi