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Électricité: la "tarification dynamique", une fausse bonne idée?

Une directive européenne impose aux fournisseurs d'énergie de proposer en 2023 une offre ajustée sur les prix en temps réels du marché de l'électricité. De nouveaux acteurs proposent déjà cette tarification. Explications.

Le postulat est simple: payer en temps réel sa consommation d'énergie. A l'instar de l'impôt à la source, la "tarification dynamique" permet de régler, chaque mois, non pas un forfait unique mais sa consommation en se basant sur les prix du marché de l'électricité. Une idée pratique, qui permet par exemple d'alléger sa facture pendant les vacances et d'éviter la fameuse régularisation.

Cette possibilité, encore confidentielle en France, sera d'ailleurs proposée par tous les fournisseurs en juillet 2023, selon une directive européenne de 2019. "Tous les consommateurs devraient pouvoir participer directement au marché, notamment en adaptant leur consommation en fonction des signaux du marché et, en contrepartie, bénéficier de tarifs plus avantageux pour la fourniture d'électricité" indique la fameuse directive.

L'idée de Bruxelles est avant tout de stimuler la compétition entre les fournisseurs, près de 15 ans après l'ouverture à la concurrence en France, en proposant des tarifs plus bas. Cette petite révolution est permise par l'installation quasi généralisée des compteurs connectés Linky, mais répond aussi à l'essor des énergies renouvelables (éolien, hydrolien…). Ces dernières ne sont pas pilotables comme le nucléaire (on ne peut pas adapter la production à la demande) et demanderont donc plus de flexibilité.

Responsabiliser le consommateur

Cette flexibilité peut s'opérer via des interconnexions ou des stockages mais aussi par l'usage des consommateurs, appelés à mieux gérer les périodes de tension sur le réseau dans le futur.

C'est donc tout l'intérêt de la "tarification dynamique". Alors que la plupart des offres du marché proposent des tarifs prévisibles sur l'année, ces formules suivent donc les fluctuations quotidiennes des données boursières et notamment le cours EPEX Spot.

Concrètement, les prix de gros évoluent principalement en raison du comportement des usagers. La nuit, les jours fériés, pendant les vacances… les Français consomment moins. De la même façon, les prix baissent si la météo est venteuse (et donc favorable à l'éolien), mais augmentent pendant les vagues de froid avec la sur-tension.

D'abord réservée aux professionnels, la tarification dynamique s'ouvre aux particuliers. Le fournisseur d'électricité Barry, venu du Danemark, propose cette offre depuis le début de l'année en France avec la promesse de belles économies sur l'année.

"Sur certaines périodes précises, comme en hiver où la demande est forte, il faut ouvrir des centrales thermiques chères et polluantes: le prix de marché est donc ponctuellement plus cher que le tarif réglementé. Le reste du temps, c’est en général l’inverse: le tarif dynamique est moins cher que le prix fixe" explique l'entreprise sur son site.

Globalement, l'intérêt serait donc de changer ses habitudes de consommation pour éviter les pics de tension. Pas simple en pratique, d'autant qu'il faut aussi ajouter un abonnement (11 euros par mois chez Barry).

Dérive et garde-fous

UFC-Que Choisir n'y va d'ailleurs pas par quatre chemins. "Cela nécessite de couper son chauffage électrique en hiver et de consommer la nuit ou l’après-midi plutôt que le matin ou le soir" ironise l'association. La pilule pourrait aussi être difficile à avaler pour les clients qui ont tenté l'aventure E.Leclerc Energies et dont les offres classiques passeront automatiquement vers une tarification dynamique le 15 octobre prochain.

Meilleur exemple d'une dérive possible: la vague de froid au Texas a entrainé des factures démesurées pour certains clients compte tenu de la demande inhabituelle en électricité. Une situation certes très exceptionnelle pour cet Etat américain mais qui inquiète. Si bien que la Commission de régulation de l'énergie a fixé des règles plus contraignantes notamment un plafonnement des prix: la facture mensuelle ne pourra pas dépasser deux fois le tarif réglementé.

D'autant que les tarifs de gros ont tendance à flamber depuis plusieurs mois. Pour Barry, l'impact à moyen terme ne lui sera pas défavorable puisque les fournisseurs traditionnels seront bien obligés d'augmenter leurs tarifs, comme l'indiquait récemment BFM Business. Les offres de tarif dynamique seront donc à prendre avec des pincettes.

Thomas Leroy Journaliste BFM Business