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De 300 à 700 euros la tonne de pellets: comment les producteurs justifient la forte hausse de leurs prix

La chaudière à granules

La chaudière à granules - Shutterstock - StanislauV

Les foyers équipés de poêles à granules pour se chauffer mieux et moins cher s'inquiètent des fortes hausse des prix et d'une pénurie naissante. Cette filière locale est accusée de profiter de la crise et les clients de céder à la panique en surstockant.

La peur de manquer et de payer plus cher incite au surstockage, puis à la pénurie. Cette règle qui a déjà eu des effets sur la moutarde ou le papier toilette vaut-elle désormais aussi pour les pellets, ces granules de bois destinés à alimenter les chauffages?

Depuis plusieurs mois, les prix de ce combustible, à 85% produit en France, ne cessent de grimper et les hausses n'en finissent plus. En un an, le prix d'une palette d'une tonne conditionnée en sac de 15 kg est passé d'environ 300 euros à plus de 600 ou 700 euros. Mais il faut encore en trouver. La plupart des fournisseurs sont en rupture de stock et retardent les livraisons.

Cette situation est le fruit des tensions causées par la guerre en Ukraine, la crise énergétique et l'inflation. Pour se prémunir de fortes hausses, les utilisateurs ont souvent commandé plus et plus tôt que d'habitude.

Homogénéiser les prix à la hausse

Selon Propellet (association nationale des professionnels du chauffage au granulé de bois), les producteurs, habitués à vendre leurs granules progressivement, sont confrontés à une forte demande ponctuelle qu'ils ne peuvent satisfaire aussi rapidement avec la production locale. Ces professionnels, qui produisent 85% des pellets importent donc à prix fort et réduisent les exportations pour répondre à la demande.

"Depuis des mois, nous produisons plus. Cette année, la production augmentera de 300 tonnes. Pour éviter la pénurie, la filière a baissé l'exportation de 16% et importe plus, mais à des prix qui ne cessent de grimper. Les distributeurs sont ensuite contraints d'homogénéiser les prix à la hausse et avec en plus la loi de l'offre et la demande, on en arrive à des factures deux fois plus élevées qu'elles ne l'étaient il y a un an", reconnait Éric Vial, délégué général de Propellet.

Éric Vial constate avec regret que tous les ingrédients sont réunis pour arriver à cette situation. Plus la demande augmente, plus le produit est rare, plus les tarifs grimpent et plus les utilisateurs cherchent à faire des stocks pour ne pas payer plus cher et ne pas se trouver à cours de combustible en plein hiver. L'histoire du serpent qui se mord la queue.

Profiteurs de crise?

Mais déjà, cette filière est accusée de profiter de la crise pour augmenter ses marges. Dans un post sur LinkedIn, Éric Vial réfute cette accusation.

"On entend que des producteurs de granules et des distributeurs bloqueraient intentionnellement des volumes de granulé pour faire monter les prix. Stop!", réagit le délégué général en pointant l'affolement irrationnel des consommateurs. "La filière de distribution se fait malmener depuis des mois par des clients stressés, soi-disant en manque de granulé … alors que la température extérieure est de 30 à 40°C ?!?!

Le professionnel rejette tout risque de pénurie en rappelant qu'en plus de l'importation, il y a aussi une hausse de la production nationale de 300.000 tonnes. En 2021, la consommation de pellets a atteint 2,4 millions de tonnes. D'ici à 2024, la filière espère augmenter ses capacités d'un million de tonnes.

"Le granulé n’est pas la moutarde : d’une part, il y en a et d’autre part, on n’a pas besoin de granulés toute l’année. (...) Au lieu de traiter les professionnels français de voleurs, il vaudrait mieux être fier d’une filière de production et de distribution qui fait son maximum pour que chaque consommateur français ait bien du granulé cette hiver. Ce qui est déjà compromis par les achats abusifs de certains", alerte Éric Vial.

Un appel à la sobriété

Pour ralentir les hausses et éviter une pénurie déjà perceptible, Éric Vial demande aux consommateurs à ne pas céder à la panique en faisant du surstockage et à adopter une comportement plus sobre en matière de chauffage.

En passant aux granules, ils montent généralement leur température de 2 à 4 degrés. Une baisse de 2 degrés et un pull en plus, c'est 14% de consommation en moins. A l'année, c'est plusieurs centaines d'euros d'économisés", propose Éric Vial.

D'autres représentants de la filière ouvrent des pistes plus radicales. Dans un communiqué cité par le site BatiActu, la FF3C (fédération des combustibles carburants et chauffage) propose que les clients dont le granule est l'unique source de chauffage soient prioritaires. Elle conseille aussi de repousser les projets d'installation de poêle ou chaudière pour ne pas faire grimper la demande plus encore. Entre 2020 et 2021, les ventes de poêles à granulé ont augmenté de 41% et les ventes de chaudières à granulé de 120%, avec respectivement 180 000 et 32 000 pièces.

Les tarifs risquent de continuer à grimper encore tout au long de cette crise. Reviendront-ils au niveau de 2020? Éric Vial en doute. "Les prix ne redescendent jamais au prix d'avant".

"On peut comprendre le désarroi du ménage qui est passé au granulé pour baisser son budget énergie et qui se retrouve avec la même facture qu’avant. Pourtant il a pris la bonne décision, sans quoi sa facture aurait été bien plus salée".
Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco