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"C'est notre intérêt de renégocier les prix", assure le représentant des industriels face au patron de Système U

Dans un débat exceptionnel ce mercredi sur BFM Business, Dominique Schelcher et Jean-Philippe André ont exprimé leurs désaccords mais les deux souhaitent dans l'intérêt de tous que les prix baissent en rayons.

A quand la baisse des prix dans nos rayons? Alors que la hausse a dépassé les 17% en avril sur un an selon Circana, le souhait du gouvernement est désormais que l'inflation reflue à la rentrée prochaine.

Mais pour cela, il faut que des négociations entre distributeurs et industriels dont les dernières se sont achevées en mars dernier reprennent rapidement. C'est d'ailleurs l'ultimatum lancé par Bruno Le Maire aux industriels sur BFMTV en avril.

Pourquoi ça coince toujours? C'est pour tenter d'y voir plus clair que les deux parties ont débattu ce mercredi sur BFM Business. Avec d'un côté, Dominique Schelcher de Système U, qui représentait les distributeurs, et de l'autre Jean-Philippe André patron de Haribo France mais qui portait ce matn sa casquette de président de l'Ania, l'association des industriels de l'agroalimentaire.

Pour le distributeur évidemment, il faut dès maintenant renégocier les prix à la baisse.

"J'appelle à la réouverture des négociations car un certain nombre de matières premières sont à la baisse depuis plusieurs mois, rappelle Dominique Schelcher. On peut donner quelques chiffres: entre le 21 avril 2022 et 21 avril 2023, le tournesol baisse de 48%, le blé dur de 11%, l'orge fouragère qui sert à la nourriture animale de 36% et le colza de 53%. Donc l'idée c'est de rouvrir les discussions au plus vite."

Après une flambée des prix des matières premières et de l'énergie qui a culminé au deuxième trimestre 2022, les tarifs de gros sont en effet pour la grande majorité d'entre eux orientés à la baisse, et ce, depuis plusieurs mois. Et pourtant, hormis pour le carburant, les consommateurs continuent à payer au prix fort leurs produits dans le commerce de détail.

"Les MDD ont le plus augmenté"

"L'année dernière à la même époque quand la guerre venait de se déclencher, le gouvernement nous avait appelés à signer une charte sans attendre les négociations, assure le patron de Système U.

"Et là, dès le 1er mars, alors que ça baisse, pas un seul retour d'entreprise de grande marque pour nous dire "Attention ça baisse un peu il faut se revoir", pas un seul!", martèle Dominique Schelcher.

Les industriels seraient donc les seuls responsables de l'inflation actuelle sur les produits de consommation? Pour Jean-Philippe André, qui appelle à sortir de la logique de "mistigri qu'on se lance les uns les autres", le procès fait aux industriels est injuste.

"L'an dernier on était parmi ceux qui ont dit "Il faut négocier face à une hausse incroyable, il faut renégocier". Et on a dit que le jour où ça va dans l'autre sens, on appelle à la réversabilité, rappelle-t-il. Sur le côté poison de l'inflation on y a intérêt. Si c'était aussi simple..."

"Sur l'inflation alimentaire, les MDD ont augmenté de l'ordre de 20%, les marques antionales 15-16. Si c'était aussi simple, on verrait du jour au lendemain baisser les prix des MDD [marques de distributeurs, ndlr]", attaque Jean-Philippe André.

Davantage soumises aux hausses des coûts des matières premières qui représentent une part plus importante du prix final, les marques de distributeurs et surtout les premiers prix sont celles qui ont le plus augmenté ces 18 derniers mois.

"Mais elles ont commencé à baisser", assure pour sa part le patron de Système U.

La hausse des prix s'est effectivement tassée sur ces marques de distributeurs mais sur un an, les MDD classiques et les premiers prix sont en hausse de respectivement 20,2 et 21,8% selon Circana contre 16,6% en moyenne pour les marques nationale. Pour Jean-Philippe André de l'Ania, la baisse des prix de détail est automatiquement en décalage avec les cours des matières premières.

"Les plus mauvais acheteurs de la Terre?"

"Ce n'est pas aussi simple, rappelle-t-il. A chaque fois que les cours mondiaux seront en baisse, on en prendra acte. Entre le moment où vous avez des variations du cours, il y a des taux de couvertures: si j'ai acheté mon blé, il y a six mois à un indice 100 et même si cet indice aujourd'hui est à 95, vous savez très bien que je dois attendre la fin de mon taux de couverture pour revenir vous voir."

Son contradicteur s'étonne toutefois de cet argument qui irait selon lui toujours dans le même sens.

"Je comprends qu'il y ait des stocks qui aient été achetés à un certain cours mais très curieusement dans les "négos" qui viennent de se terminer, personne n'avait un stock passé acheté à un prix pas cher, tout le monde n'avait que des stocks achetés au plus haut [...], s'étonne Dominique Schelcher. Soit vous avez les plus mauvais acheteurs de la Terre qui n'ont qu'acheter aux cours les plus hauts mais ça je n'arrive pas à le croire."

Alors que Bruno Le Maire a réitéré ce mercredi sa convocation à Bercy des distributeurs et industriels, les prochaines semaines risquent d'être animés dans les box de négociations.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco