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Chômage: la France a-t-elle le système le plus généreux d'Europe comme l'affirme Bruno Le Maire?

Alors que le ministre de l'Economie juge que le système de protection sociale français rend impossible le retour au plein emploi, petit tour d'horizon des systèmes de nos voisins.

Le système français est-il trop protecteur pour atteindre le plein emploi ? Alors que le chômage est remonté fin 2023 à 7,5% de la population active, l'objectif des 5% d'ici 2027 semble s'éloigner.

Pour l'atteindre, Bruno Le Maire estime que le gouvernement ne pourra pas faire l'impasse d'une nouvelle réforme de l'assurance chômage.

"Nous avons un dispositif d'assurance chômage dans lequel, au bout d'un délai court de deux ans, on peut accéder à la durée d'indemnisation la plus longue: 18 mois, a rappelé le ministre de l'Economie ce lundi sur France Inter. On peut se dire que c'est bien, très protecteur. (...) On peut se dire aussi, ce que je crois, que dans le fond c'est ce qui entretient un taux de chômage à 7% comme niveau le plus bas en France, et moi je ne m'y résous pas."

Il est vrai que la France et ce depuis des décennies pâtit d'un taux de chômage supérieur à la plupart de ses voisins. En décembre dernier, la part de la population active de l'UE sans emploi s'établissait à 5,9% de la population active, soit plus de 1,5 point en dessous de la France. Pourtant avec une croissance de 0,9% en 2023, notre pays a fait mieux que la moyenne UE (0,5%). Mais alors que le chômage baissait de 0,2 point en Europe sur un an, en France il progressait de 0,3 point.

Si plusieurs explications peuvent être mises en avant comme le manque de compétitivité de l'économie française à l'international, le coût du travail plus élevé ou une plus grande frilosité des entreprises à recruter qu'ailleurs, la question de la protection sociale revient dans le débat.

Avec cette question: le système français incite-t-il suffisamment à reprendre un emploi?

Prenons l'exemple de l'Allemagne. Depuis 2018, la France a connu un taux de croissance supérieur à celui de son voisin cinq fois sur les six années. Mais notre taux de chômage est plus de deux fois supérieur à celui de l'Allemagne selon Eurostat.

• La France plus généreuse que l'Allemagne

Depuis le 1er février 2023, la durée d'indemnisation maximale en France est de 18 mois mais monte à 27 mois pour les personnes âgées de plus de 55 ans. En Allemagne, si elle atteint 24 mois pour les plus de 58 ans, pour la majeure partie des actifs (les moins de 50 ans), le plafond n'est que de 12 mois, comme le montre ce panorama européen de l'Unedic. Une durée d'indemnisation moins longue et surtout des conditions plus dures pour y accéder. Il faut en effet avoir travaillé 12 mois sur les 30 derniers mois en Allemagne pour avoir droit à six mois d'indemnisation quand en France six mois en emploi sur les 24 derniers mois suffisent pour bénéficier des allocations d'aide au retour à l'emploi (ARE).

De plus l'indemnité minimale en France est de 31,59 euros par jour (947 euros par mois) quand en Allemagne il n'y a pas de plancher.

• La France plus généreuse que le Royaume-Uni

L'écart est encore plus grand qu'avec l'Allemagne. La durée d'indemnisation maximale ne dépasse six mois chez nos voisins d'outre-Manche (18 à 27 mois en France). Il faut de plus avoir cotisé 12 mois au cours de deux dernières années au Royaume-Uni (six mois en France). Le taux de chômage y est de 3,9%.

• L'Italie conditionne la durée d'indemnisation à la durée de cotisation

Le système italien est difficilement comparable au Français. Si le pays a la durée nécessaire la plus courte pour ouvrir les droits au chômage (3 mois contre 6 en France), il a aussi la durée d'indemnisation minimale la plus courte (1,5 mois). Ce qui est logique car la durée d'indemnisation correspond à la moitié du nombre de semaines de cotisations versées au cours des quatre dernières années. Si vous avez travaillé un an, vous bénéficiez de six mois. Si vous avez travaillé deux ans, c'est 12 mois. Et si vous avez travaillé quatre ans, vous atteignez le plafond qui est fixé à 24 mois.

Le système français paraît toutefois plus protecteur puisque l'indemnisation baisse en Italie de 3% à partir du 6ème mois. De plus en France, la durée d’indemnisation est égale à la durée d’affiliation alors que cette dernière est divisée par deux en Italie.

Le taux de chômage italien est tombé à 7,2% en décembre.

• L'Espagne conditionne la durée d'indemnisation à la durée travaillée

L'Espagne a le taux de chômage le plus élevé de l'UE à 11,7% mais elle n'a pourtant pas un système si généreux. Il parait même bien moins protecteur que le français puisqu'il faut diviser par trois la durée travaillée pour obtenir la durée d'indemnisation.

Il faut ainsi au minimum avoir travaillé 12 mois au cours des six dernières années pour bénéficier de quatre mois d'indemnisation. Pour rappel en France, la durée d’indemnisation est égale à la durée d’affiliation, selon la règle "un mois d’indemnités pour un mois de travail", sans pouvoir être inférieure à 182 jours (6 mois).

• La Belgique indemnise sans limite mais...

Nos voisins belges sont les seuls en Europe à ne pas mettre de limite à la période d'indemnisation. En effet, après une période maximale de 48 mois durant laquelle le montant de l'allocation est dégressif, le demandeur d'emploi perçoit une allocation forfaitaire minimale pour une durée en principe illimitée, soit 1355 euros.

Mais attention, il n'est pas si aisé en Belgique de faire des allers-retours entre chômage et emploi pour recharger ses droits. Ainsi, pour les actifs de moins de 36 ans, il faut avoir travaillé au moins 312 jours (10 mois) sur les 21 derniers mois pour bénéficier de l'allocation. En France, pour rappel, seuls 180 jours sur les 24 derniers mois suffisent.

Pour les 36-49 ans, la durée d'activité requise est même de 468 jours soit un an et trois mois sur les 33 dernier mois et pour les plus de 50 ans c'est 624 jours minimum.

La Belgique a elle aussi un taux de chômage plus bas que la France puisqu'il s'élevait à 5,3% de la population active fin 2023.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco