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Ceta: l'accord au centre des discussions entre Attal et Trudeau

Gabriel Attal devrait "rassurer sur le fait que le gouvernement français croit à son application et à ses vertus", explique un ministre qui l'accompagne.

Le Premier ministre français Gabriel Attal rencontre jeudi à Ottawa son homologue Justin Trudeau qu'il tentera de rassurer sur le sort du Ceta, traité de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada, dont Paris menace d'enrayer le processus de ratification.

Après avoir célébré mercredi soir, les "valeurs partagées" par les deux pays comme la liberté et l'Etat de droit, Justin Trudeau et Gabriel Attal auront jeudi matin un entretien, qui sera suivi d'une conférence de presse. Le climat, mais aussi le sort en France du Ceta (Comprehensive Economic and Trade Agreement, ou Accord économique et commercial global, en français) seront au centre des discussions.

Le Premier ministre canadien y a déjà fait allusion mercredi soir vantant le "niveau record" des investissements franco-canadiens qui, grâce à ce traité, "créent des emplois des deux côtés de l'Atlantique". Dix Etats européens doivent encore ratifier cet accord commercial, entré en vigueur à titre provisoire à l'échelle européenne le 21 septembre 2017. Or, le Sénat français a voté le 21 mars contre, mettant en péril sa ratification sur fond de crise agricole.

"Déception" d'Ottawa

Gabriel Attal devrait "rassurer sur le fait que le gouvernement français croit à son application et à ses vertus", explique un ministre qui l'accompagne. "Il n'y a pas un gramme de boeuf canadien dans nos assiettes", fait-il valoir. Même si ce ministre reconnaît "qu'il y a un sujet dans la filière bovine" française, qui s'est réjouie du rejet du traité, à l'inverse des exportateurs de vin. "Mais ce n'est pas avec le Canada qu'on va le régler".

Le chef du patronat français (Medef) Patrick Martin, également du voyage, souhaite que "cet épisode ne laisse pas trop de séquelles" et reste un simple "accident". Paris rapporte une "déception" d'Ottawa à ce sujet, mais assure que ce débat "ne change pas du tout la relation bilatérale". "C'est vu au Canada comme un enjeu de politique intérieure français", abonde la politologue canadienne Stéphanie Chouinard.

Le débrief : Faut-il ratifier le CETA ? - 18/03
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14:07

Sa collègue Geneviève Dufour, experte en droit du commerce international à l'université d'Ottawa, met ce rejet par le Sénat français sur le compte "de la désinformation, du populisme et d'une grogne des agriculteurs". Elle rappelle que le Ceta a contribué à doper les échanges commerciaux entre les deux pays et que "les Français sont ceux qui en bénéficient le plus".

En outre, cet accord ne se résume pas à l'agriculture. Il comprend un volet sur les minerais canadiens dits "critiques" pour la transition énergétique comme l'uranium ou le lithium, prisés par Paris. Les échanges entre l'UE et le Canada ont pris une nouvelle tournure depuis la guerre en Ukraine. Grâce au Ceta, l'Europe a pu substituer des produits canadiens -comme ces matériaux- aux produits russes qu'elle n'importe plus.

"Signal" climatique

Sur le plan climatique, Gabriel Attal entend pousser une initiative du président français Emmanuel Macron, le "Pacte de Paris pour les peuples et la planète" (4P), lancé en juin 2023. Il vise à refonder le système financier mondial afin de lutter à la fois contre le réchauffement et la pauvreté. Le Canada ne l'a pas ratifié, mais Paris attend un engagement "ambitieux" de son partenaire qui enverrait aussi "un signal" en France, où le Premier ministre est accusé de reculer sur la question climatique au profit des agriculteurs.

L'après-midi, Gabriel Attal se rendra au Québec, province francophone du Canada avec laquelle la France entretient une relation "directe et privilégiée", selon les termes employés par le général De Gaulle. Il rencontrera le Premier ministre québécois François Legault et prononcera un discours devant l'Assemblée nationale du Québec.

Laurent Fabius est le dernier chef de gouvernement français à s'y être exprimé, en 1984, et François Hollande le dernier président, en 2014. Malgré cette longue absence, les relations franco-québécoises "ne se distendent évidemment pas. Notre objectif, c'est d'incarner cette force et de lui donner un peu de chair", souligne-t-on à Matignon.

T.L avec AFP