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"Avec un grand sourire, il peut vous tuer": qui est Michel-Edouard Leclerc?

Diffusé ce mercredi 3 avril à 20h50 sur BFMTV, ce long format Ligne Rouge retrace toute l'histoire du groupement E.Leclerc et dévoile les méthodes du distributeur pour toujours être le moins cher.

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Domination insolente dans les grandes surfaces, écrasante dans le drive, patron préféré des Français, champion de la lutte contre l'inflation... A bientôt 72 ans, Michel-Edouard Leclerc (MEL) n'a jamais été aussi puissant et omniprésent dans le paysage médiatique français.

Un succès qui est pourtant loin de faire l'unanimité. D'abord auprès des agriculteurs qui ont ciblé les centres E.Leclerc lors de leur mouvement de colère en février dernier. Mais aussi auprès des politiques ou des fournisseurs qui ne sont pas tendres avec le commerçant et son groupement dans le documentaire Ligne Rouge qui lui est consacré (diffusion ce mercredi 3 avril à 20h45).

A commencer par l'ex-ministre Renaud Dutreil qui, après sa carrière politique, a racheté en 2014 la société d'eaux en bouteille charentaise Jolival. Il livre pour BFMTV cette anecdote lors d'une négociation commerciale avec un acheteur qui en dit long sur le système.

"Il m'est arrivé de rentrer dans le bureau du négociateur, son téléphone a sonné et il s'est engagé dans une discussion avec son jardinier qui a duré 40 minutes, confie l'entrepreneur. Et j'étais là à l'écouter parler de ses tulipes et de ses rosiers. Cette absence de respect du producteur, elle est caractéristique d'une méthode de négociation qui se traduit par des conditions de prix très désavantageuse pour le producteur. J'ai trouvé ça extrêmement violent et humiliant."

Des méthodes spécifiques de négociation

Des méthodes de négociation qui s'apparentent à de l'intimidation et qui ne sont pas le fruit du hasard. Les magasins E.Leclerc ont dans leur charte l'obligation d'être 3,5 points moins chers au minimum que la concurrence et les négociateurs sont formés aux techniques de persuasion les plus poussées par des experts.

Une culture d'entreprise qui est une véritable profession de foi et ce depuis l'ouverture du premier magasin E.Leclerc en 1949 à Landerneau, petit village du Finistère. Contourner les intermédiaires pour obtenir des prix 30% plus bas, casser les prix sur le carburant dans les années 70 en contournant la loi, pratiquer des rabais sur les livres au mépris de la loi Lang... Chez les Leclerc, la seule règle qui s'impose c'est celle des bas prix dictée par le client.

Et si les pouvoirs publics ne se plient pas aux injonctions du lobbyiste Michel-Edouard Leclerc pour lui concocter une loi aux petits oignons comme la LME de 2008, il n'hésite pas à prendre à partie l'opinion publique.

L'ancien député Grégory Besson-Moreau, auteur de la loi Egalim 2 qui avait pour objectif de rééquilibrer les relations entre la distribution et leurs fournisseurs se souvient d'une visite du patron des centres E.Leclerc.

L'opinion dans la poche

"MEL me dit "je vais devoir expliquer [à mes clients] pourquoi le prix du pack de Coca Cola a augmenté de 10%. Je vais mettre ta photo et leur expliquer, c'est une question de transparence", raconte-t-il. Tout se passait bien et d'un seul coup avec un grand sourire, il peut vous tuer."

Patron souriant qui parle cash et qui sait faire preuve de pédagogie sur les plateaux de télévision, Michel-Edouard Leclerc dit surtout ce que l'opinion a envie d'entendre. Dans sa bouche, les industriels, les politiques, les actionnaires sont les ennemis d'un consommateur dont il serait le seul défenseur.

"Il s'apparente au populisme, estime ainsi Renaud Dutreil. Il actionne le petit nerf chez le consommateur qui va tout de suite vibrer en disant "je vais vous offrir des prix bas". Évidemment, tout le monde est attiré par ce type de discours. C'est le propre des populistes de s'appuyer non pas sur la vérité ou sur le bien commun mais sur la passion et les émotions des individus. Donc ça fonctionne très bien".

Le père de MEL, Edouard Leclerc, aimait souvent répéter que s'il pratiquait des prix bas c'est parce que "les pauvres en ont besoin et les riches en raffolent." Etre le moins cher à tout prix, une stratégie qui n'a jamais failli jusqu'à présent.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco