À quoi ressemblerait l'Union européenne en cas d'adhésion de l'Ukraine?

L'UE a décidé d'ouvrir des négociations d'adhésion avec l'Ukraine ce jeudi 14 décembre. Population, économie, superficie ou politique: une entrée de Kiev dans l'Union européenne ne serait pas anodine.

L'Europe ouvre ses portes à l'Ukraine. L'Union européenne a décidé ce jeudi 14 décembre d'ouvrir des négociations d'adhésion avec l'Ukraine lors d'un sommet européen à Bruxelles. Le chemin risque d'être long pour Kiev, mais le pays pourrait bien entrer un jour dans le club des États membres. Mais à quoi ressemblerait l'UE si l'Ukraine la rejoignait aujourd'hui?

• Population

Avec 45 millions d'habitants (selon les chiffres officiels ukrainiens, qui comptent les 2 millions d'habitants de la Crimée), l'Ukraine serait le cinquième pays le plus peuplé de l'UE derrière l'Espagne (47 millions d'habitants) et devant la Pologne (38 millions d'habitants). La population totale de l'UE grimperait d'environ 10%, dépassant les 492 millions d'habitants. Sa capitale et plus grande ville, Kiev, serait l'une des grandes métropoles de l'UE avec 3 millions d'habitants, au niveau d'Athènes (3,5 millions), de Varsovie (3,1 millions) ou encore de Lisbonne (2,7 millions).

• Géographie

Ce serait l'une des conséquences les plus visibles d'une adhésion de l'Ukraine: l'UE gagnerait plus de 600.000 kilomètres carrés (encore une fois, en comptant la Crimée). Sa superficie augmenterait d'environ 14%, dépassant 4,8 millions de kilomètres carrés. L'Ukraine serait le deuxième pays de l'UE en termes de superficie, derrière la France – si l'on compte uniquement la France métropolitaine, l'Ukraine serait même le plus grand pays du territoire européen stricto sensu. L'Ukraine apporterait également un surcroît de zone économique exclusive (ZEE) en mer Noire.

• Économie

C'est l'aspect le plus difficile à imaginer, car la guerre a largement plombé l'économie ukrainienne. Avant-guerre, l'Ukraine affichait un PIB d'un peu plus de 200 milliards de dollars en 2021 selon la Banque mondiale, ce qui le placerait au niveau de la Grèce (214 milliards) ou de la Hongrie (181 milliards). Mais l'Ukraine est très riche en ressources minières et s'impose comme un géant mondial des céréales – sans oublier qu'une partie de ses ressources se trouvent dans le Donbass occupé. Le pays accueille aussi des oléoducs et des gazoducs, mais qui transportent du gaz russe.

L'Ukraine serait néanmoins l'un des pays les plus pauvres de l'Union européenne. Le pays affichait un PIB par habitant d'environ 4835 dollars en 2021 selon la Banque mondiale, loin derrière la Bulgarie (12.221 dollars) et la Roumanie (14.858 dollars), actuellement dans le bas du classement. Le salaire moyen est aussi beaucoup plus bas en Ukraine qu'ailleurs aujourd'hui dans l'UE. Par ailleurs, une adhésion signifierait aussi, à plus long terme, une adoption de la monnaie unique – mais là aussi, encore plus qu'ailleurs, impossible d'imaginer pour le moment une entrée dans la zone euro.

• Budget

L'entrée de l'Ukraine dans le club européen chahuterait le système des financements européens. L'Ukraine, bien plus pauvre que tous les États membres actuels, monopoliserait une grande partie des subventions au détriment de pays comme la Pologne ou la République tchèque, notamment celles de la Politique agricole commune (PAC) et celles des fonds de cohésion, destinés aux régions les plus défavorisées de l'UE. Certains pays, notamment en Europe de l'Est, deviendraient contributeurs nets au budget de l'UE après avoir été bénéficiaires des fonds européens depuis leur adhésion.

• Politique

L'arrivée de l'Ukraine dans l'UE pourrait bousculer les équilibres politiques au sein de l'UE, avec l'arrivée de nouveaux élus et de nouveaux partis politiques. Le nombre de députés européens pour chaque État membre dépend de sa population: avec 45 millions d'habitants, l'Ukraine pourrait prétendre à une cinquantaine de députés européens si l'on se repose sur la répartition actuelle, soit autant que l'Espagne ou la Pologne. L'Ukraine pourrait également prétendre à un poste de commissaire européen. Par ailleurs, son adhésion ajouterait une nouvelle langue officielle, l'ukrainien.

En l'absence de réformes des institutions, l'arrivée d'un nouvel État membre signifie aussi l'arrivée d'un nouveau droit de veto: à l'heure actuelle, toutes les décisions sont prises à l'unanimité. Le fonctionnement des institutions, déjà compliqué aujourd'hui, le serait encore davantage, d'autant plus que l'Ukraine n'est pas la seule à taper à la porte de l'UE, qui pourrait atteindre 36 membres dans un futur plus ou moins proche. L'adhésion de l'Ukraine pourrait jouer en la faveur d'une instauration du vote à la majorité qualifiée, mais les petits pays de l'UE s'y opposent fermement.

• Culture

Une adhésion de l'Ukraine serait, pour l'UE, un véritable élargissement vers l'Europe orientale. L'UE accueillerait plus de 37 millions de locuteurs de l'ukrainien, presque autant que le polonais ou l'espagnol, mais aussi plus de 8 millions de russophones (si l'on compte la Crimée et le Donbass), utilisant l'alphabet cyrillique, que l'on retrouve aujourd'hui uniquement en Bulgarie. Un rééquilibrage religieux, également, avec l'arrivée d'un nouveau grand pays orthodoxe. Par ailleurs, en cas d'adhésion à l'UE, les étudiants ukrainiens pourraient intégrer le programme d'échange Erasmus.

Jérémy Bruno Journaliste BFMTV