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Un cowboy à Paris: les références cachées du nouveau Lucky Luke

Détail de couverture d'Un Cowboy à Paris, le nouveau Lucky Luke

Détail de couverture d'Un Cowboy à Paris, le nouveau Lucky Luke - Dargaud 2018

Le cowboy qui tire plus vite que son ombre revient avec un nouvel album, Un cowboy à Paris, en librairies ce vendredi 2 novembre.

Pour la première fois de sa carrière, Lucky Luke débarque en France. Toujours signée Jul (scénario) et Achdé (dessin), cette nouvelle aventure intitulée Un cowboy à Paris évoque l’histoire (vraie) de la Statue de la Liberté offerte par la France aux Etats-Unis pour célébrer le centenaire de la Déclaration d'indépendance américaine.

Après avoir escorté une famille juive vers la terre promise dans sa dernière aventure, le cowboy le plus rapide de l’Ouest est chargé, par l’architecte Auguste Bartholdi, de protéger la Statue de liberté des griffes d’un directeur de pénitencier qui rêve d’ériger à sa place, à New York, une prison. L’idée vient de Jul:

"Quand je me suis rendu compte que ça correspondait à la période historique dans laquelle évolue Lucky Luke, je me suis dit que c’était dingue que personne n'en ait jamais parlé. Lucky Luke en garde du corps de la Statue de la Liberté s’est presque imposé."

Un bout de la Statue de la liberté
Un bout de la Statue de la liberté © Dargaud 2018

Pour Achdé, le dessinateur des aventures du plus belge des cowboys depuis 2001, l’album a représenté un véritable défi technique: "Il fallait faire rentrer 90 mètres dans 12 centimètres! Et Jul m’a gâté: dès la page 2, j’ai déjà une case avec uniquement la main et la torche!" Il ajoute:

"À la fin de l’album, on se retrouve aussi avec une scène de poursuite. En deux cases, vous avez toute la Statue de la Liberté - basée, bien sûr, sur des documents existants. Pour l’intérieur, ça a été compliqué, il a fallu chercher de la documentation Eiffel, parce que c’est Gustave Eiffel qui a fait la structure interne."

Des références à Cabu et à Gotlib

L’histoire se partage entre l’Ouest sauvage et le Paris des années 1880. Le tout était de trouver le bon équilibre entre les deux univers: "On avait envie de raconter cette histoire à Paris, mais pas que ce soit un catalogue de situations", poursuit Jul. À Paris, les deux compères font visiter à Lucky Luke l’Opéra Garnier, l'hippodrome de Longchamp… Et le cowboy croise aussi Victor Hugo et Emma Bovary.

Lucky Luke à Paris
Lucky Luke à Paris © Dargaud 2018

Que serait un Lucky Luke sans référence à la culture populaire? Le duo a ainsi glissé des hommages plus ou moins discrets à Hitchcock (La Mort aux trousses, La Cinquième colonne), James Bond, Crocodile Dundee, Fanfan la Tulipe, Tintin, Gaston Lagaffe, Victor Hugo, Cinquante nuances de Grey et La Chèvre, le classique de Francis Veber avec Pierre Richard et Gérard Depardieu.

Le méchant, Locker, ressemble quant à lui à l’acteur américain Edward G. Robinson, connu pour ses rôles de méchants dans les films noirs des années 1940 et 1950. "Il ne fallait pas qu’on ait un personnage qui ressemble à Trump", précise Jul.

Autre hommage caché: celui rendu aux maîtres du 9e Art. Lorsque Lucky Luke passe devant la Sorbonne, il croise le dessinateur de Superdupont Alexis, le maître de la SF Philippe Druillet et le cofondateur de Charlie Hebdo Cabu. Le "cul de lampe", l’illustration présente sur la page de garde, est aussi un petit clin d’œil à Marcel Gotlib, mort pendant la conception de l’album, en reprenant un de ses personnages de Rubrique-à-brac.

Hommage à Alexis, Druillet Cabu.
Hommage à Alexis, Druillet Cabu. © Dargaud 2018

"C’est le plaisir du clin d’œil pour donner du plaisir au lecteur", commente Achdé. "C’est une série qui se perpétue dans le temps. On garde un Lucky Luke. Même s’il y a des petites références, elles sont tellement ancrées que l’on s’en rappellera encore dans dix ans."

Comme Libérée, délivrée, l’entêtant tube de La Reine des neiges de Disney que chantent des détenus dans l’album. Le dessinateur acquiesce: "Ça a cassé les pieds à toute une génération et je pense qu’elle va s’en souvenir." "Ça restera comme Il en faut peu pour être heureux", ajoute Jul. “Il ne faut pas que ce ne soit qu’un exercice de style. Ça ne marche, selon moi, que si on a une histoire forte qui nous entraîne."

Des références aux attentats de 2015

Si les auteurs multiplient gags et références, ils mettent aussi à mal le personnage créé par Morris: "Lucky Luke doit être le gendre idéal, sauveur de la veuve et de l’orphelin, même si là on essaye de l’incarner avec plus d’émotions", précise le scénariste. "Il se retrouve ainsi avec une chaussette trouée quand il se fait fouiller à l’entrée du pénitencier, il vomit dans le bateau… On n’est pas forcément habitué à le voir faire ça."

Si le héros de la BD franco-belge apparaît plus humain, l’histoire fait aussi écho à l’actualité la plus sombre. L’ombre du 7-Janvier et du 13-novembre plane sur l’album. Impossible de ne pas penser aux attentats dans ce Paris où la Statue de la Liberté est victime d’un attentat à la bombe.

La Liberté assassiné
La Liberté assassiné © Dargaud 2018

"Cet air du temps est vachement prégnant", confirme Jul. "En ça, je ne voulais pas que ça paraisse artificiel. Quand j’ai des idées qui me paraissent un peu plaquées, un petit peu décalése, pour parler d’aujourd’hui et de Lucky Luke, je les enlève d’un scénario. Là, ça racontait quelque chose d’existant déjà à cette époque. Ce désir de sécurité, ces constructions de prisons idéales, ce sont des problématiques qui existaient déjà. Les premiers attentats à la bombe, on les découvre aussi à ce moment-là. On est les enfants de cette longue histoire. Le terrorisme n’est pas tombé du ciel aujourd’hui. Et c’est rassurant de s’inscrire dans une longue histoire, que nos pères ont eu à faire face à ces problématiques-là."

Jul voulait parler du Bataclan dans Un cowboy à Paris. Avant d’être une salle de concert, "c’était aussi le nom d’une opérette, qui est contemporaine de notre intrigue. J’ai voulu lui rendre un hommage discret sur une colonne Morris, puis je me suis dit qu’il ne fallait pas tout mélanger", indique le scénariste, qui révèle avoir également supprimé de son scénario un autre gag plus osé.

Victime d’un attentat à la bombe, la Statue de la Liberté a le visage caché par un foulard. Une case devait montrer une manifestation de suffragettes contre le port du voile sur les statues. Le gag, que Jul trouvait "marrant", a finalement été "retoqué par tout le monde": "c’était plus une blague Silex and the City", concède Jul. "Tu as bien fait", lui lance Achdé.

Jérôme Lachasse