BFMTV
Culture

Mort du paléontologue français Yves Coppens à 87 ans

Yves Coppens en 2016 à Paris.

Yves Coppens en 2016 à Paris. - LIONEL BONAVENTURE - AFP

Yves Coppens, le célèbre paléontologue français, co-découvreur de Lucy, vient de mourir à l'âge de 87 ans.

Le célèbre paléontologue français, Yves Coppens, vient de mourir, a annoncé son éditrice Odile Jacob ce mercredi. Il avait 87 ans. Le scientifique est mort des suites d'une longue maladie, a précisé la maison d'édition à l'AFP

"Yves Coppens nous a quittés ce matin. Ma tristesse est immense", a tweeté Odile Jacob, saluant "un très grand savant". "Je perds l'ami qui m'a confié toute son œuvre. La France perd un de ses grands hommes", a ajouté l'éditrice.

Il est notamment connu pour avoir participé à la découverte de l'Australopithèque Lucy, en 1974, en Ethiopie.

Livres, conférences, interviews, mais aussi supervision scientifique de documentaires: ce formidable passeur, professeur émérite au Collège de France, n'a eu de cesse de raconter avec verve l'épopée humaine. Une histoire en constante évolution au gré des découvertes de nouveaux fossiles.

Souriant, doté du sens de l'humour et de la formule, parfois gentiment provocateur, le paléoanthropologue à la barbe et moustache blanches professait sa confiance en l'avenir de l'homme.

"Un premier choc"

Né en 1934 à Vannes, dans le Morbihan, Yves Coppens a attrapé très tôt le virus de la paléontologie, dès les années 1940. "Dès l'âge de sept ou huit ans, j'ai eu envie de devenir archéologue", racontait-il à l'AFP fin 2016.

"Mon père, qui était mobilisé sur le front, était revenu des Ardennes avec trois petits fossiles, trois petites coquilles de l’ère secondaire qu’on appelait 'des griffés'", racontait-il ainsi au Monde en janvier dernier, évoquant "un premier choc".

"Toutes mes vacances étaient occupées par des fouilles". Le jour de ses 20 ans, occupé à travailler sur un tumulus, il refuse de rentrer chez lui. C'est sa famille qui devra se déplacer jusqu'au chantier de fouilles pour y fêter son anniversaire, se souvenait-il avec malice.

Après une thèse de doctorat en paléontologie sur les animaux à trompe, il intègre, à 22 ans, le CNRS en 1956. L'occasion pour lui de découvrir, au début des années 1960, les missions sur les fouilles sur le terrain et de revenir - après avoir découvert son premier fossile humain en 1961 - à ses premières amours pour la paléontologie humaine.

Fossile d'hominidé le plus complet jamais trouvé

Il parcourt alors le Tchad, l'Ethiopie, l'Algérie, la Tunisie, la Mauritanie l'Indonésie, la Mongolie, la Sibérie et la Chine. C'est en 1974 qu'il participe, aux côtés des scientifiques Maurice Taieb et Donald Johanson à la découverte de Lucy à Hadar, en Ethiopie.

L'équipe met au jour 52 fragments d'ossements. C'est à l'époque le fossile d'hominidé le plus complet jamais trouvé. Les chercheurs le surnomment Lucy, car ils écoutaient la chanson des Beatles Lucy in the Sky with Diamonds en étiquetant les os. Il s'agit d'un Australopithecus afarensis, âgé de 3,2 millions d'années.

Une découverte qui a révolutionné nos connaissances dans le domaine. "Lucy appartient à cette période clé, autour de 3 millions d'années, où va se nouer l'histoire humaine", expliquait-il ainsi au Figaro en 2018.

Du fait de sa bipédie, les scientifiques ont longtemps cru que Lucy était notre ancêtre directe (et Donald Johanson continue à la présenter comme telle). Mais pour Yves Coppens et d'autres paléontologues, il s'agit plutôt d'une très ancienne cousine de l'Homme.

Lucy a non seulement changé la vie d'Yves Coppens, mais a aussi contribué à passionner le monde entier pour la paléontologie.

"Lucy est devenu iconique"

"Le fait que son squelette soit très complet a permis de la rendre 'vivante' à nos yeux. Et aux yeux de tous", indiquait-il au Figaro, évoquant l'énorme succès de la série de docufiction de Jacques Malaterre L'Odyssée de l'espèce, dont Yves Coppens a été le directeur scientifique. "Lucy est devenue iconique. Un symbole de l’origine de l’homme", indiquait-il au Monde.

Paléontologue de renommée mondiale, professeur émérite au Collège de France et membre de l'Académie des sciences, Yves Coppens n'a eu de cesse de raconter l'épopée humaine, avec un "talent d'écrivain de conteur, d'essayiste", a commenté Odile Jacob.

Ce passionné de préhistoire se préoccupe aussi de l'avenir. Il prépare en 2002 la Charte de l'Environnement voulue par le président Jacques Chirac et qui sera intégrée dans la Constitution française en 2005.

Nicolas Sarkozy fait appel à lui en 2010 pour présider le conseil scientifique chargé de la conservation de la grotte de Lascaux, dont l'état s'est fortement dégradé. La grotte va mieux et Yves Coppens passe le flambeau à l'été 2017.

Il en saisit aussitôt un autre: le Breton cherche à faire rentrer les mégalithes du Morbihan au patrimoine mondial de l'Unesco.

Plus d'un millier d'articles scientifiques

Yves Coppens était membre de l'Académie des Sciences, de celle de médecine, et de nombreuses académies étrangères. En revanche, il a échoué à rentrer à l'Académie française en 1998.

Il est l'auteur de plus d'un millier d'articles scientifiques et de plusieurs livres. Dans son avant-dernier, "Origine de l'Homme, origine d'un homme", paru en 2018, il avait choisi de se prendre comme nouvel objet d'étude, sous l'amicale impulsion de son éditrice.

"Odile Jacob a dû se dire 'ouh là là, il vieillit; il est temps qu'il écrive ses mémoires'", plaisantait-il dans un entretien à l'AFP. Pudique, il n'y livrait que "le pan professionnel" de ses mémoires. Tout juste confessait-il un véritable "amour de la musique", transmis par sa mère.

En dehors de Lucy, sa véritable fierté était d'avoir "incontestablement relié l'émergence de l'Homme au changement climatique", en 1975. La forêt a cédé la place à la savane, l'Homme a cessé de grimper aux arbres et s'est redressé, son cerveau s'est développé pour résister aux carnivores.

Magali Rangin avec AFP