BFMTV
Culture

La BD de la semaine: Olivier Josso Hamel commente Au travail 2

-

- - © Olivier Josso Hamel & L'Association, 2016

LA BD DE LA SEMAINE - Dans son nouvel album, le dessinateur rend hommage à une célèbre aventure de Tintin, L’Île noire, pour mieux raconter l’histoire de sa famille.

La BD n’a pas fini de rendre hommage à Tintin. Dans Groenland Vertigo, sorti en janvier dernier, le dessinateur Hervé Tanquerelle (que nous avions rencontré) s’inspirait d’une expédition au Groenland à laquelle il avait participé pour imaginer un récit digne des aventures du reporter inventé par Hergé. Dans Au Travail 2, Olivier Josso Hamel réinterprète plusieurs pages de L’Île Noire pour mieux raconter son enfance à Saint-Nazaire.

Orphelin de père à 2 ans et demi, le dessinateur raconte comment la découverte de la BD à un très jeune âge lui a permis d’affronter l’absence de son père et de "comprendre les non-dits de son histoire personnelle". Rencontré lors du dernier festival d’Angoulême, Olivier Josso Hamel commente pour BFMTV.com trois planches d’Au travail 2.

-
- © © Olivier Josso Hamel & L'Association, 2016

Histoire de fantômes à Saint-Nazaire

"Des gens en dédicace m’ont demandé s’ils pouvaient lire le deuxième tome sans avoir lu le premier. J’ai fait en sorte. Quand bien même on aurait lu le premier, c’est un nouveau départ. C’est pour cette raison que j’ai décidé de proposer cette mise en scène, proche de l’animation. Le personnage est recouvert d’un drap, comme un linceul, et se lève pour aller hanter. Ce personnage, c’est moi enfant. Je me suis construit un petit personnage d’après le souvenir que j’ai de mon enfance. Une des ambitions d’Au Travail était de parler du travail en bande dessinée, d’où il venait, pourquoi je m’y accrochais à ce point alors que j’y rencontre énormément de difficultés, notamment matérielles. Je vais à la rencontre de mon père et d’autres figures tutélaires de mon histoire personnelle. Je viens d’une famille où il y avait beaucoup de femmes et peu d’hommes. Je recherche la trace des hommes et je dialogue avec eux. Le personnage principal d’Au Travail 2, c’est mon cousin, Emile Tessier, que j’ai pas mal côtoyé après la mort de mon père. Le petit fantôme s’en va à sa rencontre. Quand j’étais petit, je dessinais sur du papier orange que me ramenait ma tante et marraine de son travail en radiologie médicale. C’est un papier qui servait à envelopper les clichés radiologiques, des photographies de l’intérieur du corps humain..."

-
- © © Olivier Josso Hamel & L'Association, 2016

Réinterpréter Tintin

"Dans le tome 1 d’Au travail, j’ai rendu hommage à La Mauvaise tête de Franquin [une aventure de Spirou parue en 1957, NDLR]. Dans le tome 2, je propose une relecture de L’Île Noire de Hergé (dans sa première version). C’est un livre que j’ai découvert enfant et qui m’a beaucoup marqué. Je ne savais pas lire quand j’ai découvert ces BD - et ce sont des séquences et des images, et non les récits, qui me hantent depuis. Un chercheur belge du nom de Pierre Sterckx a énoncé le principe de 'case mémorable': il s’est rendu compte que de nombreux lecteurs de BD avaient en commun certaines images bien précises qui nous marquent parce qu’elles ont des contenus qui nous interpellent et nous hantent toute notre vie. La BD m’a permis de comprendre les non-dits de ma vie personnelle. Dans cette relecture de L’Île noire, je ne me contente pas de scanner des images de Hergé. Ce n’est pas mon propos. Il s’agit de rendre hommage à son travail et de mouiller la chemise. J’ai tout redessiné. Pour les couleurs, c’est des bandes de papier découpées et collées les unes sur les autres. J’ai réalisé plusieurs versions de ces pages-là. La première était beaucoup plus proche d’Hergé. Elle aurait pu poser des problèmes au niveau juridique. Et elle était trop sage, trop respectueuse du modèle. La deuxième version est plus personnelle. Enfant, ce gorille me faisait très peur. Et mon cousin Emile, qui parlait peu, avait un profil très simiesque. Il y avait des parallèles..."

-
- © © Olivier Josso Hamel & L'Association, 2016

La BD adulte

"Je parle ici de la découverte, étant enfant, de la BD adulte. Chez mon grand cousin, il y avait beaucoup de livres et une bibliothèque aux toilettes: un jour, je suis tombé sur Les Frustrés de Claire Bretécher, Ils sont moches de Jean-Marc Reiser et L’Ascension sociale de Monsieur Lambert de Jean-Jacques Sempé. Trois ouvrages auxquels je ne comprenais pas grand chose, mais qui m’ont permis de découvrir un graphisme en noir et blanc, un trait très personnel, tous les trois différents. Mais j’avais tendance à les associer parce qu’ils se trouvaient au même lieu, aux toilettes. C’était à la fois très attirant, très sombre et très différent de ce que je connaissais. A l’époque, j’avais surtout lu les classiques: Tintin, Lucky Luke, Astérix et Spirou. Dans cette planche, le texte n’est pas intelligible parce qu’enfant je ne comprenais pas grand chose à ces histoires. Sempé, Reiser et Bretécher m’ont fasciné, mais j’ai bien senti à l’époque que c’était un peu tôt. J’y suis revenu plus tard. Je ne sais pas ce que quelqu’un de 25 ans penserait du travail de ces trois-là, mais pour moi c’est vraiment les meilleurs dessinateurs du monde."

Olivier Josso Hamel, Au travail 2, L’Association, collection Eperluette, 104 pages, 25 euros.
Jérôme Lachasse