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La BD de la semaine: Anthony Auffret commente La Malédiction de Smenkharê

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- - Anthony Auffret & Casterman 2017

LA BD DE LA SEMAINE - Une BD d’aventure qui évoque aussi bien Indiana Jones que Hellboy.

La Malédiction de Smenkharê est le premier album d’Anthony Auffret. Autodidacte, il a suivi une formation universitaire avant de se plonger dans la bande dessinée. Son premier fait penser à Indiana Jones de Steven Spielberg, à Hellboy de Mike Mignola, mais aussi à Tintin (notamment aux Cigares du Pharaon et au Crabe aux pinces d’or). Ce n’est pas un hasard si Anthony Auffret a obtenu une maîtrise d’esthétique en suivant les cours de l’universaire Pierre Fresnault-Deruelle, spécialiste de Tintin. Comme il l’explique à BFMTV.com, c’est "par jeu et par défi" qu’il s’est "attelé à l’écriture de mes propres récits". Il travaille déjà sur la suite de La Malédiction de Smenkharê. Intitulée L’Héritage de Gengis Khan, celle-ci déroulera autour de l’ancienne mer d’Aral.

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- © Anthony Auffret & Casterman 2017

La genèse

"Martin Zeller, la personne qui me suit pour Casterman, connaissait mon travail. Il y avait la volonté des deux cotés de travailler ensemble. Je lui ai alors parlé de mes envies de récits d’aventure à la Indiana Jones ou L’homme de Rio [film de Philippe de Broca avec Jean-Paul Belmondo qui emprunte de nombreux éléments à Tintin, NDLR]. Nous nous sommes alors entendus pour que ce récit et ses suites puissent faire écho à l’actualité. L’édifice représenté sur cette page est directement inspiré du temple de Bêl [situé à Palmyre, NDLR] détruit par Daech en 2015. À l’époque, de nombreux articles de journaux relataient le pillage généralisé qui sévissait en Syrie et en Irak et l’apparition sur le marché noir d’objets issus de la destruction de ces sites archéologiques. Si la cité de Palmyre est perdue pour toujours, j’aime à penser que son souvenir perdurera, comme Babylone, grâce aux arts et à la littérature."

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- © Anthony Auffret & Casterman 2017

Méthode de travail

"Il était important pour moi de faire un découpage le plus solide possible d’autant que ma pratique du dessin est très instinctive. Je laisse parfois mon trait emprunter des chemins détournés sans trop savoir où cela va me mener. Je ne pourrai pas me permettre ces digressions si mon découpage ne reposait pas lui-même sur des bases solides. Tout le livre a été dessiné à la tablette. L’informatique offre un certain confort et une grande sécurité d’autant plus qu’armé d’une plume et papier, je peux rapidement en mettre partout. Je regrette juste une légère rigidité dans mon trait avec cet outil. Je voulais des couleurs d’une grande simplicité, très synthétiques avec une palette resserrée à la manière d’un Morris dans Lucky Luke. Concrètement, je choisis une couleur dominante pour la planche. C’est elle qui va donner l’ambiance générale. Si c’est nécessaire, je lui ajoute ensuite sa couleur complémentaire. Celle-ci va amener de la profondeur en séparant bien les différents plans qui composent l’image. En même temps, ma couleur doit donner un complément d’information que mon dessin n’offre pas. Elle doit pouvoir préciser le sentiment d’un personnage, une odeur ou la tonalité d’un lieu. Je suis très attaché à l’atmosphère d’un lieu on d’un instant."

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- © Anthony Auffret & Casterman 2017

L’influence de Mike Mignola et d’Osamu Tezuka?

"Mike Mignola est bien plus jusqu’au-boutiste que moi dans sa manière de façonner ses images. Son travail sur la lumière et les volumes l’amène vers des formes très géométriques, quasi abstraites parfois. Mon trait est plus organique, mes personnages plus élastiques. En revanche, comme lui, je suis capable de structurer mes compositions grâce à la lumière et à l’alternance de noir et de blanc, à la manière d’un clair-obscur. Pour en revenir à cette page et plus particulièrement à la première bande avec les serpents, la multiplication des points de vue m’a servi à rapidement poser une atmosphère, ralentir le temps et créer une tension auxquelles les cases suivantes ont dû répondre. C’est un procédé narratif qu’on retrouve avec intelligence chez Mignola. Gus Bofa et E.C Segar me viennent naturellement à l’esprit si je dois évoquer mon dessin. La simplicité de leur trait comme leur science du mouvement ont longtemps nourri ma propre pratique. Indirectement, je pourrai citer Tezuka aussi. Tezuka a été influencé par les dessins animés américains qui eux même se sont nourrit des deux auteurs pré-cités. Bofa, Segar, Tezuka... il y a une filiation évidente entre tous ces dessinateurs. Je ressens moi-même une grande proximité avec le trait de ces auteurs."

La Malédiction de Smenkharê, Anthony Auffret, Casterman, 48 pages, 13,95 euros.
Jérôme Lachasse