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L'histoire du hip hop racontée en BD

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- - © Ed Piskor / Éditions Papa Guédé

ENTRETIEN - L’auteur américain Ed Piskor raconte les balbutiements du hip hop à New York à la fin des années 1970. Il a accepté de commenter pour BFMTV.com trois planches de son album, le premier d’une série de six.

Après Wizzywig (Dargaud), évocation des débuts du piratage informatique, l'américain Ed Piskor revient avec Hip Hop Family Tree (Editions Papa Guédé). Cette histoire des balbutiements d'un des mouvements artistiques les plus populaires du début du XXIème siècle a été publiée dans un premier temps aux Etats-Unis sur le site Boing Boing avant d'être éditée par l'excellence maison Fantagraphics. Depuis 2013, quatre volumes ont paru, retraçant une période allant de la fin des années 1970 à 1985.

Très marqué par l'Underground américain, Robert Crumb et American Splendor de Harvey Pekar, Ed Piskor dit s'être inspiré des vieux comics Marvel des années 1980 pour trouver le "look" jauni des planches de HHFT. Comme Crumb dans Heroes of Blues, Jazz & Country, Piskor évoque avec précision le destin de nombreux artistes demeurés dans l'ombre. La musique n'est cependant pas au centre de toutes les histoires. Le graffiti, notamment, joue une place importante dans l'intrigue.

Ed Piskor a accepté de commenter pour BFMTV.com trois planches du premier volume de HHFT qui vient de paraître dans une traduction française très fidèle à la version originale. Il évoque notamment son amour pour le hip hop, ses influences picturales et cinématographiques tout en tentant de répondre à la question qui taraude tous les bédéastes, de Catel à Nine Antico en passant par Achdé dans le dernier Lucky Luke: comment dessiner la musique?

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- © © Ed Piskor / Éditions Papa Guédé

Raconter l’histoire du hip hop

"Depuis le début de ma carrière, je rêvais de réaliser une histoire qui avait pour sujet le hip hop. J’ai longtemps cherché quelle histoire je pourrais raconter. Je me suis même demandé si je n’allais pas me lancer dans une histoire criminelle! Non seulement j’adore les albums de hip hop mais aussi la mode vestimentaire, les graffitis et l'imagerie du New York des années 1970. Au bout d’un moment, je me suis rendu compte que j’en savais plus sur le rap que n’importe quel autre dessinateur, alors j’ai décidé de dresser une histoire chronologique de cette culture. Pour me documenter, j’ai lu tous les articles, interviews et magazines que j’ai pu trouver sur le sujet. J’ai pu aussi parler à plusieurs personnes qui ont été les témoins directs de certains événements dont je parle. Je ne sais pas pourquoi je suis attiré par les années 1980. Je ne pense pas que cela a à voir avec un quelconque amour pour cette décennie. Je suis en réalité tout simplement intéressé par certains sujets [son précédent album, Wizzywig, raconte l’histoire des hackeurs au début des années 1980, ndlr] dont les débuts remontent à cette époque-là."

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- © © Ed Piskor / Éditions Papa Guédé

Le style des vieux comics Marvel

"Cette page évoque l’une des plus grandes réussites de Fab Five Freddy: lier pop art et graffiti. J’ai choisi de dessiner sur le mur Cheech Wizard, un personnage inventé par Vaughn Bodé [dessinateur américain mort en 1975 qui a influencé de nombreuses générations de dessinateurs, dont Métal Hurlant, ndlr] parce qu’il était très populaire auprès des graffeurs et que ces dessins avaient un aspect très pop. Je voulais aussi que l’album ressemble au comic book grand public de cette époque. En feuilletant ma collection, je me suis rendu compte que tous les comics datant des années 1970 et 1980 que je possède étaient imprimés avec des couleurs assez éclatantes sur du papier bon marché qui a jauni avec le temps. En fait, j’ai obtenu les couleurs de Hip Hop Family Tree en scannant des vieux comics. Je me suis d’ailleurs astreint à un emploi du temps très serré pour chaque page, comme c’était le cas pour les dessinateurs de Marvel. De cette manière, j’ai été contraint d’avoir recours aux mêmes astuces qu’eux. Cela me prend entre un ou deux jours pour écrire le scénario d’une page. J’utilise un crayon et une feuille de papier et je dessine chaque planche selon les mêmes dimensions que les histoires traditionnelles de Marvel (c’est 27 cm de largeur et 43 cm de hauteur). Je passe ensuite à l’encrage. Puis je travaille longtemps sur mon ordinateur pour donner l’illusion que le dessin n’a jamais été importé sur un ordinateur."

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- © © Ed Piskor / Éditions Papa Guédé

Dessiner la musique

"Les couleurs de cette planche sont inspirées par les séquences de compétition entre rappeurs filmées dans Wild Style [film américain consacré à la culture hip-hop sorti en 1982, ndlr]. Utiliser une seule couleur pour l’intégralité de la planche crée une ambiance que j’adore. Dessiner la musique est un grand défi. Même si c’est le thème principal de l’album, j’envisage cette histoire plus comme une étude culturelle sur les relations humaines. Lorsque la musique survient dans l’histoire, plus les mouvements et les couleurs sont exagérés, mieux c'est. Ce n’est pas forcément le cas sur cette page, mais j’ai tenté de représenter graphiquement des vibrations de la musique. Certains l’ont compris. D'autres non."

Hip Hop Family Tree Vol. 1, Ed Piskor, Éditions Papa Guédé, 112 pages, 26 euros.
Jérôme Lachasse