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Culture

150 euros au lieu de 4 millions: la vente rare d'un masque africain jugée conforme par la justice

Le tribunal d'Alès (Gard) a estimé ce mardi 19 décembre qu'il n'était pas démontré que le brocanteur ayant acheté le masque 150 euros "avait connaissance de (s)a valeur singulière" avant de le revendre 4,2 millions d'euros.

Un brocanteur qui se frotte les mains et des vendeurs qui s'en mordent les doigts: la vente aux enchères d'un rarissime masque sculpté africain pour 4,2 millions d'euros, initialement acheté 150 euros par un brocanteur à un couple d'octogénaires, a été validée, ce mardi 19 décembre, par le tribunal d'Alès et l'État gabonais, tierce partie au procès, débouté.

Le tribunal a estimé que les propriétaires initiaux du masque, un greffier à la retraite de 88 ans, et son épouse, 81 ans, qui avaient fait appel à un brocanteur pour se débarrasser des vieilleries accumulées dans leur résidence secondaire du Gard, "n'ont fait preuve d'aucune diligence pour apprécier la juste valeur historique et artistique du bien".

"Leur négligence et leur légèreté caractérisent le caractère inexcusable de leur demande", ajoute la décision, qui rejette leur demande de pouvoir annuler la vente et de récupérer le montant payé par l'acheteur, resté anonyme.

Un masque hérité d'un ancien gouverneur colonial

Parmi ces objets apparemment sans valeur se trouvait un masque en bois sculpté ayant appartenu à un aïeul, ancien gouverneur colonial en Afrique, qu'ils allaient finalement brader 150 euros, en septembre 2021, en même temps que des lances, un couteau à circoncire, un soufflet et des instruments de musique.

À l'occasion d'une vente d'objets d'art africain, le brocanteur avait pris attache avec l'Hôtel des ventes de Montpellier qui, après des analyses poussées ayant permis de dater ce masque Fang du XIXe siècle, en avait estimé la valeur entre 300.000 et 400.000 euros. Les premières estimations demandées par le brocanteur étaient entre 100 et 600 euros.

"Aucune connaissance" du brocanteur

Le tribunal a estimé qu'il n'était pas démontré que le brocanteur, "antérieurement à la vente, (...) avait connaissance de la valeur singulière du masque vendu". Le brocanteur en avait fixé le prix "en s'appuyant sur des sites internet dédiés" et sur des avis de commissaires priseurs "qui ne voulaient pas de l'objet", avait précisé lors du procès fin octobre à Alès Me Patricia Pijot, son avocate, soulignant que son client "n'est pas un professionnel de l'estimation ni de l'art africain".

Le brocanteur "n'avait aucune connaissance spécifique en matière d'art africain", a confirmé le tribunal dans son jugement. Intervenue à l'audience pour réclamer l'annulation de la vente et le rapatriement du masque, la République gabonaise a vu sa demande jugée irrecevable par le tribunal.

E.B. avec AFP