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Règlement TFR en Europe: quelles implications pour les sociétés et les particuliers en France?

Drapeau de l'Union Européenne. (Photo d'illustration)

Drapeau de l'Union Européenne. (Photo d'illustration) - Campus France - Flickr

Le règlement TFR, dont un accord a été trouvé mercredi à Bruxelles, oblige les acteurs cryptos à fournir des informations d'identification sur les transactions en cryptomonnaies.

Mercredi, le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne sont parvenus à un accord provisoire sur le règlement dit TFR (pour "Transfer of Funds Regulation") obligeant les acteurs cryptos à fournir des informations d'identification sur les transactions en cryptomonnaies (voir notre article à ce sujet). Ce règlement, qui vise à appliquer des mesures contre le blanchiment d'argent, était en négociation depuis plusieurs mois entre les différentes institutions européennes à Bruxelles (Parlement européen, Conseil de l'UE et Commission européenne).

Une fois mis en application, dans un délai probable de 18 mois avec l'entrée en vigueur de la règlementation MiCa (pour "Market in crypto assets"), quelles seront les implications pour les sociétés crypto, ainsi que pour les particuliers ayant recours aux services de ces acteurs en France ?

Suivi des transactions

Concrètement, le règlement TFR s'appliquera "à toutes les transactions depuis/vers les Crypto Asset Service providers (ou CASP, autrement dit les prestataires de services sur actifs numériques -PSAN- en France, NDLR) dès le premier euro", a déclaré le rapporteur du règlement TFR Ernest Urtasun. Cela concerne donc tous les exchanges (plateformes d'échanges centralisées comme Binance, Coinbase ou encore Coinhouse). Avec TFR, les CASP seront tenus de collecter de nombreuses informations privées sur toute partie prenante à une transaction.

Pour rappel, en France, depuis l'introduction de la loi Pacte, les PSAN qui sont aujourd'hui au nombre de 39 (voir la liste de l'AMF ici), doivent déjà répondre à des obligations en matière de KYC (pour "Know your customer", autrement dit avoir des moyens d'identifier ses clients et de les connaître) ou de lutte contre le blanchiment d'argent (LBCFT). Par exemple, en matière de KYC, un PSAN peut déjà savoir qui est derrière le compte de tel ou tel utilisateur au moment de l’onboarding client (au moment de l'ouverture d'un compte), mais il n’avait pas jusqu’à présent l’obligation de suivre les flux (transactions) de l’utilisateur.

"Avec le TFR, les PSAN devront rapidement mettre en œuvre des outils pour répondre à ces nouvelles obligations: s’il s’agit d’une grosse structure, elle pourra développer des outils en interne. En revanche il est probable que les petites structures nouent des partenariats avec des acteurs spécialisés", explique à BFM Crypto Margaux Frisque, avocate associée au sein du cabinet d&a partners .

Renforcer les obligations KYC des utilisateurs

Mais les changements ne viendront pas que des acteurs, ils concerneront aussi les particuliers.

"Cela vient aussi renforcer les obligations KYC des utilisateurs qui ont déjà des obligations en matière fiscale (comme l'obligation de déclaration de comptes cryptos). Pour les particuliers, il faudra être attentif aux termes et conditions des plateformes utilisées, pour s'assurer d’avoir recours à des PSAN en ligne avec la règlementation applicable", ajoute Margaux Frisque.

Par ailleurs, le règlement TFR s'appliquera également aux transferts depuis/vers des portefeuilles dits "non hébergés" (aussi appelés "cold wallet", comme le portefeuille Ledger) vers un CASP.

"La vérification de l'identité du bénéficiaire effectif du portefeuille non hébergé sera obligatoire pour les transferts importants supérieurs à 1.000 euros dans le cas où le transfert est effectué vers ou depuis le portefeuille appartenant au client du CASP",a indiqué Ernest Urtasun.

"Est-ce que ce système sera compatible avec la nature des portefeuilles non hébergés? Il va falloir creuser ce point aussi sous l’angle juridique désormais", précise l'avocate.

En revanche, ce qui ne rentre pas dans le règlement TFR sont des transferts dits en "P2P", c'est à dire de personne à personne (c'est-à-dire sans passer par des CASP). "Les règles ne s'appliquent pas aux transferts de personne à personne effectués sans prestataire, comme les plateformes d'échanges, ou entre prestataires agissant pour leur propre compte", souligne le Parlement. Concrètement, s'il n'est pas possible de faire un transfert d'un portefeuille non hébergé à un portefeuille non hébergé, une personne qui détient un portefeuille non hébergé peut faire des transferts uniquement via la blockchain vers un wallet numérique sans passer par un CASP (qui n’est qu’un intermédiaire entre l’utilisateur et les blockchains).

Selon nos informations, un point d’interrogation est soulevé: il semble à ce stade difficile de vérifier l’identité d’un portefeuille non hébergé qui n’a pas de compte chez un CASP. En effet, si la société Ledger sait qui achète un portefeuille non hébergé, rien n’indique que le portefeuille est utilisé par quelqu’un d’autre par exemple.

Avec la mise en place du TFR, les portefeuilles non hebergés devront développer certaines solutions en interne afin de vérifier l'identité des utilisateurs, telles que des solutions traditionnelles de KYC ou encore des solutions plus innovantes telles que des solutions d'identité décentralisée, comme celle développée par la société Synaps.

Pauline Armandet