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Régulation

Nouvelle journée décisive le 9 février pour la réglementation des cryptos en France

Info BFM Crypto- Lors de la commission mixte paritaire qui aura lieu le jeudi 9 février, les députés et sénateurs chercheront à adopter un texte commun encadrant les sociétés crypto.

La semaine dernière, l'Assemblée nationale avait adopté un amendement en faveur d'un enregistrement AMF "renforcé" des acteurs crypto, au grand soulagement de l'industrie crypto. L'amendement renforce ainsi le régime dit des prestataires de service sur actifs numériques (PSAN), en soumettant les acteurs à "des obligations" supplémentaires alors que se profile la mise en place de la règlementation européenne (MiCa). Selon cet amendement, les crypto sociétés devront faire preuve de davantage de transparence sur certains points, notamment sur leur système de sécurité, en communiquant des conflits d'intérêts potentiels ou encore en adoptant une "communication claire et non trompeuse" vis-à-vis de leurs clients.

Cet amendement, déposé en dernière minute par le député du groupe Renaissance et rapporteur du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (DDADUE) Daniel Labaronne, a fait de l'ombre à un amendement beaucoup plus radical, voulant rendre obligatoire l'agrément PSAN. Porté par le sénateur (Union centriste) Hervé Maurey, il avait été adopté à l'unanimité par le Sénat mi-décembre. Très vite, la radicalité d'un tel texte avait été dénoncée par l'industrie crypto, notamment l'Association pour le développement des actifs numériques.

Pour rappel, jusqu'à présent, une crypto société française ou étrangère qui souhaite fournir ses services en France a le choix entre deux options: un enregistrement obligatoire PSAN (pour prestataire de service sur actifs numériques) ou un agrément optionnel, délivré par l'AMF dans le cadre de la loi Pacte de 2019.

L'enregistrement est obligatoire dans quatre domaines, notamment pour des acteurs proposant des services de conservation ou encore pour de l’achat/vente de cryptomonnaies, l'enregistrement a été accordé à plus de 60 acteurs en France à ce jour, dont Coinhouse, Binance et plus récemment Crypto.com. En revanche, aucun acteur n'a reçu l'agrément, qui reste plus difficile à obtenir.

Hervé Maurey n'a pas dit son dernier mot

Or, le sénateur Hervé Maurey n'a pas dit son dernier mot. Ce dernier n'est en effet pas satisfait de la création d'un troisième régime sous la forme d'un enregistrement PSAN "renforcé", facteur de "complexification" à ses yeux. De même, le fait que les acteurs cryptos se réjouissent d’un tel dispositif n’est pas rassurant", admet-il.

Pour lui, certains points de ce nouveau dispositif ne vont donc pas assez loin. Il ne fait pas par exemple mention d'exigences "essentielles", à savoir l’obligation pour une société crypto de disposer d'une assurance, de donner des garanties sur des systèmes informatiques résilients ou de disposer de moyens humains suffisants.

Il a donc décidé de prendre son bâton de pèlerin et échangera avec de nombreux acteurs dès cette semaine, de la Banque de France à l'Autorité des marchés financiers (AMF), en passant par l'industrie crypto, mais également avec Daniel Labaronne. Son objectif: échanger au maximum avant la tenue, jeudi 9 février prochain, d'une commission mixte paritaire, composée de 7 sénateurs et 7 députés, qui sera chargée de trancher sur l'amendement adopté la semaine dernière.

"Nous allons voir si l’on peut trouver une solution qui convienne à l’Assemblée nationale et au Sénat. A ce stade, personne ne peut dire ce qu’il sortira de cette commission mixte paritaire, que ce soit la version de l’Assemblée nationale, du Sénat ou un compromis, tout est possible", précise Hervé Maurey à BFM Crypto.

La Commission "pourrait très bien adopter l'amendement du Sénat puisqu'il a été adopté à l’unanimité des groupes politiques de la Haute-Assemblée. Je ne suis toutefois pas fermé à étudier la meilleure option possible, qui est avant tout celle de protéger les épargnants", glisse le sénateur.

Match serré entre Maurey et Labaronne

Selon nos informations, il pourrait ranger dans son camps l’ensemble des sénateurs, ainsi que certains députés du groupe Les Républicains favorables à sa proposition, l'adoption à la majorité étant requise.

Mais tout n'est pas totalement joué d'avance. "La réécriture de l’article 5 bis est apparue nécessaire dans une recherche d’équilibre entre protection des épargnants et maintien de l’innovation dans le secteur des cryptomonnaies", explique de son côté Daniel Labaronne à BFM Crypto. Pour ce dernier, l’inconvénient de l’amendement d'Hervé Maurey est de "fermer le marché des cryptos" avant la règlementation Mica, sans renforcer les garanties en faveur des épargnants.

A ce stade, il n'est pas possible de connaître l'issue de cette commission mixte paritaires, mais deux scénarios s'envisagent. Les réunions de commission mixte paritaire ont un fonctionnement assez informel. En général, il y a des votes (à main levée) sur des articles ou des propositions que si le président sent qu'il n'y a pas de majorité claire.

S’il y a un accord sur l’ensemble des dispositions déposées (commission conclusive), alors le texte qui ressortira de cette commission sera soumis aux votes de l’Assemblée nationale en hémicycle et du Sénat, en général dans la semaine ou quinzaine qui suit. En revanche, s’il n’y a pas d’accord (commission non conclusive), le gouvernement aura le pouvoir de dire que c’est à l’Assemblée nationale de trancher, après nouvelle lecture dans chaque assemblée.

Le dernier mot de l'Assemblée nationale

A ce stade, le Sénat n'a eu que quelques jours pour rédiger un amendement, contrairement à l’Assemblée nationale.

"J’ai personnellement fait au moins 10 auditions en l’espace d’un mois et demi pour prendre le pouls d’un tel secteur. S’il y a un désaccord, l’amendement sera renvoyé au Sénat et à l’Assemblée nationale pour une nouvelle lecture, et cela décalera l’adoption d’un texte. Mais c’est l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot. J’espère pouvoir trouver un accord en commission mixte paritaire", explique Daniel Labaronne.

A ce stade, toutes les options restent sur la table, mais les débats risquent d'être houleux. Un élément reste en revanche certain: la France adoptera un cadre règlementaire supplémentaire à destination des acteurs cryptos, bien avant la mise en œuvre effective du règlement européen, Mica (pour Market in crypto assets), prévu autour de mars 2026.

En effet, si l’amendement adopté par le Sénat table sur une application en octobre 2023, celui de l’Assemblée nationale penche plutôt pour janvier 2024. A l’heure où l’écosystème crypto reste affaibli par l’affaire FTX, la commission mixte paritaire tentera de trouver le meilleur timing.

Pauline Armandet