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Comment l'écosystème des NFT tente d'alléger son empreinte énergétique

Si certains NFT adoptent une approche plus vertueuse du point de vue écologique, ils sont encore loin de pouvoir être considérés comme des supports d’investissement responsable.

Comme quantité d’actifs, les NFT ("jetons non fongibles" en français) n’échappent pas à cette déferlante verte qui consiste à distinguer les placements durables et responsables des supports d’investissement traditionnels. De plus en plus de sociétés aspirent en effet à entourer la création de leurs jetons d’un ensemble de convictions respectueuses de l’environnement pour permettre aux détenteurs de NFT de dynamiser leur portefeuille d’investissement tout en donnant du sens à leurs placements.

Mais disposer d’une approche vertueuse est une chose. Pouvoir être qualifié de placement responsable en est une autre. D’autant que, sur le papier, il n’existe pas une seule définition permettant d’expliquer ce qu’est un NFT vert. Cela rassemble davantage un ensemble d'approches qui ont pour but de rendre les processus de fabrication des NFT plus respectueux de l’environnement.

Un processus de création énergivore

Contrairement à l’argent par exemple, les NFT ne sont pas fongibles, dans le sens où ils sont uniques et ne sont donc pas interchangeables. Les NFT désignent en effet un certificat d'authenticité numérique (ou titre de propriété numérique) qui est rattaché à un fichier numérique. Les NFT prennent, plus précisément, la forme de jetons émis sur une blockchain. Chaque NFT est unique et ne peut être reproduit. Le fichier numérique seul est dit "fongible". Le NFT associé, lui, est donc non fongible. Les NFT sont utilisés dans l’art, le secteur du luxe ou encore pour des cartes de collection dans le sport.

Or, ce qui pose problème avec les NFT ce n’est pas tant leur composition, mais bien davantage leur processus de création. Tout comme les cryptomonnaies, les NFT souffrent d’une image désastreuse sur le plan écologique. D’abord parce que les cryptomonnaies sont nécessaires à l’achat de NFT et que ces dernières impactent déjà assez lourdement l’environnement. Pour reprendre l’exemple du bitcoin, son minage (son processus de création) implique une consommation considérable d’énergie.

D'après les estimations en temps réel réalisées par l'université de Cambridge, la consommation annuelle actuelle d'électricité du bitcoin est de près de 153 TWh. A titre de comparaison, la demande mondiale d'électricité en 2021 représentait 26.444 Twh, selon les dernières estimations de l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Le bitcoin pèserait donc autour de 0,58% de la consommation mondiale d'électricité.

Toutefois, la plupart des NFT sont plutôt adossés à la blockchain ethereum. Celle-ci représente une consommation annuelle d'électricité de l'ordre de 106 Twh, selon les estimations du site d'analyse des technologies Digiconomist. Soit autour de 0,4% de la consommation mondiale d'électricité. Sur ce montant, difficile de savoir exactement ce que représente l'écosystème NFT sur ethereum en matière de consommation électrique (puisque de nombreux projets non NFT se servent aussi de la blockchain). Mais son impact environnemental est loin d'être négligeable.

La mécanique pour produire des NFT se révèle en effet très énergivore. Pour transformer un fichier numérique en NFT, son détenteur doit passer par une étape appelée "minting" en anglais ("frappe" en français). La frappe, c'est ce procédé qui consiste à copier un fichier numérique sur un serveur et à créer ensuite un jeton cryptographique contenant un lien vers ce fichier sur une blockchain. Si bien qu’entre la création et la vente du NFT, la facture environnementale peut atteindre des sommets.

Selon le magazine économique Quartz, imprimer une œuvre d’art reviendrait à générer 2,5 kg d’émission de CO2, tandis que la création et la vente d’un NFT nécessiterait des émissions 100 fois supérieures. Difficile aussi, dans ces conditions, d’adosser la notion de responsabilité environnementale aux NFT. Mais de là à freiner l’engouement des investisseurs pour ce support, il n’en est rien.

Un marché à 40 milliards de dollars

En 2021, les investisseurs ont dépensé, à peu de chose près, autant dans les objets d'art numériques que dans l'art traditionnel. Le marché des NFT est aujourd'hui estimé à plus de 40 milliards de dollars, selon le groupe d'analyse des cryptomonnaies Chainalysis. Et ce, uniquement pour ce qui concerne les montants versés sur les contrats de la blockchain ethereum. Cela n'inclut pas d'autres blockchains à l’instar de Solana. Selon Gauthier Zuppinger, le COO de NonFungible.com (un site spécialisé dans les données sur le marché des NFT), le marché des NFT devrait même peser 100 milliards de dollars d'ici la fin de l'année.

A titre de comparaison, l'an passé le marché mondial de l'art classique était évalué à un peu plus de 50 milliards de dollars, selon Art Basel. C'est dire l'intérêt que portent les investisseurs et notamment les particuliers aux NFT.

Face à cet déferlante mais également compte tenu de cette volonté de plus en plus prégnante des investisseurs de donner du sens à leurs placements, un certain nombre d'acteurs ont pris la mesure du problème écologique pour essayer d'y remédier.

Des solutions moins énergivores

Parmi les options envisagées pour verdir le support NFT, il en est une qui consiste à se passer de la plateforme ethereum. L’idée tient au fait de placer les œuvres sur d'autres plateformes comme Cardano. Laquelle plateforme utilise un système d'authentification différent (techniquement le "proof of stake" plutôt que le "proof of work"). Ce qui est beaucoup moins énergivore.

Une initiative qui permet avant toute chose de prendre la mesure du fait qu’émerge aujourd’hui une nouvelle génération de NFT qui, parce que conçus différemment, se révèlent moins néfastes pour l'environnement. D’autres observateurs estiment, de leur côté, que c’est aux développeurs de blockchain de s'engager afin d’essayer de réduire l'empreinte environnementale de leur technologie. D'ailleurs, en 2022, la blockchain ethereum va connaître une évolution majeure, en passant du "proof of work" au "proof of stake". Selon une estimation de la Fondation ethereum, une organisation non lucrative en faveur du développement de ce crypto-actif, cela devrait permettre de réduire la consommation d'électricité de l'ethereum de plus de 99,9%.

A cela, s’ajoutent d’autres projets qui, eux, se focalisent sur des techniques qui ont pour but de limiter la frappe de nouveaux crypto-actifs. Une idée de frappe dite "paresseuse" où un NFT ne serait pas frappé avant d'être acheté commence par exemple à émerger. Ce qui, là encore, permettrait de limiter l'impact environnemental de ces actifs.

Au final, estimer que l’on investit de façon responsable en misant sur des NFT n’est pas d’actualité. Pour verdir un portefeuille d’investissement, mieux vaut éviter de tabler sur ces jetons. Mais comme pour d’autres classes d’actifs, l’écosystème tente de s’améliorer.

Des mesures pour verdir les process de production sont en cours et pourraient, compte tenu de l’appétence des investisseurs pour les placements verts, se multiplier dans les années à venir.

Julie Cohen-Heurton
https://twitter.com/juliecohen84 Julie Cohen-Heurton Journaliste & cheffe d’édition BFM Patrimoine