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Pourquoi le mythe du blanchiment d'argent avec le bitcoin résiste

Depuis sa création, le bitcoin est associé au blanchiment d'argent. Pourtant dans les faits, très peu d'échanges illicites sont réalisés en cryptomonnaies.

Certains mythes sur les cryptomonnaies ont la vie dure. "Il y a toujours eu beaucoup de fantasmes et d'informations sur le blanchiment d'argent avec le bitcoin", a déclaré William O’rorke, crypto-avocat chez ORWL, lors d'une table-ronde au Surfin' Bitcoin.

Le mythe ne provient pas de nulle part: au début de la création du bitcoin, la cryptomonnaie était principalement utilisée pour payer sur certains sites liés au dark web, à l'instar de la plateforme Silk Road, qui n'a pas tenu très longtemps. Aujourd'hui toujours, certains criminels utilisent cette cryptomonnaie (et d'autres) pour leur activité.

Pour Faustine Fleuret, la patronne de l'association pour le développement des actifs numériques (ADAN), c'est une idée "préconçue" de penser que le bitcoin et les cryptomonnaies seraient liées aux criminels.

0,15 % des échanges illicites

En 2021, les échanges illicites ont concerné 0,15 % des transactions sur l'ensemble des transactions de l'écosystème selon une étude de la société Chainalysis. Un chiffre qui baisse d'année en année à mesure que les acteurs de l'écosystème crypto se conforment à la règlementation en matière de lutte contre le blanchiment d'argent. De même, selon une étude de Cambridge, 3 % de plateformes d'échanges de cryptomonnaies ne font pas de KYC (pour Know Your Consumer).

Toujours selon Faustine Fleuret, il y a une "méconnaissance du marché des cryptoatifs". Certaines personnes ayant tendance à oublier que la plupart des cryptomonnaies ne sont pas anonymes et qu'elles sont traçables sur la blockchain. Certains réseaux ont ainsi pu être démantelés grâce à la blockchain beaucoup plus facilement que si des espèces en dollar ou euro avaient été utilisées.

En France, la loi Pacte a notamment introduit le statut PSAN (pour prestataire sur actifs numériques) délivrés par l'AMF, un acteur pouvant recevoir soit un 'enregistrement' soit un 'agrément'. Aujourd'hui 43 acteurs, dont Binance et Coinhouse, ont reçu l'enregistrement. Concrètement, les acteurs crypto PSAN doivent répondre aux mêmes exigences en termes de lutte contre le blanchiment d'argent que les acteurs financiers traditionnels.

"Beaucoup de choses ont changé avec l’enregistrement PSAN", considère Stephanie Cabossioras, directrice juridique en France du géant Binance. Jusqu'à présent, Binance identifiait tous les gens qui s’enregistrent sur la plateforme (système de KYC) et utilisait aussi un système de monitoring des transactions pour identifier les transactions suspectes qui étaient ensuite déclarées à Tracfin.

Mais depuis qu'il est acteur PSAN, Binance au même titre que tous les autres acteurs, répond à de nouvelles exigences, par exemple la plateforme peut traiter les requêtes qui proviennent des forces de l’ordre, "quand la police identifie des soupçons, elles peuvent nous les donner", admet sa directrice juridique.

Si le mythe sur le blanchiment d'argent est en train de perdre en crédibilité, il faut se rappeler que l'on ne "pourra pas empêcher les comportements individuels: une banque ne peut pas garantir tous les flux, il en est de même pour les PSAN", souligne Elodie Trevillot de la banque Delubac qui a récemment obtenu le statut PSAN.

Vers un renforcement avec MiCa

La lutte contre le blanchiment devrait notamment être renforcée avec le règlement MiCa (voir notre article à ce sujet)qui a proposé un nouveau statut PSAN pour les acteurs, qui ressemble à l'agrément PSAN de l'AMF.

"Pour les PSAN, MiCa va être une marche règlementaire à suivre. En France, l’agrément PSAN ressemble à la règlementation européenne. L’intérêt pour le secteur crypto est de se mettre au niveau de la règlementation européenne avant tous les autres. En saisissant cette opportunité, on prend une longueur avance et quand MiCa entrera en vigueur, les acteurs auront un avantage. Ils pourront convertir leur agrément PSAN et bénéficier du passeport européen", a déclaré Stephanie Cabossioras.

Binance va-t-il faire une demande de l'agrément PSAN? La question peut se poser.

Pauline Armandet